Bonjour tout le monde,
Cher(e)s ami(e)s, en cette fin de canicule, j'ai pensé que vous aimeriez recevoir des nouvelles du grand froid sibérien, de nos amis russes.
Je vais vous faire plusieurs envois sur des textes que j'ai trouvés ici et là sur l'aviation russe. Nos amis Ruskofs sont d'excellents concepteurs d'avions comme vous savez tous.
Voici la traduction d'un texte tout récent, du 8 août, paru dans une revue militaire américaine.
Apparemment, le programme MiG-35 du bureau MiG de la Russian Aircraft Corporation aurait du plomb dans l'aile...
J'ai pensé que ce texte pourrait vous intéresser.
Les illustrations sont celles de l'article original.
Bonne lecture,
Philippe




Pourquoi le MiG-35 russe semble voué à l’échec…
Par Thomas Newdick, 8 août 2020

Le Mig-35 "Fulcrum-F" de dernière génération aurait dû être en service à l'heure qu'il est, alors pourquoi ne l'est-il pas et qu'est-ce qui a mal tourné ?



Le MiG-35 dans sa version monoplace. © Russian Aicraft Corporation MiG, Vadim Savitsky


Près de quatre ans après le premier vol du MiG-35, rien n'indique que le ministère russe de la Défense ait passé les commandes à grande échelle espérées pour cet avion de guerre. Le Fulcrum-F, décrit par le constructeur comme un chasseur "Génération 4++", devait commencer à servir en escadrille de première ligne vers la mi-2020, mais à ce jour, la Russie n'en a acheté que six exemplaires.

La dernière version du Fulcrum, qui est basée sur le MiG-29 un chasseur datant de 43 ans, de l'époque de la guerre froide, est entrée en développement en 2014 grâce à un financement du ministère de la défense russe. Censé répondre à un besoin national, le Mig-35 est toujours en cours de campagne d'essais en vol à la demande de l’armée de l’air russe. On espérait lors du lancement du programme que les essais seraient terminés fin 2018 ou début 2019, après quoi Moscou passerait commande d'au moins 30 appareils.

Il est troublant de constater que la société d'aviation russe MiG avait déjà utilisé la désignation MiG-35 avant celle-ci. Ce nom avait déjà été appliqué à deux prototypes en décembre 2011, puis proposé, sans succès, à l'Inde dans le cadre de son appel d'offres pour 126 avions de combat multirôles moyens (ou MMRCA pour Medium Multi-Role Combat Aircraft). Ces deux prototypes étaient basés sur le chasseur MiG-29K/KUB de l’aéronavale russe. S’il avait été retenu, ce premier Mig-35 destiné à l’Inde aurait été plus avancé que le Mig-35 actuel, incluant un radar actif à balayage électronique Phazotron-NIIR Zhuk, un radar embarqué de type AESA (pour Active Electronically Scanned Array).

Les deux premiers exemplaires de préproduction du MiG-35 actuel ont été présentés aux officiels lors d'une cérémonie à l'usine Mig de Loukovitsy de la Russian Aircraft Corporation, au sud-est de Moscou, en janvier 2017. Lors de cet événement, le commandant en chef des forces aérospatiales russes, le général Viktor Bondarev, a déclaré que tous les chasseurs "légers" en service dans l’armée de l’air russe seraient remplacés par le nouveau MiG-35.



Le cockpit du MiG-35 est dominé par trois écrans à cristaux liquides et un HUD. © Russian Aicraft Corporation MiG


Ces deux premiers Mig-35 étaient l’un un monoplace, portant le numéro de série "702", et l’autre un MiG-35UB biplace, portant le numéro "712". Ces appareils ont tous deux effectué leur premier vol vers la fin novembre 2016.

Alors que les essais se poursuivent, le ministère de la défense vient d’annoncer qu’il ne s’engageait à acheter seulement six MiG-35 dans le cadre du Programme d'armement de l'État. Cette force symbolique - quatre monoplaces et une paire de biplaces - poursuivra l'effort d'évaluation et devrait ensuite rejoindre l'escadrille russe d’acrobatie "Strizhi" (NdT – traduction les Martinets) basée à la base aérienne de Koubinka, près de Moscou. En août de l'année dernière, MiG a admis que les essais en vol ne seraient pas terminés avant la fin de 2021.



La patrouille acrobatique russe des "Martinets".© Forces aérospatiales russes


On est loin des ambitions antérieures d'introduire le MiG-35 comme "le" chasseur léger standard au sein des forces russes. En attendant, la nécessité d'un tel chasseur semble de plus en plus discutable. Avec une seule unité de MiG-29 de première ligne restant actuellement dans l'ordre de bataille des "chasseurs légers" de l’armée de l’air russe, il est difficile de voir exactement où le MiG-35 pourrait se placer. Plutôt que d'échanger leurs vieux Fulcrums contre des MiG-35 flambant neufs, certaines escadrilles ont opté pour les Su-30 Flanker-C, des "poids lourds".

En outre, en ce qui concerne leur coût, la différence est loin d’être négligeable entre les produits "légers" de la Russian Aircraft Corporation MiG et les produits "lourds" de l'écurie de Sukhoi. Même dans sa forme la plus simple, un MiG-29 coûte environ 80% du coût le coût d’un Su-27 Flanker. La différence de coût d'exploitation entre les deux chasseurs était également du même ordre.

Le plan visant à équiper les Strizhi de MiG-35 a été révélé par le lieutenant général Andrey Yudin en mars 2017, il y a donc plus de trois ans. Bien que les pilotes de cette escadrille renommée aient, en plus de leur fonction de représentation, une fonction de pilotes de combat de première ligne, il est probable que les MiG-35 auraient principalement été utilisés pour la représentation en espérant des commandes lucratives de MiG-35 à l’export. On s'attendait alors à ce que les pilotes de Strizhi soient équipés des MiG-35 à partir de fin 2019. Il était même prévu que les MiG-35 auraient été livrés lors d'une mission de Strizhi au 929ème centre d'essai en vol de Chkalov dans la région d'Astrakhan au sud-ouest de la Russie. Cependant, rien ne confirme que cela se soit produit. Il est à noter que si Strizhi vole toujours actuellment sur des MiG-29, des vétérans de l'ère soviétique, l'autre patrouille acrobatique des forcés aériennes russe, les Russikiye Vityazi (NdT – les Chevaliers Russes) a échangé ses vieux Su-27 contre des Su-30SM en 2017 et a tout récemment commencé à être équipée des tout derniers Su-35S Flanker-E.



Le prototype biplace du MiG-35 équipé de quatre bombes vidéo-guidées de type KAB-500Kr et d’une paire de missiles air-air R-73. © Russian Aircraft Corpporation MiG


L'autre opérateur principal intéressé pour être équipé du nouveau MiG-35 est l’Arménie, et plus précisément la 3624ème base aérienne d’Erebouni, près de la capitale Erevan. L’armée de l’air arménienne est la dernière au monde à déployer d’antiques MiG-29 en première ligne. En février 2017, le commandant de la base, que les médias russes n'appelaient que le colonel Petrov, a déclaré que les MiG-29 vieillissants de l'unité seraient remplacés par des MiG-35. Aucun contrat n'ayant été signé depuis, la livraison des MiG-35 à l'avant-poste arménien de l'armée de l'air est devenue une perspective de plus en plus éloignée. Tout récemment, il a été annoncé que l’armée de l’air arménienne allait commencer à recevoir des Su-30SM à la place.

Si jamais cette nouvelle génération de Fulcrum entre un jour en service, elle recevra probablement les désignations MiG-35S (monoplace) et MiG-35UB (biplace). En interne, MiG appelle ces appareils respectivement 9.41SR et 9.47SR - en fait, ils partagent tous deux une structure de cellule et une verrière de cockpit communes. Le monoplace élimine simplement le siège du cockpit arrière et le remplace par un réservoir de carburant supplémentaire.

Le MiG-35 est loin d'être le MiG-29 de base et aux capacités strictement limitées. Le cockpit avancé est équipé de trois écrans à cristaux liquides en couleur ainsi que d'un écran tête haute monochrome (HUD). Le radar Phazotron-NIIR FGM-129 Zhuk-M du chasseur - hérité du MiG-29KR/KUBR aéroporté - est équipé d'une antenne à fente à balayage mécanique plutôt que d'un radar AESA. Il est associé à un nouveau système optronique OLS-UEM qui réunit des capteurs électro-optiques et infrarouges ainsi qu'un télémètre/détecteur laser. Le pilote est également équipé d'un système d'affichage monté sur le casque.



Le MiG-35 en version monoplace. Cette version et la version biplace partagent une même verrière de cockpit. © Russian Aircraft Corporation MiG


Alors que des efforts symboliques ont été faits à l’époque pour faire du MiG-29 un chasseur moderne, le MiG-35 dispose d'une suite d'autoprotections où un récepteur d'alerte radar est combiné à un système d'alerte d'approche de missile (six capteurs ultraviolets pour assurer une couverture à 360 degrés) et à deux avertisseurs laser en bout d'aile. Cette suite peut être complétée par une nacelle de brouillage radar externe.

L'armement de dernière génération comprend à la fois des armements air-air et air-sol, dont le missile air-air RVV-SD, une version améliorée du R-77, avec son radar actif pour les engagements au-delà de la portée visuelle. Outre la gamme complète d'armes air-sol conventionnelles, la nouvelle génération d'armements guidés avec précision comprend le missile air-sol modulaire Kh-38 et la famille de munitions de bombes planantes (NdT - Small Glide Munitions) de type Grom.



Formation des deux prototypes du MiG-35. © Russian Aircraft Corporation MiG


L'apparition d'un MiG-35 modifié lors du salon bisannuel MAKS de l'année dernière à l'extérieur de Moscou est le signe que MiG a déjà commencé à chercher des clients étrangers pour son nouvel avion. Cette variante modifiée du MiG-35 a été présentée dans une "configuration d'exportation renouvelée" avec une avionique améliorée comprenant un logiciel à architecture ouverte, un radar AESA Zhuk-AE ainsi qu'un nouveau profil d’aile et une dérive plus grande. Sous cette forme, l'avion est proposé à l'Inde pour répondre à ses nouveaux besoins pour une annonce de 114 avions de chasse multirôles. Dans ce segment du marché, le constructeur russe est confronté à la concurrence acharnée d'Airbus Defence and Space, de Boeing, de Dassault Aviation, de Lockheed Martin, de Saab et même de son compatriote Sukhoi.

Sans aucun doute, le MiG-35 est un avion de combat performant. Cependant, les perspectives de ce Fulcrum de nouvelle génération avec les forces aérospatiales russes semblent tout çà coup devenues très minces. Avec la montée en puissance du Flanker, et avec le tout nouveau Su-57 qui attend dans les coulisses, une commande à grande échelle de MiG-35 par l’armée de l’air russe est de plus en plus compromise.

Vous pouvez voir une vidéo sur le MiG-35 ici.