#1 [↑][↓]  15-12-2023 17:27:31

philouplaine
Copilote
Lieu: Toulouse
Date d'inscription: 07-06-2010
Renommée :   69 

[Réel] Avancée majeure en propulsion hypersonique ?

Bonjour chers amis,
Je vous ai traduit un article paru hier jeudi dans la presse américaine spécialisée qui, je pense, pourrait vous intéresser.
Il a pour objet une nouvelle technologie de propulsion hypersonique développée par General Electric Aerospace : la détonation rotative … bon, cet article à mon avis ne lève pas trop le voile sur ce que c’est en détail … mais on y apprend pas mal de choses sur ce sujet.
Bonne lecture !
Philippe




LA PERCEE DE GENERAL ELECTRIC DANS LE DOMAINE DE LA PROPULSION HYPERSONIQUE PAR DETONATION EST IMPORTANTE

Un statoréacteur utilisant la combustion par détonation rotative pourrait offrir des gains d'efficacité importants pour la conception de futurs appareils hypersoniques.


Par Joseph Trevithick, The War Zone, 14 décembre 2023



Article original en Anglais


https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//zYkoRb-Small-image-B.jpg
Conception d’artiste d’un aéronef en vol hypersonique. © GE Aerospace


GE Aerospace déclare avoir mis au point avec succès un concept avancé de propulsion basé sur un statoréacteur à double mode utilisant la combustion par détonation rotative. Ce concept pourrait ouvrir la voie au développement de nouveaux avions et missiles capables de voler efficacement à des vitesses supersoniques, voire hypersoniques, sur de longues distances.

Un communiqué de presse publié aujourd'hui (NdT - le 14 décembre 2023) par GE Aerospace fournit de nouveaux détails sur ce qui "est considéré comme le premier essai mondial d'un statoréacteur hypersonique bimode avec combustion à détonation rotative (DMRJ) dans un flux d'écoulement supersonique" (NdT – DMRJ est l’abréviation de "dual-mode ramjet scramjet". Un ramjet est un statoréacteur, un scramjet est un superstatoréacteur qui utilise en entrée d’air un air supersonique. Un réacteur bimode DMRJ fait à la fois statoréacteur et superstatoréacteur). La vitesse à partir de laquelle on parle de vitesse hypersonique est définie comme étant supérieure à Mach 5. Mme Amy Gowder, présidente-directrice générale de la division Defense & Systems de GE Aerospace, avait déjà révélé ce projet, mais en donnant des informations très parcellaires, lors du salon du Bourget de cette année en juin.


https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//0YkoRb-Small-image-E.jpg
Représentation d'un moteur à détonation rotative. © USAF


"Un système de propulsion DMRJ à air comprimé ne peut commencer à fonctionner que lorsque l’avion atteint des vitesses supersoniques supérieures à Mach 3", explique le communiqué de presse. "Les ingénieurs de GE Aerospace travaillent sur un statoréacteur bimode de type DMRJ à détonation rotative capable de fonctionner à des nombres de Mach inférieurs, ce qui permet à l’avion ainsi équipé de fonctionner plus efficacement et d'atteindre un plus grand rayon d'action".

"La RDC [combustion à détonation rotative] permet de générer une poussée plus élevée de manière plus efficace, pour une taille et un poids de moteur globalement plus petits, en brûlant le carburant par des ondes de détonation au lieu du système de combustion standard qui alimente aujourd'hui les moteurs à réaction traditionnels", ajoute le communiqué de presse.

Dans la plupart des turbines à gaz traditionnelles, y compris les turbosoufflantes et les turboréacteurs, l'air est introduit par une entrée et comprimé, puis il est mélangé au carburant et brûlé par déflagration (lorsque la combustion se produit à une vitesse subsonique) dans une chambre de combustion. Ce processus crée le flux continu d'air chaud à haute pression nécessaire au fonctionnement de l'ensemble du système.

Un moteur à détonation rotatif (qui implique une combustion à une vitesse supersonique) "commence par un cylindre à l'intérieur d'un autre plus grand, avec un espace entre eux et quelques petits trous ou fentes par lesquels un mélange de carburant de détonation peut être injecté. L’allumage du carburant injecté crée une détonation dans cet espace annulaire, ce qui génère des gaz qui sont poussés à l'une des extrémités du canal en forme d'anneau pour produire une poussée dans la direction opposée. Cela crée également une onde de choc qui se propage autour du canal à environ cinq fois la vitesse du son, et cette onde de choc peut être utilisée pour déclencher d'autres détonations dans un modèle rotatif auto-entretenu si du carburant est ajouté aux bons endroits et aux bons moments".


Vidéo YouTube - Qu'est-ce qu'un moteur à détonation rotative - et pourquoi sont-ils meilleurs que les moteurs ordinaires ? (En Anglais) - Durée 11min10


Les premières expérimentations de la détonation rotative remontent aux années 1950, mais la création d'un moteur de ce type utilisable s'est avérée impossible jusqu'à très récemment, du moins officiellement. En 2020, une équipe de l'université de Floride, en collaboration avec le laboratoire de recherche de l'armée de l'air américaine (AFRL pour Air Force Research laboratory, basé sur la Wright-Patterson Air Force Base en Ohio), a déclaré avoir créé un banc d'essai expérimental, le premier du genre, qui démontrait la faisabilité pratique du concept de la détonation rotative. L'année suivante, en 2021, ces mêmes universitaires ont annoncé qu'ils avaient construit un prototype de moteur capable de produire une onde de détonation rotative soutenue, une autre première mondiale. Depuis, d'autres développements concernant les moteurs à détonation rotative ont eu lieu ailleurs aux États-Unis et dans le monde.


https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//zYkoRb-Small-image-G.jpg
Photos du banc d'essai à détonation rotative de l'Université de Floride (UCF) publiées en 2020. © University of Central Florida


En principe, la détonation rotative nécessite moins de carburant pour produire le même niveau de puissance/poussée que la combustion par déflagration. L'onde de choc soutenue qui en résulte crée également sa propre pression, ce qui se traduit par une efficacité énergétique encore plus grande. En effet, la pression produite dans un réacteur conventionnel est régulièrement perdue lors de la déflagration.

En outre, la détonation rotative nécessite généralement beaucoup moins de pièces mobiles que les turbines à gaz traditionnelles. En théorie, tout cela devrait permettre de concevoir des moteurs à détonation rotative nettement plus petits, plus légers et moins complexes que les types existants, avec une puissance/poussée aussi élevée.

Les avantages potentiels d'un tel système de propulsion sont évidents. Un moteur à détonation rotative permettrait d'augmenter les performances et la portée des avions et des missiles, même relativement petits. L'adaptation des modèles existants pour utiliser ce type de propulsion pourrait libérer de l'espace pour plus de carburant ou d'autres charges utiles. Il s'agit là d'avantages potentiels que l'AFRL a très publiquement mis en avant par le passé, comme le montre la vidéo ci-dessous.


Vidéo YouTube – Démarrage d'un réacteur à détonation rotative (en Anglais) - Durée 40 sec


L'année dernière, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) de l'armée américaine a dévoilé un projet appelé "Gambit", qui est aussi centré sur la technologie des moteurs à détonation rotative. Le projet Gambit est un effort visant à fournir un missile hypersonique à longue portée pour les chasseurs de quatrième génération en s'appuyant sur la technologie de la détonation rotative. L'objectif principal de ce projet est de "développer et démontrer un nouveau système de propulsion à moteur à détonation rotatif permettant de produire en masse et à faible coût une arme supersonique à longue portée pour des frappes air-sol dans un environnement anti-accès/déni de zone (A2AD)".


https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//zYkoRb-Small-image-A.jpg
Illustration de l'Agence pour les projets de recherche avancée de défense de l’armée américaine (DARPA) publiée dans le cadre du projet Gambit. © DARPA


En octobre de cette année, Raytheon a obtenu un contrat de la DARPA pour le développement d'un moteur à détonation rotatif dans le cadre du projet Gambit. Bien que GE Arospace n’ait pas été sélectionnée pour le programme Gambit, Mme Gowder a déclaré : "Nous travaillons avec la DARPA sur d'autres démonstrateurs technologiques".



https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//0YkoRb-Small-image-D.jpg
Représentation de ce à quoi pourrait ressembler un missile hypersonique à moteur à détonation rotative que le laboratoire de recherche de l'armée de l'air américaine (AFRL) a récemment rendu publique. © USAF


Le concept de propulsion sur lequel GE Aerospace dit travailler actuellement semble aller un peu plus loin que le concept de base de la détonation rotative et les avantages qu'il pourrait offrir en l'associant à une conception de statoréacteur bimode. Les statoréacteurs, qui ne sont pas nouveaux, ne fonctionnent pas à des vitesses subsoniques et ont du mal à fonctionner de manière fiable même à des vitesses supersoniques plus faibles. C'est pourquoi les plates-formes qui les utilisent ont besoin d'une sorte d'impulsion initiale, généralement fournie par un moteur-fusée.

"Les ingénieurs de GE testent actuellement le mode de transition à des vitesses supersoniques élevées lorsque la poussée passe de la turbine équipée du RDE au statoréacteur/scramjet bimode", a déclaré Mme Gowder lors du salon de Paris au début de l'année.

"Nous étudions les deux", a ajouté Mme Gowder, interrogée sur la poursuite des travaux de son entreprise sur les statoréacteurs. "Mais la technologie de la détonation rotative offre une solution très efficace parce qu'il permet de réduire la longueur du statoréacteur. Dans certaines applications, cette taille peut vraiment être importante, en particulier pour certaines applications sur des avions sans pilote".

Un concept combinant statoréacteur et superstatoréacteur, tous deux à détonation rotative, en un seul moteur pourrait être particulièrement intéressant pour les futurs missiles, tels que ceux envisagés dans le cadre du projet Gambit de la DARPA, et éventuellement pour des avions à grande vitesse destinés à la reconnaissance. Ce mode de propulsion pourrait permettre une plus grande efficacité et des cellules plus légères (et potentiellement plus petites), qui à leur tour permettraient d'améliorer les performances - notamment en termes de portée - et/ou la capacité de charge utile. Si la combustion par détonation rotative peut réduire la vitesse minimale requise pour faire fonctionner le statoréacteur, cela réduirait également la quantité de poussée initiale dont un tel système aurait besoin au départ. L'ensemble serait donc plus petit. Tout cela ouvre la voie à de nouveaux niveaux de flexibilité opérationnelle.

Ce nouveau concept de moteur pourrait également devenir l'un des composants de ce que l'on appelle un système de moteur à cycle combiné à turbine (TBCC), dont on a pas mal parlé ces dernières années. La plupart des concepts de TBCC tournent autour de la combinaison en un seul moteur de statoréacteurs avancés (ou de scramjets) pour une utilisation à grande vitesse et de turboréacteurs traditionnels qui fonctionnent mieux à basse vitesse.


https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//0YkoRb-Small-image-F.jpg
Représentation graphique d'une configuration théorique de moteur à cycle combiné de type TBCC. Traduction du texte. Texte du haut : Turbine-based combined cycle TBCC propulsion. Propulsion à base de turbines en cycle combiné. Un cycle combiné veut dire que la turbine conventionnelle est combinée à un statoréacteur afin de permettre son utilisation depuis l’état statique au sol jusqu’à des vitesses hypersoniques (supérieures à Mach 5). Texte central : Turbine engine. La poussée est donnée par le réacteur conventionnel depuis le décollage jusque vers Mach 3. Textes du bas : Common inlet. Entrée d’air commune au réacteur conventionnel et au statoréacteur. Dual-mode ramjet. Statoréacteur bimode qui fonctionne à la fois comme statoréacteur et superstatoréacteur et accélère ainsi l’appareil à des vitesses hypersoniques. Common nozzle. Echappement commun des deux réacteurs afin de réduire significativement la traînée. © Lockheed Martin


Un concept pratique de TBCC, quel qu'il soit, est depuis longtemps considéré comme le Saint-Graal de la technologie lorsqu'il s'agit de concevoir des aéronefs à très grande vitesse. Un système de propulsion permettant ce type de flexibilité à haute et basse vitesse signifierait qu'un avion pourrait décoller et atterrir sur n'importe quelle piste existante appropriée, mais aussi être capable de maintenir des vitesses supersoniques élevées, voire hypersoniques, dans la partie intermédiaire du vol.

Il n'est donc pas surprenant que l'armée de l'air américaine, entre autres, s'intéresse aux systèmes de propulsion TBCC. Le programme Mayhem de l'armée de l'air a déjà été lié à des développements de TBCC et de statoréacteurs bimodes, tout comme l'avion hypersonique SR-72 de Lockheed Martin, qui a été proposé précédemment. Mayhem lui-même est ostensiblement centré sur le développement d'un aéronef hypersonique expérimental capable de transporter diverses charges utiles nécessaires pour mener des missions d'attaque et de renseignement, de surveillance et de reconnaissance.


https://nsm09.casimages.com/img/2023/12/15//0YkoRb-Small-image-C.jpg
Vue d’artiste d'un aéronef hypersonique théorique réalisé par la société américaine privée Leidos, qui dirige actuellement les travaux sur le projet Mayhem de l'armée de l'air. © Leidos


Pour l'armée américaine, de futurs aéronefs et missiles capables d'atteindre des vitesses supersoniques et hypersoniques soutenues sur de longues distances pourraient s'avérer très utiles pour répondre à toute une série d'exigences de missions sensibles au facteur temps. En particulier, tout conflit futur de grande envergure dans le Pacifique, par exemple contre la Chine, impliquerait automatiquement toutes sortes d'exigences opérationnelles dans une vaste zone, dont une grande partie est recouverte d'eau.

Bien entendu, il reste à voir ce que donneront les travaux menés actuellement par GE Aerospace. Comme nous l'avons déjà noté, le domaine des travaux sur les moteurs à détonation rotative en est encore à ses débuts, bien que des développements significatifs semblent se produire à un rythme plus régulier aujourd'hui.

"La réussite du développement, de l'intégration et de la démonstration des technologies et des capacités uniques de GE Aerospace nous permettra de fournir à nos clients des systèmes de propulsion hypersonique différenciés, aujourd'hui et demain", a déclaré Mark Rettig, vice-président et directeur général d'Edison Works Business & Technology Development chez GE Aerospace, dans un communiqué de presse publié aujourd'hui (le 14 décembre). "Nous avons rassemblé les bonnes compétences, avec les bonnes capacités, et nous avons investi stratégiquement pour nous assurer d’être alignés très étroitement sur les besoins de nos clients. Les résultats significatifs que nous avons obtenus à ce jour nous confortent dans l'idée que nous avançons dans la bonne direction."

Nous devons également noter que des investissements importants ont été réalisés au cours de plusieurs décennies dans le domaine des vols atmosphériques à très grande vitesse, dans l'ombre des travaux de recherche et de développement tous classifiés. Des sommes considérables ont été investies dans ce domaine de recherche ces dernières années avec l'essor de l'armement hypersonique, de sorte que nous ne savons pas dans quelle mesure cette capacité a été explorée dans ce domaine, si tant est qu'elle l'ait été. Dans l'ensemble, il sera très intéressant de voir ce que GE Aerospace divulguera d'autre sur ce travail de propulsion potentiellement révolutionnaire basée sur des statoréacteurs rotatifs. 


FIN


ouaf ouaf ! bon toutou !!

Hors ligne

 

Pied de page des forums

Maintenance informatique Lausanne