L’Archéologie Aéronautique ?
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 100 ans (et plus), pour dénicher des choses intéressantes à raconter. Espérons-le !  ...


Bonjour chers amis,

Voici un court texte de la fin de l’année 1945 publié dans la revue mensuelle américaine Popular Mechanics qui, en 200 à 300 pages chaque mois (!), présentaient aux américains les derniers développements des ingénieries et des techniques.

Cet intéressant document nous montre comment les équipages des B-29 étaient entraînés pour le bombardement de leurs cibles au Japon ... déjà du virtuel en carton, à l’échelle de 2 pieds pour 1 mile et avec un petit plomb de chasse faisant office de bombes.

J’ai pensé que ce très court texte pourrait vous intéresser par sa valeur historique. Je dois dire que ce qu’il montre, je ne le savais pas.

Bonne lecture !
Philippe




Couverture du magazine POPULAR MECHANICS de décembre 1945





Mapping Japan for the Bombers
Cartographier le Japon pour nos bombardiers
Popular Mechanics Décembre 1945

Des répliques miniatures du Japon, disposées sur le sol des studios d'enregistrement de Hollywood, ont servi aux équipages de B-29 dans le Pacifique à reconnaître presque toutes les collines, tous les cours d'eau et toutes les cibles industrielles dans le pays nippon.

Ces cartes en relief géantes au sol, représentant la bagatelle de près de 7000 km2 du Japon, montraient fidèlement les collines et leurs vallées, les rivières, les lacs et les villes et villages de la région reproduite. Non seulement ces cartes ont servi à familiariser les pilotes et les officiers bombardiers-viseurs à bien mémoriser leurs futures cibles, mais elles ont aussi servi à régler précisément les horaires et les voies aériennes d’approche des cibles à bombarder en planifiant les routes et les altitudes nécessaires.

Des caméras montées sur des grues mobiles circulant au-dessus de ces cartes géantes simulaient la vitesse et l'altitude des B-29. Ce bras était déplacé au-dessus de la carte en relief à une hauteur et à une vitesse reprenant, à l’échelle, la vitesse et l’altitude d’un bombardier B-29. Les films ainsi tournés à Hollywood étaient ensuite visualisés à Guam par les équipages.  Les vols vers le Japon et les vols de retour des bombardiers vers leur base ont ainsi été grandement précisés.

Ce sont les hommes de la 949ème Compagnie des ingénieurs-topographes de l’USAAF, basée au QG de Guam, qui se sont attelés à la tache de reproduire fidèlement des contrées entières du Japon. En utilisant du bois, de la colle, du carton et du sable, ils réalisèrent des cartes en relief à l’échelle de 2 pieds pour un mile (échelle au 1/2700). Ils construisirent des milliers de petits bâtiments à l’échelle, une maison de 26 m sur 26 m devenait alors un objet en bois de 1 cm sur 1 cm. Tous les bâtiments présents sur la région du Japon représentée furent reproduits à l’échelle dans du bois. Tous ces petits objets étaient conservés dans les grandes boîtes de conserves des cuistots, certaines en contenaient jusqu’à 8 000.

Les hommes de la 949ème compagnie durent reproduire de façon très ressemblante et à l’échelle toutes les usines, surtout les usines de constructions aéronautiques. Ils firent de même avec les avions, reproduisant des chasseurs d’un demi-centimètre et des bombardiers d’un centimètre. L’une des zones reproduites fut équipée, sur une reproduction d’un mètre sur un mètre d’un terrain d’aviation nippon, de pas moins de 600 petits avions. Rien que pour ces six cents avions, un seul soldat dût, pendant de nombreuses journées, tailler dans du balsa pas moins de 1 800 pièces, certaines de la taille d’une écharde.

Lors de la simulation de la pratique des bombardements, la caméra restait fixe et c’était tout le décor qui défilait sous la caméra. Toute la reproduction était sur une vaste table mobile dans les deux directions. Grâce à l’utilisation de lentilles conçues exprès pour cet usage, l’officier bombardier-viseur voyait sur son écran en temps réel le paysage (reproduit) défiler comme il l’aurait vu dans l’œilleton de son viseur. Comme il s’approchait de sa cible, il pouvait contrôler le mouvement du décor sous la caméra, comme il l’aurait demandé au pilote dans la réalité, et il larguait ses bombes une fois au-dessus de sa cible. Il déclenchait en fait le largage d’un petit plomb de chasse qui depuis la caméra venait se ficher quelque part dans  le décor.  Si le plomb atterrissait à moins de 10 centimètres de la cible, l’instructeur considérait que le bombardier-viseur avait atteint son objectif.

Les reproductions des bâtiments étaient si solidement construites que les hommes de la 949ème compagnie disaient souvent qu’ils seraient encore debout quand les bâtiments réels des japs ne seraient plus que des tas de cendre. Le problème des couleurs réelles ne put être reproduits qu’à partir du moment où les appareils photographiques des avions de reconnaissance passèrent du noir-et-blanc à la couleur. Tous les officiers bombardiers-viseurs de l’USAAF passèrent par ces hangars et leur caméra montée sur grue au-dessus d’une reproduction au 1/2700ème des grands centres industriels du Japon.


Illustrations de l'article



Parsemée de dizaines de maquettes d'usines japonaises de la taille d'une écharde, la section que manipule cet officier topographe est prête à être insérée dans une carte à grande échelle pour planifier les missions de bombardement.



À gauche, la cible sur la reproduction telle qu’elle est vue dans le viseur de l’officier bombardier lors de sa formation. La carte en relief miniature terminée (à droite) est vérifiée par rapport à une photographie de reconnaissance.



Des caméras déplacées par des grues pivotantes prenaient des films de cartes en relief des grands centres industriels du Japon pour faciliter les missions de bombardement des B-29.



Un pilote de B-29 inspecte Nagasaki réduite à l’échelle de 1 mètre pour 2,6 km.



Carte en relief représentant la région de Tokyo – 30 mètres sur 30 mètres.



Résultat des bombardements de Tokyo.