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Merci beaucoup pour les liens chessgame80 !
Philippe
Merci beaucoup catalina !
Bonjour chers amis pilotevirtuelistes,
Vous avez certainement déjà entendu parler de cette possibilité pour les avions de combat de la prochaine génération de voler au sein d’une formation d’avions ailiers de protection rapprochée qui seraient en fait des drones pilotés par une intelligence artificielle portée par l’avion de combat piloté par un homme (ou par une femme).
Eh bien, cette possibilité est en cours de développement très avancé aux Etats-Unis, grâce aux efforts combinés de l’agence gouvernementale DARPA et du constructeur privé General Atomics. On ne présente pas General Atomics. La DARPA (pour Defense Advanced Research Projects Agency) est une agence du département de la Défense des États-Unis chargée de la recherche et développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire.
L’article que je vous ai traduit vous présente où tout cela en est aujourd’hui … du moins pour ce qui peut en être révélé grâce au Freedom Information Act.
J’ai pensé que cette information pourrait vous intéresser.
Bonne lecture !
Philippe
LA CONSTRUCTION DU PREMIER DRONE AILIER A COMMENCE CHEZ GENERAL ATOMICS
Alors que le programme CCA progresse (NdT - pour Collaborative Combat Aircraft = Avion de Combat Collaboratif), un potentiel beaucoup plus avancé et beaucoup plus autonome est en cours de développement dans le cadre du programme LongShot de la DARPA.
Par Joseph Trevithick, The War Zone, 1er juillet 2024
Projet de drone-ailier. © General Atomics
General Atomics construit actuellement son premier drone pour le programme "Collaborative Combat Aircraft" de l’USAF et a annoncé qu’elle utilisait pour ce programme des composants conçus à l'origine pour le MQ-9 Reaper afin d'accélérer ce travail. Dans la phase initiale du programme CCA, General Atomics est actuellement confrontée à un concurrent, récemment venu sur le marché, le constructeur californien Anduril Industries (NdT – fondée en 2017) et à son concept "Fury". Mais il y a de plus en plus d'indices sur la possibilité que les deux types de drones entrent tous les deux en service au sein de l’USAF en tant qu'équipements complémentaires.
Les deux firmes affirment qu'elles progressent, mais qu'elles rencontrent également des difficultés importantes, notamment en matière d'autonomie, dans le cadre de leurs travaux sur leurs drones respectifs. De son côté, General Atomics déclare qu'elle envisage déjà une nouvelle génération de systèmes aériens sans équipage, qui s'inscrit dans un autre programme de la DARPA, le programme LongShot, qui, lui, demande un drone de combat autonome lanceur de missiles.
M. Mike Atwood, le vice-président des programmes d'avions avancés chez General Atomics Aeronautical Systems, et Mme Diem Salmon, vice-présidente pour la domination aérienne et de la frappe chez Anduril, se sont longuement exprimés sur le programme CCA lors d’une conférence ce week-end, qui vaut la peine d'être écoutée dans son intégralité.
Cet épisode exclusif TheMerge traite du programme Collaborative Combat Aircraft (CCA) de l'USAF avec les deux entreprises sélectionnées pour construire les premières plates-formes : Anduril et General Atomics. TheMerge présente ce que les entreprises ont en commun et de la façon dont elles considèrent cela comme l'un de leurs superpouvoirs. Nous explorons également les origines du programme CCA, les origines de la conception du véhicule gagnant, la façon dont la structure du programme est un modèle pour l'innovation et plus encore. Bien qu'elles aient remporté les contrats, les deux entreprises ont des connaissances en matière de logiciel et d'autonomie qui leur sont propres. Nous avons donc également discuté du logiciel en tant que catalyseur et des défis d'intégration liés à l'intégration de ces drones "ailiers fidèles " dans nos forces armées. Bien qu'il y ait eu beaucoup de points d'accord entre General Atomics et Anduril, pourtant concurrents dans ce programme, ils ont également présenté ce qui est différent dans leur - quelque chose que vous ne pouvez obtenir que lorsque vous les réunissez pour une discussion.
En avril dernier, l’USAF a annoncé officiellement que les deux entreprises avaient été retenues pour participer à la première phase du programme CCA, également connue sous l’appellation Increment One. L'animateur de TheMerge, Mike Benitez, est également directeur de produit pour l'intelligence artificielle chez Shield A.I., qui participe notamment à un autre programme de la DARPA, le programme ACE (NdT – le programme Air Combat Evolution qui vise à intégrer l’intelligence artificielle dans la conduite des combats aériens). Le programme ACE est l'un des nombreux projets distincts de la DARPA qui alimentent directement le programme CCA.
(NdT - Shield A.I. est une entreprise californienne de technologie aérospatiale et de défense basée à San Diego. Elle travaille au développement d’avions de chasse pilotés par une intelligence artificielle, des drones et des technologies pour les opérations de défense des Etats-Unis. Elle compte parmi ses clients le commandement des opérations spéciales, l’USAF, les US Marines, l’US Navy, et plusieurs armées étrangères. Le petit drone NOVA de Shield A.I. est le premier drone doté d'une intelligence artificielle à être déployé à des fins de défense dans l'histoire de l'armée américaine).
Projet du drone-ailier "Fury". © Anduril Industries
Le plan actuel de l'armée de l'air est d'acquérir uen centaine de drones-ailiers CCA dans le cadre de la phase Increment One, avec l'espoir que ces drones hautement autonomes travailleront efficacement en étroite collaboration avec les chasseurs avec équipage, en particulier les types furtifs de sixième génération, en se concentrant sur les missions air-air, du moins dans un premier temps. Le programme CCA travaille déjà au lancement de la deuxième phase, l'objectif final de l’USAF étant d'acquérir et de mettre en service un millier de drones-ailiers CCA, voire même beaucoup plus.
La future flotte complète de drones-ailiers CCA de l’USAF pourrait se composer de plusieurs modèles distincts aux performances variables et complémentaires. Pour atteindre ces objectifs, il est d’ores et déjà essentiel de trouver des moyens d'accélérer les calendriers de développement et d'augmenter rapidement la production à grande échelle des modèles qui seront retenus.
Progrès et défis
"Le premier drone-ailier CCA de General Atomics est en cours d'assemblage à l'heure où nous parlons", a déclaré M. Atwood. "Donc, vous savez, le délai que nous envisageons entre la réception du contrat de l’USAF et le moment où le premier drone-ailier sera livré à l’USAF est de l’ordre de 2 ans, au mieux nous pourrions descendre à une année".
M. Atwood a souligné que les décennies d'expérience de General Atomics non seulement dans le développement de nombreux programmes pour l’USAF, mais aussi dans la production d'autres drones, y compris les familles désormais emblématiques MQ-1 Predator et MQ-9 Reaper, ont donné à l'entreprise une longueur d'avance sur ses concurents pour le programme du drone-ailier CCA. Il a également révélé, pour la première fois à notre connaissance, que leur drone-ailier CCA utilisait des éléments du drone MQ-9 Reaper.
"Nous disposons d'une ligne de production active qui permet de produire en série des MQ-9 et nous pourrons y intégrer sans problème la production du drone-ailier CCA", explique M. Atwood. "En fait, pour la construction de notre prototype de drone-ailier CCA, nous avons pris quelques pièces de Reaper parmi celles entreposées en amont de la ligne d’assemblage du Reaper et nous les avons utilisés pour construire le drone-ailier".
Des membres de General Atomics et des forces armées néerlandaises devant un MQ-9 Reaper tout juste sorti de la ligne d’assemblage à l'usine de Poway, en Californie. © General Atomics
Outre des pièces provenant donc du Reaper, la conception du drone-ailier de General Atomics est principalement basée sur le drone XQ-67A, que l'entreprise a développé dans le cadre du programme OBSS (Off-Board Sensing Station) de l'USAF, un autre programme en cours et très secret celui-là.
Vidéo YouTube – Premier vol du drone XQ-67A le 28 février 2024 – Durée 1min34
Il semblerait également par ailleurs que le drone XQ-67 de General Atomics, et par extension la conception du drone-ailier CCA, s'appuient sur les travaux menés par le constructeur sur la famille de drones Gambit, des appareils sans pilote hautement modulaires. Le concept Gambit est centré sur un châssis commun avec un train d'atterrissage tricycle, piloté par un "cerveau" d'intelligence artificielle, un système de commande de vol et un ordinateur de mission, sur lequel des configurations très différentes d'aéronefs avec équipage peuvent être accouplées avec une relative facilité.
Mme Salmon d'Anduril Industries n'a pas fourni de détails spécifiques sur les progrès réalisés par son entreprise sur son premier prototype CCA, mais a indiqué que l'objectif principal restait le premier vol du prototype. L'appareil d'Anduril est un modèle baptisé "Fury", dont le développement a été commencé à la fin des années 2010 par une entreprise aéronautique californienne qui s’appelait Blue Force Technologies et qui a été acquise par Anduril en septembre 2023.
Mme Salmon a toutefois noté que : "le fait de disposer d'un atelier composite interne combinant notre savoir-faire avec celui d’une autre entreprise est extrêmement bénéfique", une référence apparente à l'acquisition par Anduril de Blue Force Technologies l'année dernière, acquisition qui incluait également ses installations de production. Auparavant, Blue Force Technologies était spécialisée dans le prototypage rapide et d'autres services de conception avancée, avec un accent particulier sur la fabrication de composites à base de fibres de carbone. Il convient de noter ici que les offres de General Atomics et d'Anduril sont très différentes sur le plan de la forme et de la fonction. Le Fury est objectivement le modèle le plus performant, un point qui a été soulevé et que M. Atwood n'a pas contesté lorsqu'il s'est exprimé dans son interview à TheMerge.
Vidéo YouTube – Présentation dur drone Fury d’Anduril Industries – Durée 31sec
Lors de cet entretien avec TheMerge, Atwood et Salmon se sont montrés globalement positifs quant aux progrès réalisés par leurs entreprises respectives sur le drone-ailier CCA, mais ils ont également fait part des difficultés rencontrées et des enseignements importants déjà tirés.
"Les composites sont intrinsèquement coûteux ... ils sont vraiment destinés à des applications de haute performance qui nécessitent une résistance et une certaine rigidité", a fait remarquer Atwood en évoquant les problèmes de production rencontrés par General Atomics. "Si l'on considère les avions de combat collaboratifs ... nous nous rabattons en fait sur des structures plus métalliques, ce que nous appelons des structures hybrides c'est-à-dire des cadres métalliques avec des revêtements composites."
"Je pense qu'il existe des capacités de pose automatisée de bandes composites qui permettent à un grand bras robotisé de déposer la fibre de carbone ", a-t-il ajouté. "Il existe donc des applications spécifiques, telles que les structures d'ailes, pour lesquelles la fibre de carbone peut être incorporée malgré son coût".
Questions relatives aux exigences
Les performances et les capacités que l'USAF recherche dans sa première tranche de drones-ailiers CCA, ainsi que les coûts et les complexités de production qui en découlent, ont déjà fait l'objet de questions et de préoccupations plus générales. Les détails publics concernant les exigences de la phase Increment One restent encore très rares, mais il semble bien que les drones-ailiers CCA devraient in fine être plus performants que ce qui était généralement prévu, ce qui devrait se faire au détriment de leur rayon d’action.
Le coût d'un seul drone-ailier CCA devrait également se situer entre un tiers et un quart du prix unitaire d'un chasseur F-35, soit entre 20 et 28 millions de dollars l’unité, d'après les informations rendues accessibles au public. Ce prix se situe dans la fourchette la plus élevée des prévisions initiales.
"L’industrie a commencé au début des années 2000 l’aventure des drones de combat UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle = Véhicule de Combat Aérien Autonome) avec les démonstrateurs X-47 Pegasus de Northrop Grumman et X-45 de Boeing", selon M. Atwood. "Et à General Atomics nous nous sommes dit, wow ! cela ne répond pas aux critères 'many-to-many' et nous trouvions aussi que cette technologie était un peu trop en avance sur son temps notamment en ce qui concernait l'autonomie du drone. "
(NdT – Un critère many-to-many, un concept typiquement anglo-saxon, concerne une relation de "plusieurs à plusieurs" (= many-to-many) qui se produit lorsque plusieurs enregistrements d'un tableau économique sont associés à plusieurs enregistrements d'un autre tableau. Par exemple, il existe une relation de plusieurs à plusieurs entre les clients d’une société et les produits que vend cette société : les clients peuvent acheter plusieurs produits et un même produit peut être acheté par plusieurs clients.)
Ce commentaire d'Atwood est particulièrement intéressant à la lumière de la disparition presque totale des concepts UCAV au sein de l’USAF, du moins publiquement, malgré des progrès significatifs dans leur développement au cours des années 2000 et au début des années 2010. "À General Atomics, nous avons donc fait pencher la balance plutôt du côté du drone XQ-58 Valkyrie, le produit de Kratos, qui était cependant un peu trop petit", poursuit-il. "Entre-temps, nous nous sommes concentrés sur cette catégorie de taille. Elle est plus utilitaire. Je pense que le défi a consisté à trouver le bon équilibre entre le coût, la capacité de survie et la variabilité des missions possibles ... Le défi consistait à optimiser tous ces attributs au niveau du système, mais il a fallu six ans pour trouver ce point optimal en concertation étroite avec l’USAF".
L'USAF, ainsi que d'autres branches de l'armée américaine, se sont engagées dans un certain nombre d'autres projets de drones avancés et de technologies autonomes au cours des six dernières années. Le projet Skyborg de l'armée de l'air, qui a utilisé des drones XQ-58 et des drones furtifs Avenger de General Atomics, entre autres plateformes d’essai, qui a pour but d’explorer de nouvelles capacités autonomes avancées basées sur l'intelligence artificielle, en est un excellent exemple. Il y a aussi l'effort du programme ACE de la DARPA mentionné plus haut (NdT – ACE pour Air Combat Evolution = évolution des combats aériens, sous-entendu futurs), qui se poursuit parallèlement au programme CCA.
Le besoin d'une plus grande autonomie
Les questions relatives aux capacités de vol et de combat autonomes et à la confiance qu'elles suscitent chez les acteurs militaires continuent d'être un facteur important pour la suite du programme CCA, quelle que soit la rapidité avec laquelle General Atomics ou Anduril peuvent développer et produire leur drone-ailier sur lesquels ces capacités d’intelligence artificielle seront intégrées. Pour General Atomics, M. Atwood a parlé des problèmes fondamentaux liés au contrôle humain dans la boucle des échanges d’information des drones-ailiers entre eux et avec le pilote humain, et de la nécessité pour les opérateurs humains de céder davantage de contrôle aux machines qu'ils supervisent.
"Nous avons commencé nos réunions avec le Commandement des Combats Aériens de l’USAF en utilisant des petites AI sur des tablettes ... L'idée était qu'ils voulaient un contrôle de l’IA qui soit le plus discret possible", a déclaré Atwood. "J'ai eu l'occasion de voler dans l'un des avions dédiés à ce programme avec ma tablette posée sur mes genoux comme "cerveau" de l’intelligence artificielle embarquée. Et ce n'était vraiment pas pratique de piloter l'avion en même temps, sans parler du système d'armement de mon avion principal, et de penser à tout cela dans l'espace et dans le temps".
Tablette utilisée par General Atomics dans le cadre des essais de vol en formation avec des drones-ailiers. © General Atomics
"Nous devions faire en sorte que la partie collaborative de notre formation, en clair els drones-ailiers, perçoive et traite correctement l'intention de ce que l’avion ennemi essaie de faire", a-t-il poursuivi. "S'il essaie d'entrer, s'il essaie de sortir, s'il essaie de tirer, s'il essaie de brouiller, s'il essaie d'être en EMCON [état de contrôle des émissions], le drone doit par sa réponse autonome être une vraie extension organique du pilote humain sans alourdir la tâche du pilote".
Ce sont précisément ces questions que l'USAF aborde déjà en coopération avec la DARPA dans le cadre du programme ACE. Ils utilisent pour cela un chasseur F-16 hautement modifié appelé X-62A VISTA (pour Variable Stability In-flight Simulator Test Aircraft = Avion d’essai pour la simulation de vols à stabilité variable, en clair pour des dogfight entre chasseurs). La DARPA cherche également à explorer plus avant les questions liées à l'autonomie accrue dans des contextes avec ou sans équipage, en effectuant des essais avec une flotte de poche de F-16 moins profondément modifiés dans le cadre du projet VENOM (pour Viper Experimentation and Next-Gen Operations Mode = Modes d’expérimentation des opérations de Next Generation du Viper. NdT - VIPER est le petit nom du F-16).
(NdT – Le F-16 X-62A VISTA est équipé d’un système de simulation VISTA (VSS) mis à jour fourni par Calspan Corporation, ainsi que l'algorithme de suivi de modèle (MFA) et le système de contrôle autonome de la simulation (SACS) de Lockheed Martin. S’en est suivi une série d’essais en vol au cours desquels l’intelligence artificielle pilotait l'avion de combat au cours de manœuvres de chasse avancées. Les résultats de ces essais sont secrets).
"Nous voulons simplement que le drone-ailier soit comme un capteur autonome du pilote humain, mais à une centaine de km devant lui. Nous voulons être son arme, mais disponible deux fois plus loin ... et il faut que ce soit organique, que les triangles et les losanges sur son écran soient tout simplement meilleurs et qu'il n'ait même pas à se soucier des gaz, des armes, de la portée, du taux de virage et de la déconfliction tactique", a ajouté M. Atwood. "Nous nous concentrons vraiment sur l'autonomie cognitive en boucle fermée, parce que lorsque nous l'avons fait en utilisant un contrôle plus discret avec une boucle plus ouverte et que nous avons fait l'entraînement, cela n'a pas fonctionné".
Dans le même temps, toute réduction de l'interaction humaine sur la prise de décisions par l’intelligence artificielle ne fait qu'accroître le besoin de confiance dans ces systèmes autonomes. La possibilité non seulement de tester, mais aussi d'entraîner et de réentraîner les algorithmes d'autonomie dans des environnements entièrement numériques, et ce très rapidement, a déjà été extrêmement bénéfique pour accroître la confiance humaine dans ces IA. En même temps, des limites sont apparues dans ce qui peut être fait sans essais en vol réels.
Vidéo Youtube – Futur du Combat Aérien Collaboratif – Durée 7min53 (en Anglais)
"Ce que nous voyons aujourd'hui, ce sont des chaînes d'exécution où nous sommes culturellement prêts à prendre les règles d'engagement et de manœuvre des combats ariens et à les mettre entre les mains d'une machine, ce qui, je pense, représente la transformation ultime de l'autonomie", a expliqué M. Atwood. "Il s'agit de la confiance dans l'autonomie. C'est le tournant crucial".
"Je pense qu'il est temps de quitter le Nevada Test and Training Range et d'utiliser cet engin sur le terrain", a ajouté M. Atwood. "Nous avons besoin d'évaluations au combat pour déterminer si, d'un point de vue politique ou culturel, nous pouvons avoir confiance dans un combat piloté par l’intelligence artificielle ou non".
(NdT – Le Nevada Test and Training Range (ou NTTR) est une vaste zone militaire de 290 km2 située entre les villes de Tonopah et Las Vegas dans le Nevada. Ce territoire est contrôlé par l’USAF et sert notamment depuis des décennies aux essais en vol).
"Il suffit de faire voler ce prototype de drone ... il faut le faire circuler ... Les gens doivent avoir l'occasion d'interagir avec lui", a convenu Mme Salmon d'Anduril. "C'est ainsi que l'on crée la confiance et je ne sais pas si l'on peut contourner ce problème. Je pense donc qu'il s'agit en partie d'une formation et d'un déploiement aussi large que possible sur le terrain pour que les gens s'y habituent".
Des projets complémentaires, et pas concurrents ?
M. Atwood a déclaré lors de son interview à TheMerge qu'il ne considérait pas nécessairement le projet de son entreprise comme un concurrent du Fury d'Anduril, et que les deux pourraient bien être en fait très complémentaires. Cela pourrait permettre à l'USAF de décider si ces deux modèles pourraient travailler en équipe.
Il est intéressant de noter ici que le programme OBSS, qui a conduit à la conception du General Atomics CCA, a un cousin existant et encore plus secret, plus performant et plus armé, appelé le drone OBWS (pour Off-Board Weapon Station = Soute d’armement volant en-dehors de l’avion). Nous avions déjà souligné dans un article précédent l'intérêt militaire d’une équipe entre un drone OBSS et un drone OBWS. Cette réalité d’un couple OBSS/OBWS conduit logiquement à envisager l’intérêt militaire d’une équipe qui serait constitué d’un drone-ailer de General Atomics et du Fury d’Anduril. Cela soulève la question de savoir si les deux drones-ailiers CCA actuels, qui sont ostensiblement en concurrence, pourraient être retenus tous les deux et utilisés dans le cadre d'une coopération.
"Je pense qu'Anduril et General Atomics sont bien placés pour mettre en place une équipe de classe mondiale afin de fournir un produit pertinent dans des délais raisonnables", a déclaré M. Atwood.
La première tranche Increment One n'est que le début de ce qui devrait être un programme de plus grande envergure. L'armée de l'air a clairement indiqué que les phases suivantes seraient ouvertes à de nouvelles propositions et à de nouvelles conceptions. General Atomics et Anduril ne sont que quelques-unes des dizaines d'entreprises que l'armée a déjà réunies en consortium pour soutenir cet effort.
En outre, l'armée de l'air a déjà conclu des accords formels avec l’US Navy et le corps des US Marines pour collaborer aux développements du programme. L'un des principaux objectifs est que les trois armées soient en mesure d'échanger en toute transparence le contrôle de drones de type CCA au cours d'opérations futures. L'armée cherche également à étendre la coopération en matière de drones CCA à ses alliés étrangers. L'armée de l'air utilise également au moins un drone Boeing MQ-28 Ghost Bat, conçu à l'origine pour l'armée de l'air australienne, pour soutenir divers efforts de recherche et développement et d'évaluation des essais.
Vol en formation d'un chasseur furtif F-22 Raptor de l'US Air Force volant avec un drone MQ-28 Ghost Bat de la Royal Australian Air Force. © USAF
Vers quel avenir?
Le programme CCA n'est pas le seul programme d'avion avancé en cours au sein de l'armée américaine dont nous ayons connaissance, sans tenir compte des autres programmes tenus secrets pour le moment. Ces programmes travaillent sur des appareils dont certains sont plus performants que les drones-ailiers CCA actuels et d’autres beaucoup moins.
"Il existe une nouvelle génération de drones qui est en cours d'élaboration et qui est beaucoup plus résistante, beaucoup plus autonome et beaucoup plus cognitive que les prototypes actuels", a déclaré M. Atwood. "Ces nouveaux drones sont ceux issus du programme LongShot de la DARPA... ces drones s’inscrivent dans les travaux menés sur les vols en espace restreint. ... Nous ne pouvons pas en dire trop, mais il s'agit essentiellement de pousser à l'extrême tous les principes dont nous avons parlé aujourd'hui : des drones pas trop chers, avec une capacité de survie et d’autonomie cognitive accrue et fiable … et croyez-moi ce qui commence à se faire est passionnant".
C’est General Atomics qui est le maître d'œuvre du programme LongShot de la DARPA, c’est donc General Atomics qui explore le concept d'un avion sans équipage capable de tirer sans intervention humaine des missiles air-air ou air-sol, des bombes planantes en plein vol sur leur propre décision tactique".
Illustration d'avions de combat F-15 lançant des drones de combat de type LongShot, qui tirent ensuite leurs propres missiles air-air. © General Atomics
Dans le même temps, l'USAF doit faire face à de sérieuses contraintes budgétaires à partir de l'année fiscale 2026, ce qui l'incite déjà à examiner plus attentivement ses futurs plans de modernisation. Le secrétaire d'État à l’armée de l’air Franck Kendal et d'autres hauts fonctionnaires ont prévenu que même les projets prioritaires, tels que l'initiative phare actuelle "Next Generation Air Dominance" (NGAD), pourraient faire l'objet de réductions importantes dans les mois qui viennent. Or le programme CCA est une composante du plus vaste programme NGAD. Les dirigeants de l'armée de l'air ont constamment insisté sur l'importance cruciale du programme CCA pour garantir la capacité de l’USAF à combattre et à gagner les conflits du futur, en particulier les combats aériens, qui seraient potentiels de haut niveau, dans le Pacifique contre la Chine.
Dans ses derniers commentaires, Mme Salmon d'Anduril Industriez a également souligné la nécessité d'un changement culturel plus large dans la manière dont l'armée américaine fait des affaires commerciales, en particulier lorsqu'il s'agit d’avion sans pilote et d'autonomie basée sur des intelligences artificielles. L'initiative Replicator du Pentagone, qui vise à mettre à la disposition des forces américaines, d'ici deux ans environ, des dizaines de milliers de drones (terrestres, navals et aériens) relativement bon marché et dotées d'un haut degré d'autonomie, est un exemple de la manière dont le ministère de la défense lui-même cherche à opérer ce changement fondamental dans sa manière de traiter des affaires avec l’industrie américaine de la défense.
"Je pense que même si vous avez trois à cinq nouveaux programmes qui, d'une manière ou d'une autre, adoptent les véhicules autonomes dans n'importe quel domaine, nous devrions considérer cela comme un réel succès. Si nous voyons des programmes qui se mettent en place et qui essaient de mettre en œuvre des capacités nouvelles mais dans cinq ans au lieu de dix, nous devrions considérer cela aussi comme une victoire", a-t-elle déclaré. "Je ne pense pas que nous allons obscurcir le ciel avec des robots dans les cinq prochaines années, mais je pense que si nous pouvons commencer à accélérer certains changements et l'adoption de ces choses, le résultat dans 5 ans sera formidable".
L’un dans l’autre, il reste à voir à quoi ressemblera exactement le produit final issu de la phase Increment One et quelles seront ses capacités autonomes et autres. Ce qui est déjà acquis, c’est que ce programme CCA a un impact transformationnel et potentiellement déterminant sur la façon dont les pilotes de l’USAF combattent et sur la façon dont l’USAF va acquérir de nouveaux appareils, avec ou sans équipage, à l'avenir.
FIN
Superbe ... Ce Transall de la Luftwaffe qui repart. Quels moteurs quand même !
Merci le gloan.
GéopAéro … Qu’est-ce donc ? Dénicher (et traduire pour vous) dans les revues internationales, surtout américaines, des articles qui montrent bien l’importance de l’élément aéronautique dans les grands problèmes de géopolitique actuels, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Bonjour chers amis,
Voici comment la très probable vente de Rafale à la Serbie est vue de l’autre côté de l’Atlantique.
J’ai pensé que cet aspect des choses pourrait vous intéresser.
Les illustrations sont celles de l’article original.
Bonne lecture !
Philippe
LE RAFALE FRANÇAIS SERA LE PROCHAIN AVION DE COMBAT DE L’ARMEE DE L’AIR SERBE
La Serbie s'apprête à acheter des chasseurs français Rafale, ce qui lui permettra de s'affranchir de sa dépendance à l'égard de la Russie en matière d'avions de combat et d'autres armes.
Par Thomas Newdick, The War Zone, 9 avril 2024
© Anthony Pecchi, Dassault Aviation
La Serbie est sur le point de signer un accord pour l'achat du chasseurs multirôles Dassault Rafale. C’est ce qu’a confirmé aujourd'hui (NdT – hier le 9 avril) le président serbe Aleksandar Vucic, qui a déclaré que des "accords concrets" avaient été conclus pour l'achat de 12 de ces avions. Cette décision, si elle se concrétisait, marquerait une rupture majeure pour la Serbie, qui entretient depuis longtemps des relations militaires étroites avec la Russie et utilise traditionnellement des quantités importantes d'équipements militaires fournis par la Russie. L'accord constituerait également une bonne nouvelle pour la société française Dassault Aviation, qui a déjà vendu des Rafale à sept clients étrangers, après un démarrage lent sur le marché de l'exportation.
S'exprimant aujourd'hui lors d'un voyage officiel de deux jours à Paris, le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré que lui et le président français Emmanuel Macron étaient "parvenus à des accords concrets concernant l'achat d'avions de combat Rafale". M. Vucic avait auparavant rencontré des responsables français de la défense et des représentants de la société Dassault.
Le président français Emmanuel Macron accueille le président serbe Aleksandar Vucic avant un dîner de travail au palais présidentiel de l'Élysée, le 8 avril 2024 à Paris, en France. © Chesnot, Getty Images
Le contrat devrait être signé dans les deux prochains mois et en présence du président français", a déclaré M. Vucic aux journalistes serbes à Paris, rapporte Reuters. L'année dernière, M. Vucic avait évoqué la possibilité d'acheter une douzaine de Rafales - le même avion de combat que celui acquis par son voisin et adversaire historique, la Croatie - pour un coût d'environ 3,26 milliards de dollars.
La Serbie utiliserait les Rafale pour moderniser sa flotte de chasseurs vieillissante, composée de MiG-29 Fulcrums datant des années soviétiques. Ces appareils ont été acquis pour la première fois par l'ancienne Yougoslavie dans les années 1980. Les appareils qui ont survécu à l'opération Allied Force de 1999 ont été complétés plus récemment par des MiG-29 d'occasion provenant des stocks russes et biélorusses. Pour ce que l’on en sait, ces avions ont été modérément modernisés.
Un MiG-29 serbe se prépare au décollage sur la base aérienne de Batajnica, près de Belgrade, le 14 octobre 2014. © Andrej Isakovic, AFP
Il est clair que le Rafale est beaucoup plus performant que les MiG-29 de l'époque de la guerre froide, dont 14 exemplaires sont actuellement en service actif dans l’armée de l’air serbe. Le Rafale de série est équipé d'un radar à balayage électronique actif (AESA) RBE2, d'une liaison de données Link 16, d'un système d'autodéfense et de guerre électronique Spectra actualisé et d'un système automatique d'évitement des collisions avec le sol. Les armes et les équipements comprennent désormais le missile air-air MBDA Meteor à portée visuelle supérieure, la nacelle de ciblage Thales TALIOS et la variante à guidage laser de l'armement air-sol de précision Sagem Hammer, entre autres.
Des Rafales de l'armée de l'air et de l'espace française lors d'un déploiement sur la base aérienne d'Andersen, à Guam, dans le cadre de l'exercice interarmées PEGASE 2023 l'année dernière :
Vidéo YouTube - PEGASE 2023 : Palau, une première pour les Rafale français – Durée 2min12 (en Français)
Si le contrat de 12 appareils pour la Serbie est signé, le Rafale continuera à gagner du terrain sur le marché de l'exportation. Déjà en service dans les forces aériennes de la Croatie, de l'Égypte, de la Grèce, de l'Inde et du Qatar, le chasseur a également été sélectionné par l'Indonésie et les Émirats arabes unis. À la fin de l'année dernière, l'Arabie saoudite est également apparue comme un client potentiel, principalement en raison des inquiétudes suscitées par les restrictions à l'exportation de l'Eurofighter Typhoon. L'amélioration continue du Rafale est assurée par un programme de mise à niveau pour la France, qui garantira qu'il reste un atout de première ligne capable jusqu'à l'arrivée de l'avion de combat de nouvelle génération (NGF) développé dans le cadre du programme paneuropéen Future Combat Air System (FCAS).
On ne sait pas exactement quand la Serbie recevra ses Rafale, si elle achète ces avions de combat, mais le mois dernier, le constructeur a confirmé qu'il disposait d'un carnet de commandes de 141 avions d'exportation et de 70 avions supplémentaires pour la France d'ici la fin de l'année 2023. Depuis, un autre lot de 18 appareils destinés à l'Indonésie a été ajouté au carnet de commandes. Dans le cadre de certaines commandes d'exportation antérieures, la France a accepté de détourner des avions des stocks de l'armée de l'air française vers d'autres clients afin de garantir une livraison plus rapide.
Un trio de Rafales égyptiens biplaces photographiés peu après leur livraison. © V. Almansa, Dassault Aviation
Tout aussi important que les nouvelles capacités offertes par le Rafale, un signal clair est envoyé à la Russie, ainsi qu'au reste de l'Europe. Sur le papier, la Serbie est neutre, mais elle entretient depuis longtemps des relations militaires étroites avec la Russie, notamment par le biais d'exercices conjoints réguliers. Ce lien étroit entre les deux pays au niveau militaire s'est également traduit par le recrutement par la Russie de soldats serbes pour participer à sa guerre en Ukraine.
Un pilote russe et un pilote serbe discutent de tactique avant de monter à bord d'un chasseur MiG-29 de l'armée de l'air serbe à Batajnica, le 4 octobre 2018. © Andrej Isakovic, AFP
Contrairement à la Croatie, la Serbie n'est pas membre de l'OTAN, mais elle fait partie du programme de Partenariat pour la paix, une sorte d'"OTAN allégée" qui permet aux pays de mener des entraînements militaires conjoints et d'autres initiatives sans vraiment adhérer à l'alliance.
La Serbie aspire toutefois à rejoindre l'Union européenne, ce qui serait sans doute bénéfique pour elle si elle voulait entretenir des liens politiques et militaires plus étroits avec les pays membres de l’Union, en commençant par la France. La situation au Kosovo - qui risque de déboucher à nouveau sur un conflit avec la Serbie - reste une possible pierre d'achoppement pour l'adhésion à l'Union européenne, de sorte que toute autre forme de rapprochement diplomatique est susceptible d'être utile.
En ce qui concerne la Russie, quelle que soit l'orientation des relations futures entre Belgrade et Moscou, l’exportation d'armes russes est devenue beaucoup plus difficile depuis que l'Occident a imposé des sanctions en réponse à l'invasion de l'Ukraine. Non seulement il est beaucoup plus difficile d'acheter de nouveaux avions de combat, mais la source de pièces détachées pour les avions existants s'est pratiquement tarie. Les effets de cette évolution se traduisent par des changements dans les achats d'avions dans le monde entier.
Toutefois, même avant cela, certains signes indiquaient que la Serbie cherchait à s'orienter davantage vers l'Occident. Avant de s'intéresser au Rafale, la Serbie avait acquis trois hélicoptères moyens Airbus H215, neuf hélicoptères utilitaires légers H145M et deux turbopropulseurs Airbus C295 pour ses forces armées et sa police, ainsi que des missiles sol-air Mistral lancés à l'épaule et des radars Thales.
Un hélicoptère H215 de la police serbe survole l'aéroport Nikola Tesla de Belgrade, le 10 juillet 2023. © Silas Stein, Getty Images
Parallèlement, l'armée serbe adopte de plus en plus une doctrine et un équipement plus proches de ceux de l'OTAN. L'année dernière, des hélicoptères de recherche et de sauvetage au combat (CSAR) HH-60G Pave Hawk de l'armée de l'air américaine ont participé à un exercice en Serbie, aux côtés d’hélicoptères H145M serbes et de Mi-17 Hips de l'ère soviétique, ce qui aurait été impensable il y a à peine vingt ans.
Il a également été suggéré par le passé que la Serbie pourrait même acquérir l'avion d'entraînement T-7A Red Hawk de Boeing, considéré comme un remplaçant potentiel de ses avions d'entraînement Soko G-4 Super Galeb et de ses avions d'attaque au sol Soko J-22 Orao, tous deux de fabrication yougoslave.
Ne pouvant plus compter sur la Russie, son partenaire militaire le plus proche et sa principale source d'approvisionnement en armes jusque là, la Serbie a manifestement été contrainte de regarder ailleurs. Dans le même temps, la conclusion de contrats d'armement de grande envergure avec des pays occidentaux ne peut que contribuer à améliorer les relations de la Serbie avec ces pays et, éventuellement, à faciliter sa progression vers une éventuelle adhésion à l'Union européenne.
FIN
Merci Rémy pour cet incident, étonnant tout de même ...
Bonjour chers amis,
Une petite info qui, je pense, pourrait vous intéresser. Des hackers ont réussi à obtenir des documents confidentiels iraniens (des Gardiens de la Révolution) qui leur ont permis de connaître (entre autres) quel est le coût d’un drone iranien Shahed-136 vendu aux Russes.
J’ai pensé que la traduction de cet article américain pourrait vous intéresser.
Bonne lecture !
Philippe
QUEL EST LE COUT REEL D'UN DRONE SHAHED-136 ?
Le prix des drones Shahed-136 indiqué dans les documents qui ont fait l'objet d'une fuite dépasse de loin les estimations précédentes, mais est-ce vraiment ce que la Russie les paie ?
Par Howard Altman, The War Zone, 8 février 2024
Drone Shahed-136 russe en vol au-dessus de l'Ukraine. © Мілітарний@mil_in_ua
Un groupe de pirates informatiques, nommé PRANA Networks, affirme avoir réussi à obtenir des fichiers d'une société écran du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) en Iran qui fournissent des détails précis sur les drones kamikazes Shahed-136 que la Russie utilise pour frapper l'Ukraine depuis 15 mois. La récente fuite de documents a remis en question le montant que la Russie a réellement payé à l'Iran pour les drones, et bien que nous ne puissions pas confirmer l'authenticité des documents ou l'exactitude générale des chiffres qu'ils mentionnent, ils soulèvent une question importante : quel est le coût réel d'un Shahed-136 ?
Des médias comme le New York Times et CNN ont rapporté que les drones coûtaient à la Russie environ 20 000 dollars l'unité. Cependant, les documents obtenus grâce au piratage revendiqué montrent des chiffres très différents.
PRANA Network a piraté les serveurs de Sahara Thunder, le fabricant des drones Shahed, et mis en ligne un grand nombre de documents, à la fois techniques et relatifs à leur fourniture à la Russie. À ce jour, les documents divulgués révèlent que : En 2022, un contrat de 1,75 milliard de dollars a été signé pour 6 000 Shaheds + matériel + logiciel. La Russie a payé en lingots d’or. La Russie a expédié un peu plus de 2 tonnes de lingots ! Le coût d'achat des Shahed à l'Iran est : - d'environ 193 000 dollars par unité pour une commande de 6 000 unités ; - d'environ 290 000 dollars par unité pour une commande de 2 000 unités. Si la production est localisée en Russie, son coût pour le ministère russe de la défense devrait tomber à 165 500 dollars. Le coût de production du Shahed serait de 48 800 dollars. Le prix catalogue annoncé par les dirigeants iraniens était de 375 000 dollars par unité.
(NdT – Ce que le réseau PRANA a piraté le 4 février 2024 ce ne sont pas les serveurs du constructeur iranien des drones Shahed comme indiqué dans ce message twitter, mais ils ont réussi à pirater les serveurs informatiques d’une société écran des Gardiens de la Révolution, la société Sahara Thunder, qui facilite la vente illégale d'armes de l'Iran à la Russie. Ces données, qui représentent près de 10 Gb de fichiers, comprennent des contrats de plusieurs millions de dollars, des reçus de paiements en lingots d'or, des plans pour la fabrication des drones, les coordonnées d'une société intermédiaire aux Émirats arabes unis appelé Generation Trading, d'une autre société appelée Alabuga, des détails de comptes bancaires, des plans d'usine, etc).
Les documents indiquent qu'en 2022, la Russie avait l'intention de produire 6000 drones iraniens sous licence dans ses installations dans un délai de 2 ans et demi, selon le média ukrainien Militinaryi. La publication cite un site web appelé "Iran Cyber News". Les Iraniens avaient initialement demandé à la Russie de payer 375 000 dollars par Shahed, mais ce montant a finalement été négocié à 193 000 dollars par drone pour 6000 unités ou à 290 000 dollars par drone pour 2000 unités, selon la publication. La valeur totale du contrat de production, y compris le transfert de technologies, d'équipements, de 6 000 drones et de logiciels, s'élève à 1,75 milliard de dollars, selon Militinaryi.
Pour aller sur le site de Iran Cyber News sur ce sujet c'est ici.
Toutefois, les documents indiquent qu'il existait un plan pour la localisation complète de la production en Russie avec une fourniture minimale de composants iraniens qui pourrait être exécuté en 2023, le coût prévu de chaque Shahed-136 tombant alors à environ 48 800 dollars. Le prix de "transfert" global était de 165 500 dollars par unité, selon Militinaryi. "Cet écart est probablement dû aux paiements hypothéqués pour la production, aux coûts supplémentaires et aux investissements dans l'entreprise. En d'autres termes, il s'agit du coût total du programme, y compris l'infrastructure et les licences, amorti sur l'ensemble de la production. Plus on construit, moins ce chiffre est élevé, car les coûts fixes sont davantage compensés. Le coût total du programme s'élèverait donc à un peu moins d'un milliard de dollars pour l’acquisition de 6000 drones Shahed-136.
Quoi qu'il en soit, un coût unitaire d'environ 50 000 dollars semble tout à fait réaliste, compte tenu de tout ce que nous savons sur le Shahed-136 et son mode de fabrication, ce prix étant encore réduit, et de manière substantielle, au fil du temps. La Russie a transféré plus de deux millions de grammes d'or à l'Iran dans le cadre de ces transactions, selon la publication. Une fois de plus, nous ne connaissons pas avec certitude les conditions finales de l'accord ni ce qu'il comprenait réellement.
Le PDG d'un fabricant ukrainien de drones nous a déclaré que les chiffres des coûts unitaires publiés par les pirates ne semblaient pas aberrants. "Les coûts unitaires divulgués englobent le transfert de technologie inhérent à chaque système, ce qui est raisonnable, en particulier compte tenu de la complexité de ces systèmes", a déclaré Francisco Serra-Martins, PDG de Terminal Autonomy. "Il convient toutefois de noter que la Fédération de Russie a choisi de payer ce transfert directement avec de l'or, plutôt que par d'autres moyens, tels que des échanges technologiques réciproques avec le gouvernement iranien ce qui est une pratique habituelle dans des accords de ce genre." (NdT – Terminal Autonomy est le fabricant ukrainien basé à Kiev des drones kamikazes utilisés par l’armée ukrainienne).
Francisco Serra-Martins, PDG de la société ukrainienne Terminal Autonomy.
Le prix de 20 000 dollars précédemment cité n'était pas réaliste, a-t-il ajouté. "En ce qui concerne les estimations initiales des coûts, il est évident que le chiffre précédemment avancé de 20 000 dollars par Shahed était très éloigné de la réalité", nous a-t-il dit. "Il est rare que des moteurs de 50 ch, un élément clé du système, soient achetés pour moins de 10 000 dollars, à moins qu'ils ne soient achetés par des canaux illicites. Forte de son expérience, notamment dans le cadre de notre projet analogue à Shahed chez Terminal Autonomy, le programme AQ 400 Scythe, notre équipe s'est délibérément écartée des systèmes utilisés par l’ennemi et que nous avons capturés, afin d'atténuer les coûts substantiels associés à leur conception complexe, en particulier en ce qui concerne leurs cellules composites".
L'AQ 400, avec son corps cylindrique et ses ailes en biplan, est d'une conception très différente de celle du Shahed-136 avec ses ailes en delta. Il est entièrement optimisé pour un faible coût et une production de masse, tout en conservant des capacités d'attaque à long rayon d'action. "L'avantage est que l'on obtient une portance supplémentaire avec une envergure d'aile réduite", a déclaré M. Serra-Martins à propos de la conception en biplan du dernier drone produit par sa société. Fabriqué à partir de feuilles de contreplaqué provenant de meubles détruits, son coût de base est de 15 000 dollars et il peut transporter 32 kg d'explosifs.
L’AQ-400 Scythe utilise un moteur beaucoup plus petit de 12 CV. "Nous utilisons d'autres moteurs, mais nous fabriquons aussi les nôtres", explique M. Serra-Martins. "Ils coûtent 150 dollars, contre 1 500 dollars pour un moteur DLE ou 3 000 dollars pour un moteur Skypower. Ils coûtent plus cher à produire, mais sont moins chers à l'unité, et sont intraçables, sans numéros de série". "Les Russes", a-t-il ajouté, "peuvent le faire, mais comme leur système est plus complexe, un moteur de 50 CV est absolument nécessaire et ces moteurs sont beaucoup plus cher qu'un moteur de 12 CV. L'aérodynamisme du Shahed est étonnamment mauvais. Leur autre drone, le Lancet, est tout aussi terrible. La masse du moteur est deux fois plus importante que celle de notre petit drone kamikaze AQ 100 et la charge utile est deux fois moindre".
Un drone ukrainien AQ 100 Bayonet de Terminal Autonomy et sa munition emportée. © Dylan Malyasov@MalyasovDylan
L'analyse de Serra-Martins sur le coût du drone Shahed-136 correspond à celle faite par le média ukrainien Defence Express en avril 2023. Ce média avait noté que les moteurs iraniens MD-550 utilisés pour propulser les Shahed-136 étaient en fait une contrefaçon d'un moteur d'avion Limbach Flugmotoren L-550 fabriqué en Allemagne.
Si l'on considère qu'un moteur L-550 coûte entre 12 000 et 17 000 dollars sur le marché mondial, la copie iranienne ne peut pas être beaucoup moins chère, au moins en raison du régime de sanctions qui pèse sur toutes les opérations d'achat", indique le même média. "Cela rend douteuses les suggestions antérieures selon lesquelles un Shahed-136 coûterait environ 20 000 dollars ou moins par unité, car il serait déraisonnable que le moteur représente à lui seul une part aussi importante du prix indiqué.
Une société chinoise propose actuellement des moteurs MD-550, copies low-cost du L-550 allemand, à 13 580 dollars l'unité pour des commandes en grand nombre (NdT – Aujourd’hui, sur le site AliExpress, le moteur MD-550 chinois est proposé à 21 000 $). Bien que les fuselages du Shahed-136 soient fabriqués à partir de matériaux composites accessibles, la Russie a dû recourir à des composants européens en contournant les sanctions actuelles, comme l'a rapporté The Guardian en septembre dernier. Selon un document que le quotidien britannique s'était procuré, 52 composants électriques fabriqués par des entreprises occidentales ont été trouvés dans les drones Shahed-131 et pas moins de 57 dans les Shahed-136, récupérés par les ukrainiens après avoir été abattus.
Le moteur à essence MD-550 fabriqué par la société iranienne MADO utilisé sur les anciennes versions des drones Shahed-13 russes. © Ukrainian Military Media Center
La recherche de composants étrangers pourrait faire grimper le coût des drones, selon M. Serra-Martins, "d'autant plus qu'ils doivent être achetés par l'intermédiaire de sociétés écrans, souvent à plusieurs niveaux". La Russie s'efforce toutefois de réduire le montant qu'elle consacre à chaque Shahed-136. Comme nous l'avons signalé en septembre, Moscou a commencé à utiliser une nouvelle génération de Shaheds. On a découvert qu'ils avaient de nouvelles ogives, de nouveaux moteurs, de nouvelles batteries, de nouveaux servomoteurs et de nouveaux fuselages, a déclaré à l'époque le capitaine Andriy Rudyk, représentant du Centre ukrainien de recherche sur les armes et les équipements militaires et trophées, lors d'un point de presse.
Hormis l'ajout de billes de tungstène dans l'ogive, la plupart des autres modifications n'ont pas altéré les caractéristiques générales des drones, mais semblent avoir été conçues pour réduire le coût de fabrication afin d'augmenter le volume de production, a déclaré le capitaine Rudyk.
Selon l'Ukraine, la Russie utilise des drones Shahed-136 dotés d'une nouvelle ogive, d'un nouveau moteur, d'une nouvelle antenne, de nouvelles servocommandes et d'autres composants. Ici la présentation par le capitaine Andriy Rudyk des variantes du drone Shahed-136 récupérées par l’Ukraine. © Ukrainian Military Media Center
Les fichiers récemment divulgués ont été obtenus par un groupe se faisant appeler PRANA Network, qui affirme les avoir obtenus par une intrusion hostile dans les serveurs de messagerie d'une société écran des Gardiens de al Révolution appelée Sahara Thunder. Les documents divulgués le 4 février dernier ne sont qu'une petite partie d'une tranche plus importante de 10 gigaoctets contenant des plans techniques, des contrats, des projets de création d'une usine de fabrication de drones dans la zone économique spéciale Alabuga en Russie, ainsi que d'autres données que le réseau PRANA affirme avoir dérobées. Les documents ne mentionnent pas directement le type de produit sui serait fabriqués en Russie. Au lieu de cela, les drones qui seraient fabriqués sous contrat par la Russie ne sont mentionnés dans ces documents que sous le nom de code : "Dolphin 632 engine boat" (NdT – Oui vous avez bien lu : engine boat : moteur de bateau).
Certains des documents divulgués par le réseau PRANA.
(NdT – La zone économique spéciale russe Alabuga est située près de la capitale de la république du Tatarstan, Elabouga, à 900 km à l’est de Moscou. Alabuga est également le nom d’un nouveau missile russe, l’Alabuga. Ce missile présenté en septembre dernier par Vladimir Poutine, est une arme électromagnétique qui est supposé désactiver tous les appareils électromagnétiques ennemis dans un rayon de 3,5 km. Ce missile est équipé d’un générateur haute fréquence de grande puissance, il serait prévu pour équiper les derniers drones russes. Elle pourrait aussi détruire les installations électriques à bord des ogives de missiles ennemis les rendant inopérants et les appareils de communication des avions, bloquer le chargement automatique des canons au sol et des véhicules blindés).
Outre le coût déclaré des drones, les fichiers piratés divulgués par le réseau PRANA montreraient également montrer le processus de production qui sera mis en œuvre par la Russie pour fabriquer, à Alabuga les drones iraniens. Ce sera en les assemblant à la main à partir de moules et de résine.
Documents divulgués par le réseau PRANA montrant des indications de fabrication d’un drone Shahed-136 à partir de résine et de moules. La documentation est absolument fascinante. Le processus de stratification des composites pour fabriquer la cellule semble extrêmement peu sophistiqué. L'ensemble du processus peut être exécuté manuellement, avec peu ou pas d'automatisation, réduisant considérablement les coûts de fabrication.
Bien que la provenance des documents piratés ne soit pas vraiment claire, certaines des informations qu'ils contiennent correspondent à des rapports antérieurs qui indiquaient le nombre de drones que la Russie a cherché à construire, l'emplacement de l'usine de fabrication et le calendrier de production. En août, comme nous l'avions déjà indiqué, le Washington Post révélait de nouveaux détails sur le plan russe de fabrication nationale de drones iraniens Shahed-136. Le quotidien indiquait alors que les drones seraient construits dans une usine située à environ 800 km à l'est de Moscou, dans la république du Tatarstan. L’article indiquait aussi que l’objectif du gouvernement russe était de "construire 6 000 drones sur place d'ici à l'été 2025".
La Russie avait également l'intention d'améliorer fortement les techniques de production et les caractéristiques du Shahed par rapport aux fabrications iraniennes, mais d'après les images trouvées dans les documents divulgués, il n'est pas certain que la Russie ait atteint cet objectif, même si les nouveaux Shadeds mentionnés plus haut montrent des changements significatifs à cet égard.
Quoi qu'il en soit, la menace persistante que représentent pour l'Ukraine les drones Shahed lancés par la Russie est indéniable, comme l'a souligné récemment le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.
"La défense aérienne de l'Ukraine est essentielle en ce moment, en particulier en ces mois d'hiver", a déclaré M. Kirby aux journalistes mardi matin. "Nous avons assisté à un assaut continu de drones russes - dont beaucoup sont en fait fournis par l'Iran - et de missiles de croisière et balistiques visant en particulier deux choses en Ukraine : d'une part les unités militaires, mais aussi spécifiquement et directement la base industrielle de défense de l'Ukraine pour tenter d'éliminer la capacité de l'Ukraine à produire un grand nombre des munitions dont elle a besoin pour se défendre". Les drones, comme nous l'avons souvent signalé, ont également été utilisés pour bombarder des villes ukrainiennes, des infrastructures électriques et des installations portuaires.
Cette semaine, la Russie a lancé de nouvelles vagues de drones Shahed sur l'Ukraine dans le cadre de sa campagne de frappes, dans l'impasse actuellement.
Pour la Russie, le coût du lancement de drones Shahed-136 de fabrication iranienne sur l'Ukraine est considéré comme une bonne affaire. Même à 50 000 dollars ou plus l'unité, ces drones sont bien moins chers que la plupart des munitions de défense aérienne utilisées pour les contrer. Un seul missile AIM-120 Advanced Medium-Range Air-to-Air Missile (AMRAAM) tiré par l'une des batteries antiaérienne sol-air NASAMS (NASAMS pour National Advanced Surface-to-Air Missile Systems) ukrainiennes, qui ont abattu de nombreux Shaheds, coûte environ entre 500 000 et 1 million de dollars, en fonction de la variante. Un intercepteur Patriot coûte plusieurs millions de dollars. Des équipes d'Ukrainiens équipés de puissants projecteurs et de camions-canons traquent ces drones chaque nuit pour tenter de les faire tomber du ciel et économiser ainsi leurs autres précieux moyens antiaériens.
Les Shaheds sont également beaucoup moins coûteux que leurs homologues de type missiles de croisière, tout en étant capables d’atteindre des cibles à des distances similaires, bien qu'avec une puissance destructrice moindre. Ils rendent également la défense aérienne beaucoup plus compliquée, en plus d'accaparer de précieux moyens antiaériens. À l'heure actuelle, nous ne connaissons pas le coût exact des drones Shahed-136, mais comme la Russie a investi massivement dans leur production, le prix unitaire baissera et les drones deviendront de plus en plus performants. L'Iran y veille également. Et donc, quel que soit le coût de ces drones pour la Russie, ils coûteront beaucoup plus cher à l'Ukraine.
FIN
Oui cher Scub .... cet engin a "un nez… heu… un nez… très grand".
Philippe =8
Bonjour chers amis pilotevirtuelistes,
Voici quelques nouvelles récentes sur l’avancement du programme des Skunk Works de Lockheed Martin et de la NASA sur le supersonique d’essai X-59, censé ne plus faire de bang au passage du mur du son, mené pour le compte du programme QueSST de la NASA.
L’avion était sorti de la ligne d’assemblage et avait rejoint le stand des essais statiques à Palmdale il y a 6 mois et voilà qu’il va bientôt commencer ses essais en vol. Pour cela, il rejoindra le site des essais en vol de la NASA sur la base Edwards dans le désert de Mojave … son premier vol était prévu avant la fin de 2023 mais ce sera pour le courant de cette année. Entre juillet 2023 et aujourd’hui, le nez de l’avion expérimental a encore été allongé de 40 cm et le fuselage a reçu sa peinture définitive … J’ai pensé que cette mise au point pourrait vous intéresser.
Je vous avais déjà récemment parlé de l’avancement de l’assemblage de la bête … ici et ici.
Les illustrations sont celles de l’article original. J'en ai juste rajouter une ou deux.
Bonne lecture !
Philippe
Mon post précédent sur le X-59 (Juillet 2023)
LE PROTOTYPE DU LOCKHEED MARTIN X-59 QueSST, UN AVION D'ESSAI SUPERSONIQUE, A ETE DEVOILE PAR LES SKUNK WORKS
Lors d'une cérémonie très médiatisée, le prototype du X-59 a été officiellement dévoilé à Palmdale. Le premier vol est prévu avant la fin de l'année.
Par Joseph Trevithick, The War Zone, 12 janvier 2024
Le X-59 QueSST lors de son roll-out. On voit nettement son nez particulièrement effilé. © Lockheed Martin viaNASA
La NASA et la célèbre division des projets avancés Skunk Work de Lockheed Martin ont officiellement présenté l'avion d'essai expérimental X-59 dénommé QueSST (NdT – QueSST Pour Quiet Supersonic Technology, ou Technologie Supersonique silencieuse). Les travaux de construction de ce premier et unique X-59 étant désormais terminés, le compte à rebours pour le premier vol est lancé, l'avenir des vols passagers supersoniques dépendant peut-être de son succès.
La présentation d'aujourd'hui, qui a eu lieu dans les installations de Skunk Works au sein de l'usine 42 de l'armée de l'air américaine à Palmdale, en Californie, a fait l'objet d'une grande attention de la part de la NASA et de Lockheed Martin. La cérémonie a été retransmise en direct sur diverses plateformes et les participants virtuels du monde entier ont été encouragés à organiser leurs propres soirées virtuelles pour y assister.
Le X-59 a désormais fière allure, resplendissant dans une peinture récemment appliquée qui comprend un fuselage essentiellement blanc, un dessous "bleu sonique" typique de la NASA et des profilages rouges sur les ailes.
"Il s'agit d'une réalisation majeure qui n'a été possible que grâce au travail acharné et à l'ingéniosité de la NASA et de toute l'équipe du X-59 à Skunk Works", a déclaré aujourd'hui Mme Pam Melroy, administratrice adjointe de la NASA. "En quelques années seulement, nous sommes passés d'un concept ambitieux à la réalité. Le X-59 de la NASA contribuera à changer la façon dont nous voyageons, en nous rapprochant les uns des autres en beaucoup moins de temps".
Pamela Melroy, Administrateur adjointe de la NASA depuis juillet 2021, colonel USAF (retraitée), et pilote de la navette spatiale sur 3 missions de 2000 à 2007.
Il convient de noter que le projet X-59 remonte à 2016 et que la NASA espérait à l'origine que l'avion prendrait l'air pour la première fois en 2020. Plus récemment, l'objectif était que le premier vol ait lieu en 2023, mais il est désormais prévu que cette étape soit franchie plus tard cette année. Selon la NASA, le dernier retard est dû au fait que l'équipe du QueSST a dû relever "plusieurs défis techniques qui ne sont apparus qu’au cours de l'année 2023".
Avant le premier vol, le X-59 subira "des essais de systèmes intégrés, des essais de moteurs et des essais de roulage", selon la NASA. Le premier vol et un certain nombre d'autres vols d'essai devraient avoir lieu à l'usine 42 avant que l'avion QueSST ne soit transféré au Armstrong Flight Research Center de la NASA, qui est situé sur la base aérienne d'Edwards en Californie.
La NASA a déclaré par le passé que la réussite des premiers essais en vol marquerait la fin de la première des trois phases prévues du projet QueSST. À Armstrong, le vrai travail commencera. Le X-59 est la pièce maîtresse de la mission "Quiet Supersonic Technology" de la NASA (NdT – La mission QueSST de la NASA consiste à démontrer qu’un avion peut voler à une vitesse supersonique sans générer de bang sonique, puis à recenser ce que les gens entendent lorsque cet avion expérimental survolera la terre. Les réactions aux "bruits" sonores plus faibles seront communiquées aux autorités de réglementation, qui envisageront alors de rédiger de nouvelles règles basées sur le son afin de lever l'interdiction actuelle des vols commerciaux supersoniques au-dessus de la terre).
L'objectif ambitieux du programme QueSST est de prouver qu'une conception spécialement soignée permet de réduire le bruit d'un bang sonique traditionnel à un "bruit sourd beaucoup plus silencieux". Ce faisant, on espère que le X-59 "aidera les régulateurs à reconsidérer les règles qui interdisent les vols supersoniques commerciaux au-dessus des terres".
Depuis 1973, les vols supersoniques commerciaux au-dessus des États-Unis sont interdits. Même l'armée américaine est soumise à de lourdes restrictions quant à l'endroit et au moment où elle peut faire voler des avions au-dessus de la vitesse du son dans l'espace aérien national. De nombreux autres pays dans le monde ont des interdictions similaires concernant les vols commerciaux supersoniques.
Il est prévu que le X-59 vole à Mach 1,4, soit environ 1700 km/h, au-dessus de la terre. Sa conception, sa silhouette et ses technologiesembarquées uniques se combineront pour permettre d'atteindre cet objectif d’un vol supersonique avec une signature sonore beaucoup plus silencieuse. La deuxième phase du programme QueSST consistera à s'assurer que la conception de base fonctionne comme prévu, notamment par des vols dans le polygone d'essai supersonique de la base aérienne d'Edwards. La NASA prévoit de la débuter en 2025.
Au cours de la troisième phase, également connue sous le nom de "Community Response Testing", le X-59 effectuera des vols au-dessus de différents endroits aux États-Unis (NdT – Community Response Testing = Enquête sur la réponse de la communauté). Les réactions des habitants des localités survolées répondront à une enquête poussée afin de connaître leurs réactions aux passages du X-59 à vitesse supersonique. Dans le passé, il a été dit que cela se ferait par le biais de notifications envoyées sur les téléphones portables, ce qui permettra également à la NASA d'envoyer des alertes sur des vols qui n'ont pas réellement eu lieu afin d'aider à évaluer les "faux positifs" et d'autres valeurs aberrantes dans les données.
Cette troisième phase devrait avoir lieu à partir de 2026, mais les communautés qui seront survolées n'ont pas encore été identifiées. La NASA a déjà indiqué que quatre à six villes importantes des etats-Unis pourraient participer à l'étude.
"Il est passionnant de considérer le niveau d'ambition derrière QueSST et ses avantages potentiels", a déclaré Bob Pearce, administrateur associé pour la recherche aéronautique au siège de la NASA à Washington. "La NASA partagera les données et les technologies issues de cette mission unique en son genre avec les autorités de réglementation et l'industrie. En démontrant la possibilité d'un voyage supersonique commercial silencieux, nous cherchons à ouvrir de nouveaux marchés commerciaux pour les entreprises américaines et à en faire profiter les voyageurs du monde entier".
Le X-59 présente des caractéristiques étonnantes, adaptées à sa mission exigeante. Le nez de l'avion est incroyablement long, puisqu'il occupe environ un tiers de sa longueur totale, qui s'élève avec ce nez allongé à environ 30 mètres. L'envergure de l'avion est quant à elle légèrement supérieure à 9 mètres. Le nez fin et effilé, que vous pouvez découvrir en détail sur ces photos, a été conçu pour dissiper les ondes de choc qui sont créées en régime supersonique, et qui sont responsables du bang supersonique que l'on entend au sol.
Vue frontale du X-59 avant qu'il ne reçoive sa peinture et le nouveau profilage de son nez. © Lockheed Martin via NASA
Le X-59 dispose également d'un cockpit très peu orthodoxe, le pilote étant situé presque à mi-chemin de la longueur de l'avion, sans aucune visibilité vers l'avant. Au lieu de cela, le pilote voit le monde extérieur vers l’avant grâce au XVS (NdT –pour eXternal Vision System), un système spécialement développé pour l'avion. Ce système utilise une série de caméras haute résolution pour alimenter en images l’écran 4K installé face au pilote dans le cockpit.
Les éléments externes du système XVS. © Lockheed Martin
L’intérieur du cockpit du X-59 avec ses 3 écrans. L’écran 4K supérieur est celui du système XVS. © Lockheed Martin
L'emplacement de l'unique turboréacteur F414-GE-100 du X-59, une variante personnalisée de ce moteur populaire que l'on trouve sur les F/A-18 Super Hornet et qui a été spécialement conçu pour cet avion, est également remarquable. Il est monté sur le dessus du fuselage, principalement pour garantir un dessous entièrement lisse. Là encore, il a été conçu, ainsi que les profilages de l’entrée d’air et de l’éjection des gaz pour faire face aux ondes de choc supersoniques, cette configuration permettant d'éviter que les ondes de choc produites lors du vol supersonique ne se rejoignent derrière l'avion et ne participent, se faisant, au bang supersonique.
Vue arrière du X-59 avec la buse d’éjection des gaz, orientable et modifiable, du turboréacteur F414-GE-100. © NASA/Carla Thomas
D'autres parties de l'avion sont plus familières, du moins si l'on y regarde de plus près. Par exemple, la verrière et des éléments du siège du pilote proviennent du Northrop T-38 Talon, son train d'atterrissage est celui du F-16 et le système d’éjection de son pilote est adapté de celui utilisé sur les F-15 Eagle.
Vue d'artiste du X-59 en vol avec les couleurs qu’il porte désormais et son tout dernier profilage du nez. © Lockheed Martin
"Un délai supplémentaire est nécessaire pour intégrer complètement les systèmes dans l'avion et s'assurer qu'ils fonctionnent tous ensemble comme prévu", a expliqué la NASA en octobre dernier. "L'équipe résout également des problèmes intermittents avec certains des ordinateurs redondants de sécurité qui contrôlent les systèmes de l'avion".
Depuis sa future base d'opérations au Neil Armstrong Flight Research Center, en plein désert de Mojave sur la base d’Edwards, le X-59 se lancera dans le programme d'essais en vol, transportant son "sonic thump" au-dessus de différentes communautés des États-Unis pour voir comment la population perçoit ce bruit sourd (NdT – Le mot anglais thump désigne un petit bruit sourd à peine audible. Sonic thump est ici employé par opposition au "sonic boom" qui désigne le bang supersonique.
"L'agence fournira les résultats de ces enquêtes auprès des population testées aux organismes de réglementation américains et internationaux afin d'ajuster éventuellement les règles qui interdisent actuellement les vols supersoniques commerciaux au-dessus des terres", a ajouté la NASA.
Une autre vue d’artiste montrant à quoi devrait ressembler le X-59A une fois achevé. © Lockheed Martin
Si le X-59 est aussi silencieux qu'on l'espère, ses technologies pourraient alors être exploitées pour la conception de futurs avions commerciaux à grande vitesse. Mais ce n'est pas gagné. On ne sait pas encore si le X-59 résoudra suffisamment le problème des bangs supersoniques. Si c'est le cas, il pourrait bien y avoir d'autres obstacles.
L'année dernière, Bill Sweetman, ancien journaliste d'Aviation Week et observateur de longue date de l'aérospatiale, a fait part de ses inquiétudes concernant le phénomène des effets APSE (effets aéro-propulso-servo élastiques). Selon un rapport de l’Académies Nationale des Sciences des Etats-Unis, les effets APSE font référence à des interactions potentiellement néfastes entre la structure de la cellule d'un avion, son système de propulsion et son système de commande de vol. Ces problèmes ont fait obstacle à une précédente génération de projets américains de transport supersonique (SST), dont aucun n'a abouti ou dépassé le stade des tests des maquettes.
(NdT – La silhouette du X-59 est celle d’un avion à fuselage long et étroit, susceptibles de produire des vibrations structurelles prononcées qu'il faudra contrôler. Ce phénomène de forces aérodynamiques induisant des vibrations structurelles potentiellement fortes est connu sous le nom d'aéroélasticité. Le contrôle de ces vibrations structurelles est connu sous le nom d'aéro-servo-élasticité (ASE). La NASA a étudié le problème de l'ASE de manière approfondie en utilisant des méthodes de calcul et des méthodes expérimentales dans les régimes de vol subsonique et supersonique. La principale avancée dans le domaine de l'ASE présentée par la NASA est l'intégration d'un modèle dynamique non linéaire du système de propulsion dans un modèle élastique, d’où la nouvelle appellation d’aéro-servo-propulso élasticité ou ASPE. Le système de propulsion modifié pour contenir les vibrations structurelles est alors composé d'une turbosoufflante axisymétrique à entrée de compression externe et à cycle variable et d'une tuyère convergente-divergente réglable – voir la vue arrière du X-59 où la tuyère est à deux étages).
"Selon le rapport de l’Académie des Sciences, il faudrait un avion X de grande taille pour bien étudier et espérer résoudre le problème des APSE", écrit Sweetman. "Et personne ne pensait qu'il y avait une chance d'obtenir de l'argent pour étudier cela. Un avion SST tel que le X-59 - par opposition à un avion supersonique d'affaires comme certains en étudient le marché potentiel - sera confronté au même défi : celui de surmonter les APSE".
Outre les défis techniques, il y a les problèmes économiques très réels liés à la mise sur le marché d'un avion supersonique, ce que seul le Concorde anglo-français a réussi à faire de manière significative et qui, au cours de sa carrière trop tôt écourtée, a été entravé par des coûts d'exploitation incroyablement élevés et un marché alors en pleine perte de vitesse. L'avenir nous dira si le X-59 relève les défis qui l'attendent et s'il a le potentiel de donner le coup d'envoi d'une nouvelle révolution, très attendue, dans le domaine de l'aviation commerciale.
Atterrissage du X-59 sur la base USAF d'Edwards. © NASA
FIN
Bonjour chers amis,
Voici la traduction d’un article un tantinet technique sur les moyens de défense anti-aérien à bord des bombardiers B-17.
J’ai pensé que ça pourrait vous intéresser.
Les illustrations sont celles de l'article original.
Bonne lecture !
Philippe
VOICI CE QU'IL FALLAIT POUR DEFENDRE UN BOMBARDIER B-17
Le maniement des mitrailleuses Browning de calibre 12,7 mm à bord d'un bombardier lourd de l'armée de l'air américaine était un travail difficile et parfois terrifiant.
Par Thomas Newdick, The War Zone, 31 janvier 2024
Les premiers épisodes de la nouvelle mini-série TV américaine "Masters of the Air" ayant reçu des éloges considérables pour leurs séquences de combat aérien, l'histoire des forces aériennes de l'armée américaine (USAAF) pendant la Seconde Guerre mondiale est de retour dans l'esprit du public (NdT – Pendant la seconde guerre mondiale et depuis sa création en juin 1941, l’armée de l’air américaine s’appelait US Army Air Force ou USAAF pour Forces Aériennes de l’Armée. Cette appellation succédait à US Army Air Corps qu’elle avait depuis 1926, appellation qui succédait à la toute première appellation des forces aériennes américaines : l’US Army Air Service. En septembre 1947, l’USAAF est devenue l’USAF actuelle).
Dans notre première analyse critique de la série, nous avions souligné l'attention portée aux détails, en particulier dans les scènes terrifiantes de B-17 volant dans la DCA ou attaqués par des chasseurs de la Luftwaffe.
La combinaison des explosions concomitantes simulées, des éclats d'obus et des tirs de mitrailleuses évoque très efficacement le chaos des combats diurnes menés par les bombardiers US et leur équipage. Par ailleurs, les efforts frénétiques des mitrailleurs de B-17 pour défendre leur avion contre les chasseurs ennemis qui semblent lancer des attaques de tous les côtés sont également tout à fait caractéristiques de ce drame.
Dans cette optique, il convient d'examiner ce qui a motivé ces mesures défensives et comment elles ont évolué au fur et à mesure que l'offensive des bombardiers se développait, poussant la guerre toujours plus loin dans l'Allemagne nazie et l'Europe occupée.
Dans l'entre-deux-guerres, les partisans des avions bombardiers étaient convaincus que, comme l'avait dit le Premier ministre britannique Stanley Baldwin en 1932 : "Le bombardier passera toujours" (NdT – La citation exacte est : "Bombers will always get through !"). En résumé, ils pensaient que les bombardiers étaient quasiment invulnérables. De ce fait, les défenses des bombardiers eux-mêmes ont été négligées, ce qui était compréhensible vu l’état d’esprit de l’époque.
Pour illustrer le mantra "le bombardier passera toujours", la première version d'essai du Boeing B-17, le prototype Y1B-17, n'était armée que de cinq mitrailleuses 12,7 mm montées sur des supports flexibles. © USAF
D'une manière générale, c'est dans cet esprit que les bombardiers de l'armée de l'air américaine sont entrés en guerre en Europe et, donc, sans aucune escorte de chasseurs. Les Britanniques, pour leur part, avaient appris à leurs dépens la vulnérabilité des opérations de bombardement de jour sans escorte et avaient du coup opté pour des raids nocturnes.
En l'état, les bombardiers lourds de l'USAAF qui commencèrent à effectuer des raids sur l'Europe à partir de leurs bases en Angleterre à l'été 1942 s'appuyèrent sur une combinaison de tactiques de formation - principalement la "boîte de combat" et ses variantes - et sur les mitrailleuses de calibre 12,7 mm actionnées par les équipages des B-17. Les Boeing B-17 étaient alors numériquement les bombardiers les plus importants de la huitième armée de l'air opérant à partir de l'Angleterre.
Schéma d'une formation de combat "en boîte pour une escadrille de douze B-17 volant par groupe de trois avions. Les annotations montrent : Élément leader de tête, élément haut, élément bas, élément le plus bas. © Wikimedia Commons
La prise de conscience qu'un bombardier lourd opérant de jour, quelle que soit sa formation, pouvait assez rapidement être abattu par chasseur ennemi se traduisit par l'augmentation constante de la puissance de feu défensive du B-17. La défense du modèle B-17C était initialement confiée à quatre des omniprésentes mitrailleuses Browning M2 de calibre 12,7 mm et à une seule mitrailleuse dans la verrière du nez. La dernière version mise en service du bombardier, le B-17G, était équipée de pas moins de 13 mitrailleuses Browning de calibre 12,7 mm, tirant à une cadence de 750 coups par minute jusqu'à une portée effective d'environ 1,5 km.
Sur le B-17G, ces canons étaient placés dans une double tourelle de menton, une double tourelle supérieure au-dessus du fuselage, une double tourelle sphérique ventrale (appelée "ball turret" par les Américains), une double tourelle de queue, ainsi que quatre mitrailleuses à simple canon pouvant être mises en position de chaque côté du fuselage près du nez du bombardier, dans le compartiment radio de la partie supérieure du fuselage et de chaque de la partie arrière du fuselage. En règle générale, la tourelle ventrale et la tourelle de queue étaient actionnées par des artilleurs spécialisés, tandis que les autres canons étaient actionnés par n’importe quel membre de l'équipage en fonction des besoins.
Un B-17G du 306ème Bomb Group, équipé d'une tourelle de menton, d'après une photographie datant de novembre 1943. La légende originale se lit comme suit : "La nouvelle tourelle de menton - ainsi nommée parce qu'elle est placée sous le menton de l'avion - est le dernier ajout à l’armement de défense de la Forteresse volante. © USAF
Sur cette photo datant de septembre 1944, un homme d’équipage du B-17 vise avec sa mitrailleuse à canon unique disposée dans un emplacement prévu à cet effet dans la verrière en plexiglas au-dessus du compartiment radio dans la partie supérieure du fuselage. © Getty Images
La tourelle supérieure et la tourelle sphérique ventrale étaient actionnées par un système électrohydraulique et pouvaient amener les canons sur une cible très rapidement, en se déplaçant à une vitesse d'environ 50 degrés par seconde et en étant alimentées électriquement en munitions. La tourelle de queue était actionnée manuellement, tandis que les autres canons entraînables étaient montés sur des affûts pivotants, ce qui signifiait que leurs servants disposaient d'un champ de tir limité et devaient lutter contre les embardées de leurs avions en essayant d'avoir l'ennemi toujours dans leur ligne de mire. Ces viseurs étaient initialement du type primitif à anneaux et à billes, remplacés plus tard par des viseurs à réflecteur, ce qui rendait le tir anticipé plus fiable (NdT – Le tir anticipé, traduction de deflection shooting, consiste à viser en avant d’une cible mouvante afin de l’atteindre avec une plus grande probabilité. En raison du temps de vol des balles de la mitrailleuse, le mitrailleur doit viser le point en avant de l’avion ennemi où, selon lui, l’avion ennemi se trouvera lorsque ses balles y arriveront afin de l’atteindre. Il fallait au mitrailleur du B-17 apprécier la distance le séparant du chasseur ennemi, apprécier la vitesse du chasseur et connaître la vitesse des balles qu’il tirait. Tous les membres d’équipage des B-17 connaissaient ces tables par cœur).
L'équipage dans le nez d'une des premières versions du B-17 juste avant l’entrée en guerre des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. Le peu d'espace disponible pour le canon monté dans la verrière du nez est bien évident. Le tireur n’a que très peu de place à côté de l’officier bombardier. © Getty Images
L’artilleur spécialisé assis à son poste de combat dans la tourelle sphérique ventrale d'un B-17, en septembre 1944. © Getty Images
Illustration datant de la guerre de la tourelle sphérique ventrale Sperry du type de celles qui équipaient les B-17 Flying Fortress et les B-24 Liberator. La position assise en fœtus du tireur et le mécanisme d'alimentation en munitions par le dessus de la tourelle sont ici bien mis en valeur. © Alfred D. Crimi, illustration pour les manuels de l’USAAF
Malgré l'impressionnante concentration de puissance de feu, un bombardier individuel restait très exposé, en particulier lors de son approche de la cible, lorsqu'il devait voler en ligne droite et en palier.
La formation en "combat box", 36 avions par 36 avions, a donc été rapidement développée pour assurer une protection mutuelle, avec des arcs de feu imbriqués fournis par des bombardiers volant en formation et échelonnés à différentes altitudes. Les chasseurs de la Luftwaffe se trouvaient ainsi confrontés à un problème bien plus important et les bombes étaient livrées à une plus grande proximité de la cible choisie. Ce dernier point était particulièrement important compte tenu de l'altitude élevée à laquelle ces raids étaient généralement menés. Cependant, ces tactiques exigeaient également que les bombardiers restent en formation rigide pour réussir, ce qui était contre-intuitif lorsqu'ils étaient attaqués par des chasseurs ou par des tirs affreusement concentrés de la Flak depuis le sol.
Finalement, avec l'augmentation du nombre de bombardiers en vol simultanément, la formation en combat box initiale a été affinée pour devenir la "boîte d'aile", comprenant trois boîtes de 18 avions en quinconce pour un total de 54 bombardiers. Ce système était particulièrement difficile pour les équipages, car les bombardiers serrés les uns contre les autres se heurtaient aux turbulences et les bombes larguées depuis une formation plus haute risquaient de venir frapper les avions volant en dessous. Cependant, lorsqu'il était bien formé, chaque caisson d'aile fournissait à tout moment un total de pas moins de 700 mitrailleuses défensives qui pouvaient être utilisées contre tout chasseur se risquant à l’attaquer. C’était devenu une défense formidable.
Berlin 19 May 1944. Le B-17 Miss Donna Mae II (du 94ème Bomb Group) a été bombardé par inadvertance depuis la formation du dessus. La bombe a brisé le stabilisateur horizontal gauche et a causé un départ en piqué prononcé du bombardier qui s’est écrasé. © Wikipedia
Vue de l'intérieur d'un flot de bombardiers B-17 en plusieurs "combat boxes" pendant la Seconde Guerre mondiale quelque part au-dessus de l’Europe. Il s’agit ici de bombardiers du 493ème Bomb Group de la 3ème division bombardement de la 8ème Air Force. © USAF
Outre les bombes qui tombent, un autre risque était d’être touché par un tir ami, un tir fratricide. Si les tourelles d'artillerie des bombardiers étaient conçues pour tirer sur des arcs de cercle garantissant que, par exemple, la dérive de l'avion ne soit pas touchée, il n'en allait pas de même pour les autres bombardiers qui volaient à proximité. Dans un échange de tir un peu vif, il pouvait arriver que malencontreusement un mitrailleur touche un bombardier voisin.
D'autres changements furent alors apportés à la tactique de la combat box initiale, notamment des formations plus lâches de 27 ou 36 avions lorsque le feu de la Flak se faisait trop intense et que els chasseurs n’étaient plus la principale menace pour les bombardiers. La nécessité d'un plus grand espacement s'explique par le fait que la détonation d'un seul obus antiaérien provenant d'un canon de DCA pouvait potentiellement détruire plus d'un bombardier. Lorsque les groupes Pathfinder guidés par radar sont devenus disponibles, ils ont également permis aux bombardiers d'opérer avec une plus grande distance entre eux et d'atteindre leur cible avec une précision raisonnable, même par mauvais temps. Ainsi la distance entre deux formations en combat box à l’approche de la cible était de 4 miles nautiques (près de 7 ½ km).
En 1943, l’équipage d'un B-17 du 306ème Bomb Group se tient sous l'aile endommagée par les tirs de DCA de leur B-17, surnommé "Holy Hellcat", en 1943. © USAF
Quelle que soit la tactique adoptée, le processus de mise en formation compacte des bombardiers était loin d'être facile. Un entraînement considérable était nécessaire au préalable et, pour les missions elles-mêmes, l'assemblage des bombardiers dans leurs combat box nécessitait beaucoup de temps et d'énergie de la part des équipages et consommait un carburant précieux. Selon certains témoignages, il fallait environ une heure pour se mettre en formation au début d'une mission. Des "avions d'assemblage" peints de façon particulièrement vive furent notamment utilisés dans les premiers temps pour faciliter le processus.
Dans le même temps, la Luftwaffe adapta ses tactiques d’attaque pour faire face aux formations de bombardiers de l'USAAF, plus nombreuses et mieux armées. Les pilotes de chasse allemands passèrent alors à la tactique des attaques "tranchantes" à grande vitesse, consistant comme à trancher la combat box attaquée en passant à toute allure au milieu de la formation.
Maquette d'un B-17 avec un treillis de fil de fer montrant les différenst angles de tir de ses mitrailleuses défensives, utilisée pour la formation des pilotes de chasse des Focke-Wulf Fw 190 de la Luftwaffe, vers 1943-44. © Archives fédérales allemandes
Malgré la presque totale absence d'opposition rencontrée par les chasseurs de la Luftwaffe au début des campagnes de bombardement de l'USAAF, abattre un aussi gros avion qu’un B-17 ou B-24 était loin d’être une tâche aisée. Un rapport de la Luftwaffe de cette époque indiquait qu'il fallait environ 20 coups de canon de 20 mm (bien plus destructeurs que les mitrailleuses des bombardiers) au but pour détruire un bombardier lourd de l'USAAF lors d'une attaque par l'arrière. Dans le même temps, un pilote moyen de la Luftwaffe ne touchait un bombardier qu'avec environ deux pour cent des obus qu'il tirait, ce qui signifie qu'il fallait 1 000 obus de 20 mm pour assurer la destruction d'un seul bombardier américain. Or un chasseur Fw 190 de la Luftwaffe n'emportait que 500 obus de 20 mm.
Il convient également de noter qu'en plus de l'ajout de canons défensifs, les bombardiers reçurent également un blindage plus important et amélioré, ce qui rendait la tâche de la Luftwaffe encore plus difficile.
Un Focke-Wulf Fw 190 vient de toucher un B-17G de l'USAAF lors de la mission de l’USAAF contre l'usine d'avions AGO Flugzeugwerke à Oschersleben, en Allemagne, le 11 janvier 1944. © USAF
Attaquer un bombardier de front offrait de meilleures chances au pilote de la Luftwaffe, car l'armement défensif vers l'avant était plus limité et son blindage moins efficace car comprenant beaucoup de verrières. Selon les études de la Luftwaffe, quatre ou cinq impacts de 20 mm suffisaient à détruire un bombardier lors d’une attaque de face. Toutefois, ce problème fut également abordé dans le cadre du programme d’amélioration du blindage des bombardiers "lourds" de l'USAAF, et abouti notamment à l’installation d’une tourelle de menton sur les B-17.
Une fois de plus, alors que les bombardiers de l'USAAF ajoutaient des mitrailleuses, la Luftwaffe augmentait à son tour sa puissance de feu, en ajoutant davantage de munitions, des canons de calibres de plus en plus lourds et, plus tard, même des roquettes air-air. Ces initiatives étaient peut-être motivées par la nécessité de disposer d'armes lourdes susceptibles de détruire un bombardier lourd en un seul passage, mais elles dépassaient de plus en plus les capacités des armes défensives des bombardiers.
Heureusement pour la huitième armée de l'air, la fusée de 21 cm, malgré sa grosse taille, n'était pas très fiable. En action, la roquette Werfergranaten WfG. 21 de 21 cm s'est avérée relativement inefficace. "Elle a abattu peu de bombardiers, mais elle a souvent endommagé les avions suffisamment pour les forcer à quitter la formation afin que d'autres chasseurs puissent les achever", a rappelé l'historien de l'aviation Alfred Price.
En 1943, un chasseur Fw 190 de la Luftwaffe est armé de roquettes Werfergranaten WfG. 21 de 21 cm, destinées à l’attaque des bombardiers lourds. © Archives fédérales allemandes
En octobre 1943, un raid de la huitième armée de l'air contre le centre de production de roulements à billes de Schweinfurt, dans le sud de l'Allemagne, démontra aux commandants de l'USAAF qu'une approche différente était absolument nécessaire pour assurer la survie des bombardiers.
Des B-17F de l'USAAF en formation au-dessus de Schweinfurt, en Allemagne, lors du premier raid sur le centre de production de roulements à billes, le 17 août 1943. © USAF
À cette époque, à la mi-1943, les bombardiers de l'USAAF disposaient déjà d'escortes de chasseurs, mais, comme le démontra ce raid sur Schweinfurt, les chasseurs de protection étaient trop peu nombreux et leur rayon d'action trop court pour assurer une protection adéquate tout le long de la mission des bombardiers.
En octobre 1943, lors du second raid de Schweinfurt encore appelé le Black Thursday au sein de l’USAF, 291 B-17 furent envoyés sur la cible. Sur ces 291 B-17, 60 ne revinrent jamais (près de 1 sur 5), 17 furent endommagés de manière irrémédiable et 121 autres furent endommagés à un degré ou à un autre (près de 1 sur 2). Un pourcentage impressionnant de 22 % des équipages des bombardiers impliqués - environ 600 hommes sur 2 900 - furent tués lors de cette mission de bombardement.
Un B-17 revient du raid contre Schweinfurt, en Allemagne, le 14 octobre 1943, une opération connue sous le nom de "jeudi noir" pour "Black Thursday". © USAF
L'USAAF réagit à ces terribles pertes en suspendant les raids diurnes de bombardiers sans escorte dans les profondeurs de l'Allemagne pendant 4 mois jusqu'en février 1944. Lorsqu'ils reprirent, les chasseurs d'escorte à long rayon d'action P-51B étaient désormais là disponibes pour fournir aux B-17 la protection défensive rapprochée dont ils avaient tant besoin. Volant en tête des formations de bombardiers, les P-51 finirent par arracher le contrôle du ciel à la chasse de la Luftwaffe. Ils furent aidés en cela par le fait que le cours de la guerre commençait à se retourner contre l'Allemagne de manière plus nette, la privant des ressources dont elle avait besoin pour tenter d'entraver l'offensive des bombardiers alliés.
Entre février et juin 1944, cette combinaison de facteurs permit finalement aux B-17 d'émerger en tant que ressource de survie. Après les raids réussis de la "Grande semaine" du début de l'année 1944, Berlin pouvait désormais être dans la ligne de mire de l'USAAF. Le premier raid de la huitième armée de l'air US sur la capitale du Troisième Reich eut lieu en mars.
Le Mustang P-51D "Tika IV" piloté par le lieutenant Vernon Richards, servant au sein du 374ème escadron de chasse de la 8ème Air Force. © USAF
La réponse de la Luftwaffe devint désormais assez symbolique. Le Messerschmitt Me 262 à réaction, armé de canons lourds et de roquettes, fut un redoutable destructeur de B-17, mais il fut déployé en trop petit nombre et trop tard pour être significatif et ses opérations furent fortement entravées par les pénuries de pilotes et de carburant. Le Me 163, équipé de fusées, offrait quant à lui des performances fulgurantes qui lui permettaient de traverser sans encombre les flux de bombardiers, mais il s’avéra plus meurtrier pour ses pilotes que pour les bombardiers américains
Jusqu'à ce que la huitième Air Force prenne enfin le dessus dans le ciel de l'Europe, la survie des B-17 dépendait en grande partie de la bravoure et de l'habileté des équipages de bombardiers. S'ils étaient aidés par la capacité du B-17, en particulier, à absorber de gros dégâts matériels causés par le combat, leurs mitrailleuses était bien plus qu'un simple soutien moral.
"Hitler aimerait que cet homme rentre chez lui et oublie la guerre. Voici un bon Américain récemment promu officier qui, à la mitrailleuse latérale d'un énorme bombardier B-17, est un homme qui connaît son métier et qui y travaille dur" - légende originale d'une photo de propagande mise en scène en temps de guerre montrant un mitrailleur du sabord gauche d’un B-17. © Collection Library of Congress, U.S. Office of War Information, 1944
L'armement défensif des bombardiers et les tactiques conçues pour l'exploiter au mieux obligèrent la Luftwaffe à modifier ses tactiques. Les mitrailleurs remportèrent également des succès, la huitième armée de l'air revendiquant 6 259 avions ennemis abattus par les mitrailleurs de ses bombardiers, soit plus que par ses pilotes de chasse. Il ne fait cependant aucun doute que l'attribution d’un "kill" pour un pilote de chasse est plus délicate dans le feu de l'action. Souvent, plusieurs mitrailleurs ouvraient le feu sur la même cible, l'observation de l'épave confirmée était loin d'être garantie et il n'y avait pas d'enregistrement par caméra. La reconnaissance limitée reçue par les as de la mitrailleuse à bord des bombardiers américains reflète ces réalités. Une autre particularité assez inattendue qui a contribué à leur omission des listes officielles des as de l’USAAF, c’est que beaucoup d’entre eux était des enrôlés (NdT – enlisted), contrairement aux autres de l’équipage qui étaient des engagés.
Quoi qu'il en soit, leur travail était vital et leur mission parmi les plus dangereuses que l'on puisse imaginer. "Lorsqu'il ne tirait pas ou n'était pas la cible de tirs, la principale préoccupation du mitrailleur sur un B-17 était la survie", écrit Bruce D. Callander dans le numéro du 1er avril 1991 du magazine Air & Space.
Des B-17 du 398ème Bombardment Group en train d’attaquer Neumunster, en Allemagne, le 13 avril 1945, moins d'un mois avant la capitulation allemande du 8 mai. © USAF
"Les missions duraient jusqu'à huit heures, la plupart des vols se déroulant au-dessus de 25 000 pieds. Les températures descendaient jusqu'à moins 50 degrés Celsius dans l’avion qui gardait ses sabords ouverts pour sa défense et qui n'avaient ni isolation ni chauffage en dehors du poste de pilotage. Les vestes de vol doublées de laine polaire ne constituaient qu'une maigre protection. Les premières combinaisons chauffées électriquement subirent de nombreux courts-circuits causant des brûlures graves à leurs occupants. Les mitrailleurs installés aux sabords travaillaient par des ouvertures non vitrées, avaient les doigts gelés et dérapaient tout le temps pendant les combats sur les obus usagés qui s'empilaient à leurs pieds. Les artilleurs de tourelle bénéficiaient d'une protection légèrement supérieure contre les éléments, mais leur cocon laissait peu de place pour bouger un bras endolori ou pour taper du pied ou des mains en cas de refroidissement.
Avec le recul, il est clair que la disponibilité de chasseurs d'escorte à long rayon d'action de haute qualité et en nombre suffisant fut le facteur décisif dans la réduction des pertes de bombardiers de la huitième Air Force à un niveau plus acceptable. Mais jusqu'à ce que ces chasseurs soient déployés, les équipages des bombardiers eux-mêmes furent la première et la dernière ligne de défense de leur appareil.
Courant 1944, le lieutenant George H. Heilig fait un signe de la main depuis le cockpit du General Ike, un B-17 du 401ème escadron de bombardement, 91ème Bomb Group de la 8ème Air Force. © Getty Images
Il est intéressant de noter qu'au début de la seconde guerre mondiale, une école de pensée, du moins au Royaume-Uni, suggérait que la Royal Air Force ferait mieux de retirer complètement les mitrailleuses défensives de ses bombardiers. En 1943, le physicien théoricien et mathématicien britannique Freeman Dyson proposa de retirer au moins une partie des postes de mitrailleuses des bombardiers Lancaster, afin d'augmenter, selon lui, la vitesse de croisière des bombardiers. Ses calculs indiquaient que les Lancaster verraient ainsi leur vitesse de croisière augmenter de … environ 30 km par heure. Le Mosquito non armé comptait sur sa vitesse pour se protéger des chasseurs de la Luftwaffe, mais il s'agissait d'un petit bimoteur particulièrement rapide à la base et donc d’un avion beaucoup plus performant que les gros quadrimoteurs. Il semble très peu probable qu'un tel Lancaster ainsi désarmé, même un peu plus rapide, aurait beaucoup plus facilement éviter d’être abattu.
Août 1943. Un équipage de bombardiers de l'armée de l'air des États-Unis avec leur B-17. On peut voir la mitrailleuse de sabord du côté gauche, ainsi que la tourelle ventrale vraiment très près du sol et le canon qui dépasse du compartiment radio dans la partie supérieure du fuselage. © Getty Images
Cela nous ramène au facteur moral et au fait très important que les équipages de bombardiers lourds de l'USAAF et de la Royal Air Force étaient capables de riposter avec un armement défensif, même si leurs mitrailleuses étaient toujours désavantagées par rapport à la Luftwaffe en termes de puissance de feu.
Bien qu'il soit impossible d'établir un bilan précis des succès remportés par les mitrailleurs de la huitième Air Force, leur héritage s'est perpétué dans l'armée de l'air américaine d'après-guerre, qui a continué à équiper ses bombardiers stratégiques de mitrailleuses repoussées de plus en plus loin du cockpit pour finir uniquement dans la queue, jusqu'à l'arrivée du B-52H. Le B-52H est toujours en service aujourd'hui, mais ses canons de queue ont été supprimés. Le B-52 et les autres bombardiers stratégiques américains sont toujours placés aujourd’hui sous le commandement de la huitième Air Force, celle-là même dont les aviateurs ont combattu si vaillamment pour la libération de l'Europe lors de la Seconde Guerre mondiale.
Boeing B-52D Stratofortress MSN 464059 à la base aérienne Carswell près de Fort Worth en novembre 1979. On distingue la petite verrière arrière pour l’emplacement du mitrailleur. L’armement arrière consiste en quatre mitrailleuses de 12,7 mm. Les 72 B-52 actuellement en service n’ont plus d’armement arrière. © Baldur Sveinsson
FIN
Bonjour chers amis,
Je vous ai déjà entretenus dans des posts précédents de l’état de la question des OVNIS-UFO-UAP aux Etats-Unis. Depuis l’appellation de "soucoupe volante" (les fameux flying saucers en Anglais) inventée après le rapport du pilote civil Kenneth Arnold le 24 juin 1947 et son observations d’OVNI près du Mont Rainier, qui est devenue assez rapidement OVNI (en Français) et UFO (En Anglais pour Unidentified Flying Object : Objet Volant Non identifié) … voilà que depuis l’été 2022, on ne parle plus outre-Atlantique d’UFO mais d’UAP (UAP pour Unexplained Aerial Phenomenon, soit Phénomène Aérien Non-expliqué). Tout cela parce que beaucoup de ces observations ne concernent pas des objets matériels (ce seraient des lumières naturelles mal interprétées). Or, en Anglais-américain, le mot "Object" a une connotation très forte de "quelque chose de forcément matériel" qui ne colle pas avec les faits observés alors que le mot "phenomenon" a la double connotation matériel-et-immatériel.
Bon, depuis quelques jours, ça rebouge outre-Atlantique sur les UAP. En particulier, l’inspecteur général du Pentagone n’est pas très content de la manière dont certains bureaux du département de la défense jugent les rapports récents sur les UAP/UFO et il estime qu’ils ont été assez pris par-dessus la jambe par les décideurs … au point de mettre les Etats-Unis dans une situation de faiblesses face aux menaces que les UAP/UFO pourraient représenter ...
Je vous laisse lire la traduction de l’article américain que je vous ai traduit pour que vous vous fassiez votre opinion. J’espère qu’il vous intéressera. Les illustrations sont celles de l'article original.
Bonne lecture !
Philippe
L’INSPECTEUR GENERAL DU PENTAGONE DECLARE QUE LA REPONSE INAPPROPRIEE DU PENTAGONE AUX UAP POURRAIT CONSTITUER UNE MENACE POUR LA SECURITE NATIONALE
L'inspecteur général du Pentagone a critiqué la façon dont le département de la défense a traité la question des UAP dans un rapport cinglant classifié secret défense qui vient d’être rendu publique
Par Howard Altman, The War Zone, 25 janvier 2024
L'absence d'une approche globale et coordonnée du Pentagone pour traiter les UAP phénomènes aériens non expliqués (UAP pour Unexplained Aerial Phenomenon) "peut constituer une menace pour les forces militaires et la sécurité nationale", a déclaré publiquement l'inspecteur général du ministère de la défense (DoD OIG) pour la première fois ce jeudi. UAP est la nouvelle abréviation utilisée par le Pentagone pour désigner les OVNI (NdT – Le site du GEIPAN explique la nécessité qu’il y a eu de chnager UFO en UAP. Quelle est la différence entre OVNI, UFO et UAP ? L'acronyme OVNI (objet volant non identifié) est le terme français pour UFO (Unidentified Flying Object). Les témoignages et les résultats des enquêtes montrent que ce terme est le plus souvent mal utilisé. Dans la plupart des cas, les observations décrivent un phénomène connu ou inconnu, généralement lumineux, mais sans preuve qu'il s'agisse d'un objet matériel ayant les mêmes caractéristiques qu'un aéronef. L'utilisation du terme général UAP (Unidentified Aerial Phenomenon) est donc plus appropriée).
Dans une version non classifiée d'un rapport classifié remis au Congrès en août, l’OIG, le Bureau de l’Inspecteur Général du Département de la Défense (NdT – En Anglais OIG est l’acronyme de Office of Inspector Général, dirigé depuis décembre 2022 par l’Honorable Robert P. Storch), a récemment déclaré que le Pentagone "n'a pas de politique globale en matière d'UAP et que, par conséquent, il n'a pas l'assurance que les menaces à la sécurité nationale et à la sécurité des vols que représentent les UAP pour les États-Unis ont été clairement identifiées et atténuées".
Robert P Storch, Inspecteur Général du Département de la Défense des USA depuis décembre 2022. © Department of Defense Inspector General
Le rapport examine dans quelle mesure le ministère de la défense, les services militaires, les agences de défense et de contre-espionnage militaires ont pris des mesures de renseignement, de contre-espionnage et de protection pour détecter, signaler, collecter, analyser et identifier ce que l'on appelle plus communément les objets volants non identifiés.
Cet effort est actuellement mené par le Bureau AARO du ministère de la défense (NdT – AARO est l’acronyme de All-domain Anomaly Resolution Office ou Bureau de Résolution des Anomalies dans tous les Domaines. Ce bureau a été créé en juillet 2022 et dépend directement de la sous-secrétaire à la défense du gouvernement des Etats-Unis). L’AARO a été créé pour gérer les enquêtes du gouvernement sur les objets non identifiés sur et sous la mer, dans l'air et dans l'espace, ainsi que sur tout objet "transmédial" se déplaçant d'un domaine à l'autre. Il a été créé en raison des préoccupations croissantes concernant les menaces que les objets d'origine inconnue faisaient peser sur les installations militaires, navales et aériennes des États-Unis.
Toutefois, comme nous l'avons noté il y a près d'un an, la destruction d'un ballon espion chinois qui a traversé une grande partie des États-Unis en février 2023 et de trois autres objets non identifiés une semaine plus tard a soulevé des questions sur le rôle et la mission globale de l'AARO.
À l’époque, nous écrivions : "Dans l'ensemble, les récents incidents aériens survenus au-dessus des États-Unis et du Canada ont certainement soulevé des questions sur le rôle global de l’AARO et sur la manière dont il fonctionne dans le contexte des efforts de renseignement plus larges liés aux UAP. Tout porte à croire qu'il est nécessaire de mieux définir ses fonctions et ses relations avec les autres parties prenantes au sein du gouvernement américain, ainsi que les diverses autorités juridiques, politiques et procédures qui régissent son travail".
Nous avions, dans différents articles, également plaidé à plusieurs reprises en faveur d'une plus grande transparence et d'une coordination gouvernementale de ces efforts, afin de faire la lumière et de mettre fin aux théories conspirationnistes sur ce que ces objets pourraient être.
Le rapport de l'OIG rendu publique jeudi révèle que les efforts du Pentagone pour identifier et comprendre les UAP "ont été irréguliers en raison de priorités concurrentes, de l'absence de progrès substantiels et de résultats non concluants". Pendant tout ce temps, les pilotes militaires "ont continué à signaler des incidents UAP menant à des efforts très sporadiques du DoD pour identifier et analyser ces événements".
Pour aggraver le problème, le Pentagone a largement exclu les commandements de combat géographiques - responsables de la détection, de la dissuasion et de la prévention des menaces et des attaques contre les États-Unis - de l'élaboration des politiques et des procédures relatives aux UAP. En outre, il y a eu un manque de coordination au sein du département de la défense en ce qui concerne les procédures de collecte, d'analyse et d'identification des incidents liés aux UAP.
Traduction du Texte. Le bureau de l'inspecteur général du ministère de la défense a critiqué les efforts déployés par le Pentagone pour coordonner la réponse aux rapports d'OVNI. Traduction du texte (de haut en bas). Le département de la défense n’a pas une approche complète, coordonnée du problème des UAP. Nous avons passé en revue les politiques, procédures et actions prises jusqu’à présent pour la détection, la rédaction des rapports, l’analyse et l’identification des UAP, et, entre autres choses, nous avons conclu que :
- Le département de la défense n’a pas mis en œuvre une approche coordonnée pour détecter, établir des rapports, collecter des données, les analyser, et identifier les UAP ;
- Les différentes unités composant le département de la défense ont très largement ignoré les commandants militaires des différentes zones géographiques qui sont responsables pour détecter, dissuader et prévenir els attaques contre les Etats-Unis et leurs territoires, possessions, et bases militaires dans leur zone géographique respective, notamment en ce qui concerne les menaces des UAP ;
- Et, enfin, les unités composant le département de la défense ont, chacune de leur côté, bien développé des procédures pour collecter, analyser et identifier les incidents UAP.
En conséquence, le département de la défense pourrait bien ne pas avoir une quelconque stratégie coordonnée et complète pour comprendre, identifier et se protéger contre les phénomènes aériens non-identifiés qui peuvent présenter une menace à la sécurité des personnels militaires et de notre territoire. © OIG-DoD
L'OIG a formulé cinq recommandations, dont trois s'adressent aux services :
- La sous-secrétaire à la défense pour le renseignement et la sécurité (OUSDI&S), en coordination avec le directeur de l'AARO, devrait publier une politique du département de la défense visant à intégrer les rôles, responsabilités, exigences et procédures de coordination des UAP dans les politiques et procédures existantes en matière de renseignement, de contre-espionnage et de protection des forces.
- L'armée de l'air, l'armée de terre et la marine devraient publier des orientations provisoires sur les UAP en attendant que le ministère de la défense adopte une politique en la matière.
- Le chef de l'état-major interarmées devrait fournir des orientations aux commandants des forces combattantes géographiques concernant la détection, le signalement, la collecte, l'analyse et l'identification des UAP dans leur zone de responsabilité.
La sous-secrétaire à la défense a approuvé ces recommandations, mais a fait remarquer qu'une grande partie des conclusions étaient antérieures à la création de l'AARO. Les représentants de l'armée de l'air, de l'armée de terre, de la marine et de l'état-major interarmées ont également approuvé les recommandations.
Étant donné que le rapport de l'OIG publié aujourd'hui est une version précédemment classifiée de celui qu'il a remis au Congrès en août dernier, un élément majeur de la discussion sur les UAP n'a pas été abordé : le départ à la retraite, en décembre dernier, du directeur et fondateur de l'AARO, M. Sean Kirkpatrick. Pendant son mandat, l'AARO a enquêté sur plus de 800 cas, a mené une recherche sur les programmes du gouvernement américain et des entreprises sous contrat du ministère de la défense travaillant sur les UAP. Il a notamment créé le premier site web du bureau AARO destiné au public, entre autres activités.
Selon M. Kirkpatrick, qui est une figure controversée dans le milieu des ovnis, son équipe n'a trouvé aucune preuve de la présence d'extraterrestres ou d'engins d'un autre monde. Cette affirmation est en contradiction avec celle, très récente, d'un dénonciateur très médiatisé, l'ancien officier de renseignement de l'armée de l'air David Grusch, qui affirme avoir recueilli de nombreux témoignages de première main sur les programmes de récupération de restes et de débris sur des sites de crashs d'UAP et sur les contacts avec ce qu'il est convenu d'appeler une intelligence non-humaine.
Diapositive n°2 (sur 7) de la présentation de Sean Kirkpatrick, (ancien) directeur de l'AARO, le 31 mai 2023 à la commission indépendante d'étude des UAP de la NASA. © AARO
Comme nous l'avions signalé en janvier 2023, le Bureau du directeur du renseignement national (ODNI) a publié un rapport de 12 pages indiquant que l'AARO enquêtait sur 510 incidents et que son "analyse et caractérisation initiales" de 366 rapports nouvellement identifiés montrait que plus de la moitié d'entre eux présentaient des "caractéristiques non remarquables". Près de la moitié de ces cas aux caractéristiques non remarquables - 163 - ont été caractérisés comme des ballons ou des objets ressemblant à des ballons.
Depuis des années, nous avons attiré l'attention de nos lecteurs sur cette réalité probable, en exposant de manière particulièrement détaillée, notamment en 2021, les raisons pour lesquelles de nombreuses observations d'UAP sont plus susceptibles d'être des ballons ou des drones, dont certains pourraient être utilisés par des puissances étrangères à des fins de collecte de renseignements et à d'autres fins malveillantes.
Le major David Grusch, de l'armée de l'air américaine (retraité), prête serment avant une audition de la sous-commission de la Chambre des représentants sur les OVNI-UAP, le mercredi 26 juillet 2023, au Capitole, à Washington. © AP, Nathan Howard
Lors d'une rare rencontre avec les médias en octobre 2023, M. Kirkpatrick, qui occupait toujours son poste de directeur de l'AARO, a répondu aux questions concernant les déclarations du major Grusch.
Il a déclaré que ce dernier n'avait pas encore répondu aux demandes de rencontre de l'AARO et que la dernière fois que les deux hommes s'étaient parlés, c'était il y a cinq ans. M. Kirkpatrick a déclaré qu'il travaillait à l'époque à la direction du renseignement du Commandement spatial américain et que la conversation "ne portait pas sur ce sujet".
"Je pense que nous avons interrogé la plupart des personnes à qui il a pu parler, mais nous ne le savons pas. Nous l'avons invité au moins quatre ou cinq fois à venir au cours des huit derniers mois, et il a toujours décliné notre invitation.
Dans un article qu'il a rédigé pour Scientific American et qui a été publié le 19 janvier, M. Kirkpatrick explique que les roulements de tambour constants des complotistes a eu un impact certain sur le travail de ses équipes.
"Après avoir laborieusement rassemblé une équipe de personnes très talentueuses et motivées et travaillé avec elles pour développer une stratégie rationnelle, systématique et scientifique pour enquêter sur ces phénomènes, nos efforts ont finalement été submergés par des affirmations sensationnelles mais non étayées qui ont ignoré les preuves contradictoires tout en captant l'attention des décideurs politiques et du public, des associations décidées à aller jusqu’à des batailles législatives et dominant la narration publique."
M. Kirkpatrick a également abordé la question dans le podcast de @peterbergencnn, affirmant qu'"un petit groupe de personnes au sein du gouvernement américain, ou ayant des liens étroits avec lui" est actuellement en train de duper le Congrès pour qu'il s’engage dans la aux extraterrestres.
"Si vous suivez les informations que nous avons présentées dans le rapport historique, vous avez des gens qui ont parlé à des gens, qui sont venus raconter l'histoire ou parler aux médias", a déclaré M. Kirkpatrick à Peter Bergen. "Mais il s'avère qu'aucun d'entre eux n'a de preuves ou de connaissances de première main. Ils relaient tous des histoires qu'ils ont entendues de la part d'autres personnes. C’est untel a dit à untel qui a dit à untel ce que je vous dis ! Et si l'on cherche à savoir si toutes ces personnes se connaissent, on se rend compte qu'il s'agit toujours du même noyau de personnes". Les détracteurs les plus en vue de M. Kirkpatrick ne sont toutefois pas convaincus de sa franchise.
À l'heure actuelle, on ne sait pas dans quelle mesure le Pentagone, les services et l'état-major interarmées ont intégré les changements recommandés par l'OIG depuis la remise de son rapport au Congrès en août. Interrogée tout récemment sur le rapport de l'OIG lors d'une conférence de presse jeudi dernier, le 18janvier, l'attachée de presse adjointe du Pentagone, Sabrina Singh, a déclaré qu'elle allait se pencher sur la question. Comme quoi, ce n’est pas gagné !
FIN
Mes précédents posts sur le sujet :
Les traductions de trois textes, l’article de presse américain sorti immédiatement après l’observation de juin 1947, un article sur des témoignages paru dans Flying en 1950, et la déclaration sous serment de Kenneth Arnold à l’armée américaine : voir ici
Sur les révélations de l’aéronavale américaine sur les UFO en 2020 : voir ici
Sur un questionnement associé au sujet des UAP mais pas souvent présenté : des brevets curieux pris par l’US Navy sur des techniques de vol totalement révolutionnaires …. L’US Navy construirait-elle des OVNI ? voir ici
Et la suite un an plus tard : voir ici
Enfin, dernier post avant celui-ci. La traduction d’un article du New York Times sur le Rapport récent sur les OVNI donné par le renseignement américain aux membres du Congrès en 2021 : voir ici
Suite Tailstrike A350 Air France à Toronto
Bonjour chers amis,
Voici une suite sur le tailstrike de l’A350 d’Air France à Toronto le 21 janvier dernier, qui nous a été indiqué par bisinchi le 22 janvier dernier.
J’ai traduit plusieurs posts de sites américains spécialisés concernant cet incident qui a assez fortement endommagé l’avion. Ça semble les avoir pas mal excités et j’ai pensé que vous aimeriez lire les déductions faites par nos amis d’outre-Atlantique.
Le bureau BEA a ouvert une enquête pour "Heurt du fuselage lors de l'interruption de l'atterrissage" et classe les conséquences sur l’avion comme "important".
Bonne lecture !
Philippe
Tout d’abord quelques renseignements sur l’avion.
Il s’agit de l’A350-941 F-HTYH (MSN 488), baptisé Dijon, livré à Air France le 12 avril 2021 et qui appartient à la société irlandaise de leasing Sky High. Cet A350 assurait le vol AF356 de Paris-CDG à Toronto.
L’incident a eu lieu à l’atterrissage sur la piste 24L à Toronto-Pearson. Le vol AF356 en provenance de Paris-CDG initie une remise des gaz et revient pour un atterrissage en toute sécurité sur la même piste environ 15 minutes plus tard. Personne n’a été blessé.
Metars:
CYYZ 212300Z 26010KT 15SM FEW030 FEW170 M05/M10 A3047 RMK SC1AC1 SC TR AC TR SLP333=
CYYZ 212200Z 26009KT 15SM SCT030 SCT170 SCT250 M04/M10 A3047 RMK SC3AC1CI1 CI TR SLP331=
La photo du tailstrike a été réalisé par un spotter canadien, Anthony Saiters, qui ce jour-là était posté en bout de piste 24L:
Les dégâts sur le dessous du fuselage et sur la tuyère de l'APU ne sont pas négligeables:
Voici la traduction de quelques remarques de pilotes américains que j’ai notées :
D’après la vidéo du passager, on voit sur cette vidéo que le toucher des roues se situe autour de la marque des 600 m (la piste 24L à Pearson est relativement courte avec 2700 m de long), ce qui est apparemment un atterrissage long selon les procédures Air France, et dans ces conditions les SOP Air France exigent une remise des gaz. On sait que les pilotes ont annoncé aux passagers que le go-around était dû au fait que la piste était occupée, mais on sait qu’ils ont déclaré à l’ATC-Pearson qu'ils devaient interrompre leur atterrissage en raison d'un atterrissage long (un site vidéo montre cet événement). L’A350 dispose d'une protection contre le cabrage, mais celle-ci est annulée si le manche est tiré et maintenu complètement vers l'arrière, ce qui devait certainement être le cas car sur la photo du tailstrike on voit très bien que les gouvernes de profondeur sont complètement à cabrer. Sur l’A350, l'équipage n'est pas censé cabrer l'avion avant que les moteurs (énormes) ne passent à la puissance G/A, et les moteurs en pleine poussée facilitent le mouvement de cabrage.
La plupart des tailstrike sont des événements très momentanés, celui-ci a duré plusieurs dizaines de secondes, ce qui est tout à fait inapproprié, en dehors d'un test VMu.
Ne seraient-ce pas les T/R (Thrust Reverser les réverses) que j'entends à 0:11 min dans la vidéo pour une très courte durée (2 à 3 secondes), suivi d’un ralenti, puis de la remise en puissance ?
C'est ce que j'entends également à 11 secondes de la vidéo. Le pilote en fonction est en train réverse à 0:11 sec après la première secousse de la vidéo qui est sans doute un toucher des roues très brutal, change d'avis (ou le capteur air-sol de l’avion le fait), il y a un long délai de transition de huit secondes sans aucune puissance le temps que les inverseurs se rangent et que les réacteurs passent en puissance maximale TOGA.
À 16 secondes, c’est la deuxième secousse, l’avion frappe durement la queue sans aucune puissance, puis à 19 secondes, les grosses soufflantes grondent enfin. On peut voir qu'il est en virage à gauche à ce moment-là, puisqu’il est très clair que le bord gauche de la piste se rapproche beaucoup du hublot, ce qui est assez étonnant.
Les gens pensent entendre un deuxième rebond à 0:16, mais ce n'est pas possible car on peut voir que le bogie du train d'atterrissage droit est à cinq pieds du sol sur la photo. Ce deuxième "rebond" est donc en fait l'impact de la queue sur le béton.
A vous de vous faire votre opinion en attendant les résultats de l'enquête BEA.
Bonjour chers amis,
Je vous ai traduit un article paru hier jeudi dans la presse américaine spécialisée qui, je pense, pourrait vous intéresser.
Il a pour objet une nouvelle technologie de propulsion hypersonique développée par General Electric Aerospace : la détonation rotative … bon, cet article à mon avis ne lève pas trop le voile sur ce que c’est en détail … mais on y apprend pas mal de choses sur ce sujet.
Bonne lecture !
Philippe
LA PERCEE DE GENERAL ELECTRIC DANS LE DOMAINE DE LA PROPULSION HYPERSONIQUE PAR DETONATION EST IMPORTANTE
Un statoréacteur utilisant la combustion par détonation rotative pourrait offrir des gains d'efficacité importants pour la conception de futurs appareils hypersoniques.
Par Joseph Trevithick, The War Zone, 14 décembre 2023
Conception d’artiste d’un aéronef en vol hypersonique. © GE Aerospace
GE Aerospace déclare avoir mis au point avec succès un concept avancé de propulsion basé sur un statoréacteur à double mode utilisant la combustion par détonation rotative. Ce concept pourrait ouvrir la voie au développement de nouveaux avions et missiles capables de voler efficacement à des vitesses supersoniques, voire hypersoniques, sur de longues distances.
Un communiqué de presse publié aujourd'hui (NdT - le 14 décembre 2023) par GE Aerospace fournit de nouveaux détails sur ce qui "est considéré comme le premier essai mondial d'un statoréacteur hypersonique bimode avec combustion à détonation rotative (DMRJ) dans un flux d'écoulement supersonique" (NdT – DMRJ est l’abréviation de "dual-mode ramjet scramjet". Un ramjet est un statoréacteur, un scramjet est un superstatoréacteur qui utilise en entrée d’air un air supersonique. Un réacteur bimode DMRJ fait à la fois statoréacteur et superstatoréacteur). La vitesse à partir de laquelle on parle de vitesse hypersonique est définie comme étant supérieure à Mach 5. Mme Amy Gowder, présidente-directrice générale de la division Defense & Systems de GE Aerospace, avait déjà révélé ce projet, mais en donnant des informations très parcellaires, lors du salon du Bourget de cette année en juin.
Représentation d'un moteur à détonation rotative. © USAF
"Un système de propulsion DMRJ à air comprimé ne peut commencer à fonctionner que lorsque l’avion atteint des vitesses supersoniques supérieures à Mach 3", explique le communiqué de presse. "Les ingénieurs de GE Aerospace travaillent sur un statoréacteur bimode de type DMRJ à détonation rotative capable de fonctionner à des nombres de Mach inférieurs, ce qui permet à l’avion ainsi équipé de fonctionner plus efficacement et d'atteindre un plus grand rayon d'action".
"La RDC [combustion à détonation rotative] permet de générer une poussée plus élevée de manière plus efficace, pour une taille et un poids de moteur globalement plus petits, en brûlant le carburant par des ondes de détonation au lieu du système de combustion standard qui alimente aujourd'hui les moteurs à réaction traditionnels", ajoute le communiqué de presse.
Dans la plupart des turbines à gaz traditionnelles, y compris les turbosoufflantes et les turboréacteurs, l'air est introduit par une entrée et comprimé, puis il est mélangé au carburant et brûlé par déflagration (lorsque la combustion se produit à une vitesse subsonique) dans une chambre de combustion. Ce processus crée le flux continu d'air chaud à haute pression nécessaire au fonctionnement de l'ensemble du système.
Un moteur à détonation rotatif (qui implique une combustion à une vitesse supersonique) "commence par un cylindre à l'intérieur d'un autre plus grand, avec un espace entre eux et quelques petits trous ou fentes par lesquels un mélange de carburant de détonation peut être injecté. L’allumage du carburant injecté crée une détonation dans cet espace annulaire, ce qui génère des gaz qui sont poussés à l'une des extrémités du canal en forme d'anneau pour produire une poussée dans la direction opposée. Cela crée également une onde de choc qui se propage autour du canal à environ cinq fois la vitesse du son, et cette onde de choc peut être utilisée pour déclencher d'autres détonations dans un modèle rotatif auto-entretenu si du carburant est ajouté aux bons endroits et aux bons moments".
Les premières expérimentations de la détonation rotative remontent aux années 1950, mais la création d'un moteur de ce type utilisable s'est avérée impossible jusqu'à très récemment, du moins officiellement. En 2020, une équipe de l'université de Floride, en collaboration avec le laboratoire de recherche de l'armée de l'air américaine (AFRL pour Air Force Research laboratory, basé sur la Wright-Patterson Air Force Base en Ohio), a déclaré avoir créé un banc d'essai expérimental, le premier du genre, qui démontrait la faisabilité pratique du concept de la détonation rotative. L'année suivante, en 2021, ces mêmes universitaires ont annoncé qu'ils avaient construit un prototype de moteur capable de produire une onde de détonation rotative soutenue, une autre première mondiale. Depuis, d'autres développements concernant les moteurs à détonation rotative ont eu lieu ailleurs aux États-Unis et dans le monde.
Photos du banc d'essai à détonation rotative de l'Université de Floride (UCF) publiées en 2020. © University of Central Florida
En principe, la détonation rotative nécessite moins de carburant pour produire le même niveau de puissance/poussée que la combustion par déflagration. L'onde de choc soutenue qui en résulte crée également sa propre pression, ce qui se traduit par une efficacité énergétique encore plus grande. En effet, la pression produite dans un réacteur conventionnel est régulièrement perdue lors de la déflagration.
En outre, la détonation rotative nécessite généralement beaucoup moins de pièces mobiles que les turbines à gaz traditionnelles. En théorie, tout cela devrait permettre de concevoir des moteurs à détonation rotative nettement plus petits, plus légers et moins complexes que les types existants, avec une puissance/poussée aussi élevée.
Les avantages potentiels d'un tel système de propulsion sont évidents. Un moteur à détonation rotative permettrait d'augmenter les performances et la portée des avions et des missiles, même relativement petits. L'adaptation des modèles existants pour utiliser ce type de propulsion pourrait libérer de l'espace pour plus de carburant ou d'autres charges utiles. Il s'agit là d'avantages potentiels que l'AFRL a très publiquement mis en avant par le passé, comme le montre la vidéo ci-dessous.
Vidéo YouTube – Démarrage d'un réacteur à détonation rotative (en Anglais) - Durée 40 sec
L'année dernière, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) de l'armée américaine a dévoilé un projet appelé "Gambit", qui est aussi centré sur la technologie des moteurs à détonation rotative. Le projet Gambit est un effort visant à fournir un missile hypersonique à longue portée pour les chasseurs de quatrième génération en s'appuyant sur la technologie de la détonation rotative. L'objectif principal de ce projet est de "développer et démontrer un nouveau système de propulsion à moteur à détonation rotatif permettant de produire en masse et à faible coût une arme supersonique à longue portée pour des frappes air-sol dans un environnement anti-accès/déni de zone (A2AD)".
Illustration de l'Agence pour les projets de recherche avancée de défense de l’armée américaine (DARPA) publiée dans le cadre du projet Gambit. © DARPA
En octobre de cette année, Raytheon a obtenu un contrat de la DARPA pour le développement d'un moteur à détonation rotatif dans le cadre du projet Gambit. Bien que GE Arospace n’ait pas été sélectionnée pour le programme Gambit, Mme Gowder a déclaré : "Nous travaillons avec la DARPA sur d'autres démonstrateurs technologiques".
Représentation de ce à quoi pourrait ressembler un missile hypersonique à moteur à détonation rotative que le laboratoire de recherche de l'armée de l'air américaine (AFRL) a récemment rendu publique. © USAF
Le concept de propulsion sur lequel GE Aerospace dit travailler actuellement semble aller un peu plus loin que le concept de base de la détonation rotative et les avantages qu'il pourrait offrir en l'associant à une conception de statoréacteur bimode. Les statoréacteurs, qui ne sont pas nouveaux, ne fonctionnent pas à des vitesses subsoniques et ont du mal à fonctionner de manière fiable même à des vitesses supersoniques plus faibles. C'est pourquoi les plates-formes qui les utilisent ont besoin d'une sorte d'impulsion initiale, généralement fournie par un moteur-fusée.
"Les ingénieurs de GE testent actuellement le mode de transition à des vitesses supersoniques élevées lorsque la poussée passe de la turbine équipée du RDE au statoréacteur/scramjet bimode", a déclaré Mme Gowder lors du salon de Paris au début de l'année.
"Nous étudions les deux", a ajouté Mme Gowder, interrogée sur la poursuite des travaux de son entreprise sur les statoréacteurs. "Mais la technologie de la détonation rotative offre une solution très efficace parce qu'il permet de réduire la longueur du statoréacteur. Dans certaines applications, cette taille peut vraiment être importante, en particulier pour certaines applications sur des avions sans pilote".
Un concept combinant statoréacteur et superstatoréacteur, tous deux à détonation rotative, en un seul moteur pourrait être particulièrement intéressant pour les futurs missiles, tels que ceux envisagés dans le cadre du projet Gambit de la DARPA, et éventuellement pour des avions à grande vitesse destinés à la reconnaissance. Ce mode de propulsion pourrait permettre une plus grande efficacité et des cellules plus légères (et potentiellement plus petites), qui à leur tour permettraient d'améliorer les performances - notamment en termes de portée - et/ou la capacité de charge utile. Si la combustion par détonation rotative peut réduire la vitesse minimale requise pour faire fonctionner le statoréacteur, cela réduirait également la quantité de poussée initiale dont un tel système aurait besoin au départ. L'ensemble serait donc plus petit. Tout cela ouvre la voie à de nouveaux niveaux de flexibilité opérationnelle.
Ce nouveau concept de moteur pourrait également devenir l'un des composants de ce que l'on appelle un système de moteur à cycle combiné à turbine (TBCC), dont on a pas mal parlé ces dernières années. La plupart des concepts de TBCC tournent autour de la combinaison en un seul moteur de statoréacteurs avancés (ou de scramjets) pour une utilisation à grande vitesse et de turboréacteurs traditionnels qui fonctionnent mieux à basse vitesse.
Représentation graphique d'une configuration théorique de moteur à cycle combiné de type TBCC. Traduction du texte. Texte du haut : Turbine-based combined cycle TBCC propulsion. Propulsion à base de turbines en cycle combiné. Un cycle combiné veut dire que la turbine conventionnelle est combinée à un statoréacteur afin de permettre son utilisation depuis l’état statique au sol jusqu’à des vitesses hypersoniques (supérieures à Mach 5). Texte central : Turbine engine. La poussée est donnée par le réacteur conventionnel depuis le décollage jusque vers Mach 3. Textes du bas : Common inlet. Entrée d’air commune au réacteur conventionnel et au statoréacteur. Dual-mode ramjet. Statoréacteur bimode qui fonctionne à la fois comme statoréacteur et superstatoréacteur et accélère ainsi l’appareil à des vitesses hypersoniques. Common nozzle. Echappement commun des deux réacteurs afin de réduire significativement la traînée. © Lockheed Martin
Un concept pratique de TBCC, quel qu'il soit, est depuis longtemps considéré comme le Saint-Graal de la technologie lorsqu'il s'agit de concevoir des aéronefs à très grande vitesse. Un système de propulsion permettant ce type de flexibilité à haute et basse vitesse signifierait qu'un avion pourrait décoller et atterrir sur n'importe quelle piste existante appropriée, mais aussi être capable de maintenir des vitesses supersoniques élevées, voire hypersoniques, dans la partie intermédiaire du vol.
Il n'est donc pas surprenant que l'armée de l'air américaine, entre autres, s'intéresse aux systèmes de propulsion TBCC. Le programme Mayhem de l'armée de l'air a déjà été lié à des développements de TBCC et de statoréacteurs bimodes, tout comme l'avion hypersonique SR-72 de Lockheed Martin, qui a été proposé précédemment. Mayhem lui-même est ostensiblement centré sur le développement d'un aéronef hypersonique expérimental capable de transporter diverses charges utiles nécessaires pour mener des missions d'attaque et de renseignement, de surveillance et de reconnaissance.
Vue d’artiste d'un aéronef hypersonique théorique réalisé par la société américaine privée Leidos, qui dirige actuellement les travaux sur le projet Mayhem de l'armée de l'air. © Leidos
Pour l'armée américaine, de futurs aéronefs et missiles capables d'atteindre des vitesses supersoniques et hypersoniques soutenues sur de longues distances pourraient s'avérer très utiles pour répondre à toute une série d'exigences de missions sensibles au facteur temps. En particulier, tout conflit futur de grande envergure dans le Pacifique, par exemple contre la Chine, impliquerait automatiquement toutes sortes d'exigences opérationnelles dans une vaste zone, dont une grande partie est recouverte d'eau.
Bien entendu, il reste à voir ce que donneront les travaux menés actuellement par GE Aerospace. Comme nous l'avons déjà noté, le domaine des travaux sur les moteurs à détonation rotative en est encore à ses débuts, bien que des développements significatifs semblent se produire à un rythme plus régulier aujourd'hui.
"La réussite du développement, de l'intégration et de la démonstration des technologies et des capacités uniques de GE Aerospace nous permettra de fournir à nos clients des systèmes de propulsion hypersonique différenciés, aujourd'hui et demain", a déclaré Mark Rettig, vice-président et directeur général d'Edison Works Business & Technology Development chez GE Aerospace, dans un communiqué de presse publié aujourd'hui (le 14 décembre). "Nous avons rassemblé les bonnes compétences, avec les bonnes capacités, et nous avons investi stratégiquement pour nous assurer d’être alignés très étroitement sur les besoins de nos clients. Les résultats significatifs que nous avons obtenus à ce jour nous confortent dans l'idée que nous avançons dans la bonne direction."
Nous devons également noter que des investissements importants ont été réalisés au cours de plusieurs décennies dans le domaine des vols atmosphériques à très grande vitesse, dans l'ombre des travaux de recherche et de développement tous classifiés. Des sommes considérables ont été investies dans ce domaine de recherche ces dernières années avec l'essor de l'armement hypersonique, de sorte que nous ne savons pas dans quelle mesure cette capacité a été explorée dans ce domaine, si tant est qu'elle l'ait été. Dans l'ensemble, il sera très intéressant de voir ce que GE Aerospace divulguera d'autre sur ce travail de propulsion potentiellement révolutionnaire basée sur des statoréacteurs rotatifs.
FIN
Magnifique, merci beaucoup ... et un kiss landing avec ça :))) Bravo au PIF !
Philippe
Bonjour chers amis,
Il y a quelques jours, une cérémonie s’est tenue en Inde : le départ à la retraite du dernier Iliouchine Il-38ASM de la marine indienne.
En voici le récit qui, j’espère, vous intéressera.
Bonne lecture !
Philippe
LE RETRAIT DES ILIOUCHINE IL-38 MET FIN A TOUTE UNE EPOQUE DE L’AERONAVALE INDIENNE
Le retrait des Il-38SD May de la marine indienne met fin à une époque illustre passée à utiliser des avions chasseurs de sous-marins de fabrication soviétique.
Par Angad Singh, The War Zone, 9 novembre 2023
Le 31 octobre 2023, la marine indienne a clos un chapitre important de son histoire en retirant le dernier de ses avions de patrouille maritime Il-38SD, mettant ainsi fin à près d'un demi-siècle d'utilisation de cet appareil de fabrication soviétique au-dessus de l'océan Indien.
Un avion de patrouille maritime Il-38SD de la marine indienne au-dessus de la base aéronavale INS Hansa à Goa. © Angad Singh
Le premier escadron de reconnaissance maritime à long rayon d'action (LRMR) de la marine indienne, le 312 "Albatros", comprenait à sa fondation cinq avions Lockheed L-1049 Super Constellation de l'ancienne armée de l'air indienne (et avant cela, de la compagnie aérienne nationale Air-India). Le312ème escadron de l’aéronavale indienne a été fondé le 18 novembre 1976, sur la base aéronavale INS Hansa à Goa, dans l'ouest de l'Inde. Il s'agissait du premier escadron de patrouille à terre dépendant de la marine après près de deux décennies de lutte avec l'armée de l'air indienne pour le contrôle de la puissance aérienne maritime. Lorsque le gouvernement indien décida de soutenir la marine sur la question des avions de patrouille maritime, les autorités indiennes comprirent très vite que les "Super Connies" étaient des avions vraiment vieillissants qui n'étaient plus adaptés à la tâche, et elles commencèrent aussitôt à chercher un remplaçant plus moderne.
Un Lockheed L-1049 Super Constellation de la marine indienne conservé au musée naval indien de Goa, en Inde. © Alec Wilson
Après avoir évalué le Hawker Siddeley Nimrod, le Breguet Atlantique et l'Iliouchine Il-38 (co,nu sous sa désignation OTAN de "May"), la marine opta, plus ou moins forcée par le gouvernement indien, pour l'appareil soviétique, car il était nettement moins cher à acquérir et qu’il entrerait en service plus rapidement, puisqu'il était déjà construits puisque directement prélevé sur les stocks de la marine soviétique.
À la fin de 1976, les premiers équipages de la marine indienne allèrent à Riga, alors dans la Lettonie soviétique, pour un entraînement de conversion sur Il-36, et trois Il-38 furent peu de temps après remis officiellement à l’Inde qui les incorpora dans l’escadron de patrouille maritime 315, les "Winged Stallions", qui avait été créé à Goa le 1er octobre 1977. Deux autres appareils rejoignirent l'escadron plus tard, portant le nombre total des Il-36 en service dans la marine indienne à cinq en 1983.
Cette même année, la marine retira ses Super Connies et chercha à les remplacer aussitôt. Le choix le plus évident, celui d’autres Il-38, n'était pas envisageable car la production de ce type d'appareil avait pris fin en 1972 et la marine soviétique n'était plus disposée à s'en séparer. Moscou proposa alors le successeur de l'Il-38, le Tu-142MK (OTAN "Bear" qui est la version de patrouille maritime du Tu-95. Après une courte période de négociation, un contrat fut signé en 1985 pour huit appareils, les livraisons devant commencer en 1988.
Le dernier Tu-142 de la marine indienne effectue un passage avant son retrait lors d’un show aérien en Inde, le 29 mars 2017. © Angad Singh
Un Tu-142 Bear indien au repos sous le ciel nocturne. Contrairement aux Il-38 et aux P-8I, les Tu-142 ont passé la totalité de leurs 29 années d'existence à l'air libre. Aucun hangar n’était suffisamment grand pour les accueillir. © Angad Singh
À cette époque, la principale base aérienne de la marine, l’INS Hansa, abritait cinq unités : trois escadrons de patrouille maritime, une unité d'entraînement sur avion à réaction et un escadron de British Aerospace "Sea Harrier" embarqué à bord d’un de ses porte-avions. Afin de libérer de l'espace, la marine décida de construire une nouvelle base aérienne sur un terrain désaffecté datant de la Seconde Guerre mondiale, dans le hameau endormi d'Arakkonam, sur la côte est. L’endroit fut fortement remanié, avec notamment la construction de la plus longue piste d'atterrissage de l'Inde, à 4 500 mètres (près de 15 000 pieds). La nouvelle base aéronavale, flambant neuf, accueillit ses premiers occupants début 1992. C’est en mars de cette année-là que la base fut officiellement mise en service sous le nom d'INS Rajali, et l'escadron de patrouille maritime 312 quitta Goa pour Rajali en avril 1992.
L’équipement de l’Il-38, son radar de recherche de sous-marins, son détecteur d'anomalie magnétique (MAD), les torpilles et les grenades sous-marines de son armement permirent aux militaires indiens de suivre et de poursuivre les sous-marins depuis les airs. Ses quatre turbopropulseurs Ivchenko AI-20M produisaient plus de 4 225 chevaux chacun au décollage et, avec une pleine charge de carburant de plus de 33 000 litres, l'avion avait une autonomie de plus de 12 heures. Cependant, la durée typique d’une mission était de huit heures en moyenne.
L'équipage standard d’un Iliouchine il-38 comprend, sur une composition typiquement soviétique, un pilote, un copilote, un mécanicien navigant, un navigateur, un signaleur de vol et deux à trois opérateurs des capteurs électroniques.
Un mécanicien au travail sur l'un des quatre turbopropulseurs Ivchenko AI-20M de l'Iliouchine Il-38. © Angad Singh
Deux opérateurs au travail à bord d’un Il-38 indien. Le 315ème escadron de patrouille maritime a accueilli sa première femme d’équipage en 2012. Plus d'une décennie plus tard en octobre 2023, on en compte désormais trois dans l’aéronavale indienne. © Angad Singh
Outre leur rôle désigné de reconnaissance maritime à longue portée et de lutte anti-sous-marine (LRMR/ASW), les Il-38 indiens ont coopéré avec l'armée de l'air indienne pour diriger depuis les airs des frappes antinavires menés par l’armée de l’air indienne sur des vieux English Electric Canberra, puis menées ensuite par des SEPECAT Jaguar d'attaque maritime.
Pour les opérations de recherche et de sauvetage, les appareils de l’escadron 315 assuraient une couverture 24 heures sur 24 avec un préavis de quatre heures. Ces avions pouvaient transporter le canot pneumatique Rakshak (littéralement le Protecteur) indien conçu pour sauver jusqu'à 85 personnes. À partir d'avril 1990, dans le cadre du projet Yaduvansh (nommé d'après le premier aviateur naval indien, qui avait commencé comme pilote de Hellcat de la Seconde Guerre mondiale dans la Royal Navy britannique), la marine indienne et l'avionneur public Hindustan Aeronautics ont intégré le missile antinavire Sea Eagle à l’armement des Il-38.
Contrairement à son aîné, le Tu-142 n'a jamais eu d'arme air-surface vraiment opérationnelle, bien que le missile Sea Eagle ait été testé à plusieurs reprises sur cet appareil mais sans succès. La charge des Tu-142 comprenait des bouées acoustiques différentes et la torpille APR-2E au lieu de l'AT1ME qu’on trouvait à bord des Iliouchines. Les capacités du Tu-142 étaient largement comparables à celles de l'Il-38. Même l'endurance en altitude était similaire, bien que le Tu-142 le fasse avec trois fois plus de carburant pour alimenter ses moteurs Kuznetsov NK-12, de vrais monstres toujours assoiffés. C’étaient les turbopropulseurs les plus puissants de l'histoire.
Un Tu-142 décolle juste devant la tour de la base aéronavale INS Rajali dans l’est de l’Inde. © Angad Singh
Le poste de pilotage du TupolevTu-142 est spartiate, même s'il est plus facile à piloter que l'Iliouchine Il-38 qui, lui, est entièrement manuel. © Angad Singh
Les deux types d’avion patrouilleur soviétique ont été largement utilisés par l’Inde dans la région de l'océan Indien. Au début de son histoire, l'escadron 315 a joué un rôle essentiel dans la localisation de l'épave du vol 855 d'Air India, un Boeing 747-200B qui s'était abîmé dans la mer d'Oman au large de Bombay en janvier 1978. L'escadron a ensuite mené des missions de recherche et d'observation au cours de l'opération Pawan, l'intervention militaire indienne au Sri Lanka dans les années 1980, tout en étant crédité de la détection du navire détourné MV Progress Light au cours de l'opération Cactus au large des Maldives en 1988. Les Il-38 indiens ont également beaucoup volé dans le cadre de l'opération Swan visant à sécuriser les approches maritimes de la côte indienne dans les années 1990.
Les Tu-142, introduits dix ans après les Il-38, ont participé à diverses manœuvres nationales et internationales dans les années 1990, notamment pour l'exercice Malabar entre les États-Unis et l'Inde en mai 1995, auquel participait l'USS Pasadena, un sous-marin à propulsion nucléaire de la classe Los Angeles. Les appareils de l’escadron INAS 312 ont également été déployés lors du conflit de Kargil, dit la guerre des glaciers, en juillet 1999 avec le Pakistan et lors de l'impasse militaire avec le Pakistan en 2001-2002. Les Tupolev ont également participé à de nombreuses actions de lutte contre la piraterie, notamment une opération largement médiatisée pour venir en aide à un navire marchand chinois à quelques centaines de kilomètres de la côte indienne en mai 2011. En mars 2014, un Tu-142 a été l'un des premiers à participer à l'opération de recherche et de sauvetage du vol MH370, bien qu'il ait été rapidement remplacé par un biréacteur Boeing P-8i Poseidon de l’aéronavale indienne qui fut momentanément déployé sur la base aérienne de Subang, en Malaisie, pendant une semaine, avant de rentrer chez lui.
Même le plus banal des atterrissages d’un Tu-142 est un événement. © Angad Singh
Un Tu-142 de l’aéronavale indienne très usé retourne sur l'aire de trafic après une demi-journée de patrouille au-dessus de l'océan Indien. © Angad Singh
Bien entendu, la lutte anti-sous-marine est le quotidien de ces avions, mais leurs capacités opérationnelles spécifiques sont rarement rendues publiques. Des reportages périodiques et des conversations officieuses ont toutefois montré que les Iliouchine et les Tupolev détectaient et suivaient régulièrement les sous-marins qui entraient et sortaient de la zone de responsabilité internationale tout autour du sous-continent indien. Les performances des capteurs étaient apparemment très élevées, et toutes les données recueillies au cours des patrouilles étaient examinées et analysées pour s'assurer que les informations restaient à jour et pertinentes.
Des mises à jour régulières des systèmes de capteurs sont en effet essentielles pour que ces appareils soviétiques restent efficaces, en particulier au cours de leurs dernières années de service actif. La flotte de Tupolev a fait l'objet de modifications continues pendant la majeure partie de son service dans la marine indienne, les mesures de soutien électronique et les équipements de mise en réseau ont constitué des ajouts notables à partir du début des années 2000.
Les Il-38 ont bénéficié d'une mise à jour plus complète du système Sea Dragon, comprenant plusieurs nouveaux systèmes - un radar à synthèse d'ouverture inverse moderne pour remplacer l'ancien modèle soviétique, un système de bouées acoustiques remanié, une tourelle électro-optique jour/nuit montée sur l’avant de l’avion, un équipement de soutien électronique très performant (qui est logé dans la "couronne" distinctive au sommet du fuselage au-dessus du cockpît) et un nouveau système informatique central pour relier tous ces éléments entre eux.
L’Iliouchine il-38SD de série IN307, fut le dernier Il-38SD à voler pour la marine indienne, pour son dernier vol il passe ici sous le feu des canons à eau. © Angad Singh
La modernisation de l'Il-38SD comprenait également une révision complète et une prolongation de la durée de vie de la cellule, ainsi qu'un nouveau missile antinavire, le Kh-35 (AS-20 Kayak). Le premier avion ainsi modernisé (le n° de série IN305) a volé en 2003, et les livraisons en série ont commencé en 2006. Au cours des dernières années, les Il-38 ont également reçu des mises à jour de leurs réseaux et une suite d’améliorations sur les communications intérieures (COMINT) appelée Sarvadhari.
Au milieu des années 2010, les deux appareils ont été dotés d'un équipement unique, à savoir un conteneur logistique largable par voie aérienne, capable de livrer jusqu'à 110 livres à des navires en haute mer. Les Il-38 ont reçu un conteneur amélioré de 331 livres au cours des années suivantes, ce qui leur a permis de bénéficier d'une plus grande flexibilité.
Outre les modifications russes et indiennes, certaines mises à jour sont venues de sources improbables. La plus puissante d'entre elles était un radar de recherche de surface israélien IAI-Elta. Installé pour la première fois sur les Dornier 228 de la marine en 2001, il a été installé sur les Tu-142 à partir de 2006, puis sur les Il-38 à partir de 2015. Les équipages sont unanimes dans leur approbation du radar israélien et insistent sur le fait qu'il a été plus que rentabilisé en peu de temps. En fait, les performances sont si impressionnantes que les équipages des P-8 Poseidon l’envient, ce qui n'est pas peu dire de la part des opérateurs des avions de patrouille les plus récents et les plus avancés de la marine indienne.
Les immenses abris en forme de tente sont un ajout relativement récent de la base INS Hansa et ont considérablement amélioré la capacité d'entretien des avions. © Angad Singh
Toutes les bonnes choses ont une fin cependant, et après que le premier P-8I de la marine indienne ait été mis en service dans l’escadron 312 en 2013, le début de la fin a sonné pour les avions vieillissants de l’ère soviétique, à commencer par les Tu-142. La dernière révision du Tu-142 a été effectuée en août 2014 à l'usine de Taganrog en Russie, après quoi les avions ont commencé à être retirés au fur et à mesure qu'ils atteignaient les limites d'heures de vol de leur cellule et de leur moteur. Fin 2016, seuls deux Tu-142 étaient encore en état de vol et la marine indienne a confirmé que les Tupolev seraient retirés après l'exercice annuel TROPEX de préparation opérationnelle, prévu en janvier 2017.
Marquant la fin de l'ère des Tupolev, un Boeing P-8i Poseidon effectue un passage à basse altitude au-dessus de la base aéronavale INS Rajali en larguant des leurres en mars 2017. © Angad Singh
Un Boeing P-8i Poseidon passe devant des Tu-142 retirés du service. © Angad Singh
Avec aucun avion perdu depuis sa mise en service au sein de la marine indienne, et avec un impressionnant bilan de plus de 30 000 heures de vol sans aucun accident, la cérémonie de retrait des Tu-142 a été une vraie célébration. Après les défilés aériens habituels et un salut au canon à eau pour le dernier Tupolev en service, l’escadron 312 est devenu un escadron de patrouille maritime entièrement composé de biréacteurs Boeing Poseidon.
Le Tu-142 de série IN317 est accueilli par pas moins de quatre camions de pompiers après son dernier vol. © Angad Singh
Les Il-38 de l'escadron 315 ont pu respirer un peu plus longtemps, d'autant plus que le P-8i était beaucoup plus performant que le Tu-142 et pouvait donc assumer davantage de tâches que son prédécesseur. Néanmoins, maintenir en vie la flotte d’Il-38, ces vétérans de l'ère soviétique, était un véritable défi car il nécessitait des réparations et des vérifications de plus en plus complexes pour fonctionner en toute sécurité. Finalement, le temps est devenu le facteur décisif, et même si les P-8i de l'escadron 316 "Condors" n'avaient pas encore été livrés, la marine indienne a décidé de commencer à retirer les Il-38 au fur et à mesure qu'ils terminaient leurs heures de vol.
L'appareil de série IN305, le premier appareil modernisé en 2003, a été le premier à être retiré en décembre 2018. Il a été suivi par l'IN303, qui a été retiré en octobre 2020. L'IN301, le plus ancien Il-38 avec plus de 44 ans de service sous les couleurs de la marine indienne, a été retiré en janvier 2022, laissant l'unité avec seulement deux avions - les cellules les plus jeunes - sur les registres en octobre 2023. C'est à ce moment-là que l'auteur a visité l'escadron 315 sur la base aéronavale Hansa, comme il l'avait fait avec l'escadron 312 à Rajali en 2017.
L'appareil de série IN301, le plus ancien Il-38 de la marine indienne, se pose un beau jour d’octobre 2023 sur la base d’Hansa après une longue sortie de jour au-dessus de la mer d'Arabie. © Angad Singh
"Une bougie brûle plus intensément avant d'être éteinte", a déclaré le capitaine de frégate Mrinmoy Ghosh, le dernier commandant sur Il-36 de l'escadron 315. Il a expliqué que les "Stallions" et leurs avions étaient à leur apogée au cours des années qui ont précédé la fin de l'utilisation de l'Il-38. Visiter un escadron quelques semaines avant le retrait progressif de ses appareils et sa mise en sommeil peut être une affaire triste, mais le petit groupe d'officiers et de marins laissés à la veille de la cérémonie de retrait était bien trop fier et heureux de leur travail pour se laisser abattre par l'échéance qui se profilait à l'horizon. Alors même qu'il se préparait au "début de la fin", l'escadron a reçu et exécuté des tâches opérationnelles pour la marine. Il a effectué une patrouille réelle une semaine seulement avant la mise à la retraite de l'IN306, le 21 octobre dernier.
Un des derniers Il-38 de la marine indienne en service décolle en laissant derrière lui la trace caractéristique des échappements de ses quatre turbopropulseurs Ivchenko. © Angad Singh
Les histoires ne manquent pas : la maîtrise d'un avion difficile procure une satisfaction qui transparaît dans les conversations à la cafétéria de la base. Le capitaine de frégate Vivek Kumar, officier supérieur des opérations aéronavales de l'escadron, adore l'Il-38. "Chaque avion a sa propre personnalité ; il faut apprendre à connaître ses particularités jusqu'à ce qu'il devienne comme un vieil ami". Cette amitié s'est révélée payante de temps à autre.
Le capitaine de frégate Kumar se souvient notamment de l'un de ses moments les plus satisfaisants. Lors d'une mission de suivi d'une flottille, le radar de recherche est tombé en panne. Au lieu d'annuler la mission, l'équipage s'est adapté à la volée, a mis le radar météorologique en service et, malgré la dégradation des performances, a pu maintenir le suivi de la flottille jusqu'à la fin de la sortie. "On ne peut faire cela que si l'on comprend vraiment tout, jusqu'au câblage", nous a-t-il déclaré.
Le poste de pilotage de l'Il-38 est typiquement russe : une véritable exposition de systèmes analogiques et aucun écran. © Angad Singh
Les pilotes racontent des histoires similaires - le Capitaine de frégate Chandrakant Fulshe, pilote principal de l'escadron nous a ainsi déclaré qu'il " se réjouit de pouvoir dompter un avion comme celui-ci. L'environnement multi-équipage ne ressemble à aucun autre avion de la marine, je ne contrôle même pas les gaz, c'est le mécanicien navigant qui le fait. Chaque action doit être réfléchie, plusieurs fois à l'avance, et il y a une communication constante avec l'équipage par intercom. C'est vraiment l'avion de l'homme qui pense avant d’agir".
Le commandant a ses propres histoires à raconter. En tant que chef d'une escadrille de patrouille, il est le plus fier lorsque l'unité accomplit des missions difficiles. Il n'a pas voulu donner de détails sur les missions de l'unité, mais il a déclaré que la chasse aux sous-marins lui procurait la plus grande satisfaction. "Pour moi, c'est comme trouver une aiguille dans une botte de foin. Les équipages et cet avion sont vraiment bons dans ce domaine de la lutte anti-sous-marine. Chaque fois que vous découvrez une piste, l'atmosphère à bord devient vraiment électrique," dit-il en souriant.
Mais pour le commandeur Ghosh et le reste de l'escadron, le véritable point culminant pour le moral s'est produit en janvier de cette année, lorsque l'Il-38 a participé à l'énorme défilé aérien du Jour de la République au-dessus de New Delhi, pour la première et dernière fois dans l'histoire de ce type d'appareil. Le capitaine Fulshe, qui pilotait l'IN306 ce jour-là, se souvient : "C'était la première fois que nous volions en formation avec l'armée de l'air indienne. Notre Il-38 était flanqué d'une paire d'An-32 de l'armée de l'air. C’était la première fois que nous opérions depuis l’aéroport de Jaisalmer, la grande base de l’armée de l’air indienne dans l’ouest du pays au Rajhastan, la première fois que nous avions autant d'avions dans un espace aérien aussi encombré... une expérience sans pareille".
Un Il-38SD de la marine indienne flanqué de deux An-32 de l'armée de l'air indienne lors de la répétition générale de la parade du Jour de la République, le 23 janvier 2023, à New Delhi. © Sanchit Khanna, Hindustan Times
Le capitaine de frégate Ghosh est d'accord. "Rien ne peut égaler le survol de Kartavya Path, l'avenue principale de la capitale nationale", nous a-t-il déclaré avec insistance.
La cérémonie de mise à la retraite de l'Il-38, le 31 octobre dernier, a rassemblé des centaines d'officiers, de marins et de vétérans de l'histoire mouvementée de l'escadron pour célébrer les liens qui les unissent. L'amiral R. Hari Kumar, chef d'état-major de la marine, a présidé la cérémonie. Bien qu'il ne soit pas aviateur lui-même, il a commandé plusieurs navires, dont le porte-avions INS Viraat. Il s'est souvenu avec émotion que "la flotte était toujours heureuse lorsque nous avions un de nos Il-38 au-dessus d'elle", expliquant que les "Stallions" amélioraient considérablement la connaissance de la situation opérationnelle des navires de la marine indienne.
La cérémonie a donné lieu à un hommage aérien à l'Il-38 de la part des autres aéronefs de la base aéronavale INS Hansa. D'abord un Dornier 228 de l'escadron 310 "Cobras" a survolé l’assistance, suivi d'un MiG-29K de l'escadron de chasse 303 des "Black Panthers", puis d'un P-8i Poseidon de l'escadron 316 "Condors". Enfin, émergeant d'un soleil littéralement couchant sur l'horizon ouest, l'Iliouchine Il-38SD IN307 a effectué un passage incroyablement bas au-dessus de la piste, laissant derrière lui les épaisses volutes des traînées de fumée caractéristiques de ses turbopropulseurs dans l'air humide.
Un MiG-29K des "Black Panthers" fait une démonstration lors de la cérémonie de mise à la retraite de l'Il-38. © Angad Singh
Le passage incroyablement bas de l’Il-38 INS307 lors de la cérémonie de retrait des Il-38 en octobre dernier. © Angad Singh
Un Il-38SD effectue un passage à basse altitude lors de démonstrations de puissance aérienne pendant la visite du Premier ministre Narendra Modi sur le porte-avions INS Vikramaditya, en juin 2014. © Marine indienne
L'appareil de série IN307 a ensuite effectué le dernier atterrissage d'un Il-38 en service en Inde, en se posant sur la piste 08 avant de s'arrêter et de se diriger vers sa position de parking sous une salve de canon à eau. L’amiral et les officiers supérieurs ont ensuite salué l'équipage lorsqu'il sortait du ventre de l'appareil, le félicitant pour le départ en fanfare qu'il a donné à un appareil qui a accumulé plus de 52 000 heures de vol opérationnel en 46 ans.
Le capitaine de frégate Ghosh a exprimé toute l'émotion de la soirée : "Chaque avion qui a honoré notre escadron avait une âme. Aujourd'hui, alors que les hélices du 307 s'arrêtent définitivement... les âmes des sept autres Il-38 reste attaché à l’escadron 'Stallion'. Il est de notre devoir de préserver cette âme pour toujours. Alors que nous avions des familles à retrouver après les sorties, l'avion n'avait que nous. Il nous attendait chaque jour avec impatience, désireux de jouer avec nous au-dessus des océans, accomplissant des missions qui semblaient souvent impossibles. Et avec un engagement inébranlable, il nous a toujours ramenés sains et saufs à la maison".
L'ancien et le nouveau, ensembles sur la rampe de la base aéronavale INS Hansa. © Angad Singh
La marine indienne continue d'utiliser d'autres types d'appareils de conception soviétiques. Les hélicoptères Kamov Ka-28 ASW sont entrés en service en 1986 aux côtés des destroyers de la classe Rajput et sont actuellement en cours de modernisation modernisés avec la suite de lutte anti sousmarine israélien Skimmer. En 2003, l’Inde a acquis des hélicoptères de détection précoce aéroportés Kamov Ka-31, pour ses frégates de la classe Talwar. Et bien sûr, le point culminant de l'aviation navale, sont ses chasseurs embarqués, des MiG-29K/KUB russes, qui ont été introduits en 2009. Ils devraient être complétés dans un avenir proche par 26 Rafale Marine de Dassault et, à long terme, devraient être remplacés par un chasseur embarqué de conception et de fabrication indienne actuellement en cours de développement sous le nom de Twin-Engine Deck-Based Fighter (TEDBF).
FIN
Bonjour chers amis,
Vendredi dernier, le nouveau bombardier stratégique américain de poche, le Northrop Grumann B-21 Raider, a effectué son premier vol à l’aéroport de Palmdale en Californie.
Je vous ai traduit le compte-rendu de cet évènement. J’ai pensé que cela pourrait vous intéresser. La majorité des illustrations sont les originales.
Bonne lecture !
Philippe
COMPTE-RENDU DU PREMIER VOL DU NOUVEAU BOMBARDIER DE L’USAF, LE B-21 RAIDER
Le premier B-21 Raider,baptisé "Cerberus", a évolué dans le ciel et a été observé sous de nombreux angles pour la toute première fois, notre analyse.
Par Tyler Rogoway, The War Zone, 10 novembre 2023
Premier vol du bombardier B-21 de Northrop Grumman à Palmdale, Californie, le 10 novembre dernier. © The War Zone
Le premier vol du nouveau bombardier B-21 - une étape importante pour Northrop Grumman et l'USAF - nous donne une perspective totalement nouvelle sur la machine volante la plus avancée au monde. Voici quelques éléments clés de ce qui est en fait la première présentation complète en publique du Raider.
Vidéo X(exTwitter) – Premier vol du B-21 – Durée 17 sec
Tout d'abord, le nom. Oui, il s'agit bien du B-21 Raider, mais le premier exemplaire de ce type d'appareil porte un nom de baptême bien spécial qui est inscrit sur la porte de son train d'atterrissage : "Cerberus", Cerbère le chien polycéphale des enfers.
Cerbère est le chien d'Hadès qui garde les portes du monde souterrain pour empêcher les morts de s'en échapper. Le premier B-21 porte donc un nom très sombre et inquiétant, si l’on s’en tient à l mythologie. Il convient cependant très bien à ce qui est sans doute l'une des machines volantes les plus destructrices jamais créées.
Beaucoup s'interrogent sur le long câble et l'antenne que le prototype du B-21 traînait derrière lui au moment du décollage. Sa présence n'est pas surprenante, car il s'agit d'un dispositif normal pour les premiers essais en vol. Il s'agit d'un "cône de traînée" de données aériennes utilisé pour prendre des mesures statiques "propres" qui ne sont pas perturbées par l'avion. Ce capteur vient s'ajouter à la sonde de mesure de l'air pour les essais en vol de longue durée, installée sur le côté inférieur avant gauche de l'avion. Ces instruments sont essentiels pour recueillir des données précises lors des premiers essais en vol du B-21, en plus de la myriade de capteurs standard installés autour de l'avion et des équipements d'essai spécialisés situés à l'intérieur de l’avion.
Le cône de trainée et ses instruments pend derrière le prototype du B-21 pour ses premiers essais en vol. © Andrew Kanei
Passons maintenant aux grandes conclusions concernant la structure et les caractéristiques de l'avion telles qu’on a pu pour la première fois es observer sur l’avion en vol. La principale d'entre elles est la forme très plane du B-21. Elle correspond exactement à ce que nous pensions qu'elle serait et à ce qu'une première version du B-2, qui volait plus haut, était censée être. Le programme Northrop Grumman du B-21 Raider est directement issu en ligne droite du programme Advanced Technology Bomber de Northrop pour l’avion "Senior Ice" qui est devenu plus tard le bombardier B-2 Spirit actuel.
Alors que des photos du B-21 au sol, statique ou en train de rouler, circulent depuis des semaines, nous pouvons maintenant affirmer avec certitude que les étranges "cornes" du B-21 de part et d'autre du fût central de l’aile volante sont bien des portes d'entrée d'air auxiliaires pour les réacteurs. On a pu penser qu'il s'agissait de supports pour des capteurs de données aériennes supplémentaires, ou même de réflecteurs radar, mais ce n'est pas le cas.
Silhouette du B-21, le nouveau bombardier américain. Les entrées d’air des réacteurs son situées sur le dessus de l’aile volante. © Andrew Kanei
Le prototype du Northrop Grumann B-21 roule pour son premier vol vers la piste à l’aéroport régional de Palmdale (KPMD) en Californie, où se situe l’unité militaire aérospatiale US des essais en vol, l’Air Force Plant 42. © Mike Henry
Les entrées d'air du B-21 font partie des caractéristiques les plus exotiques (du moins pour celles qui sont connues) du programme, dont on sait qu'elles ont constitué un défi majeur à relever au cours du développement. Les entrées d'air peu visibles font partie des attributs les plus critiques d'un avion furtif. La réalisation de la séparation de l'air de la couche limite turbulente et l'acheminement d'une quantité suffisante d'air dans les conduits dans la forme en serpentins cache les faces hautement réfléchissantes des aubes des réacteurs ont constitué des obstacles majeurs. En outre, ce qui n'est peut-être pas un problème en croisière peut devenir un énorme problème à des puissance élevés et à des angles d'attaque accrus, comme c'est le cas lors des opérations de bombardement sur la cible.
Eléments de furtivité du B-21. En rouge, la soute à armements. En jaune, les différents volets. En aspect métallique, les réacteurs. Et en marron, le serpentin des entrées et des sorties d’air des réacteurs. © Northrop Grumann
Les prises d'air dentelées du B-2 sont bien plus visibles que celles du B-21, notamment la plaque de séparation entre le fuselage et l'ouverture de la prise d'air, qui sépare l'air turbulent de la couche limite de l'air stable entrant dans la prise d'air. © Christopher Bush, USAF
Par rapport au B-21, les prises d'air du B-2 sont beaucoup plus apparentes que celles du B-21, avec des séparateurs dentelés le long de leurs bords inférieurs. Elles alimentent néanmoins des conduits également en forme de serpentin, les réacteurs étant profondément enfouis dans la partie inférieure des ailes du B-2. Pour obtenir suffisamment d'air au décollage et à l'atterrissage, des portes d'entrée auxiliaires en forme de papillon (ou d'écope) s'ouvrent sur la partie médiane des prises d'air supérieures.
Un B-2 en train de rouler avec ses entrées d'air auxiliaires ouvertes. © Sgt Kenny Holston, USAF
Une autre photo montrant les entrées d'air auxiliaires du B-2 en cours d'utilisation lors de l’atterrissage. © Josshua Strang, USAF
Le B-21 réalise la même chose grâce à des portes auxiliaires de forme triangulaire et relativement grandes, semblables à des planches à ce qu’il semble, qui s'ouvrent verticalement vers l'arrière à partir des ouvertures d'admission, comme le font les entrées d’air auxiliaires du B-2. Les moteurs du Raider, dont la quantité (2 ou 4 ?) et le modèle (Pratt et Whitney ?) sont encore inconnus, peuvent être ainsi directement alimentés en air supplémentaire. Cela donne à l'avion une allure unique , lorsqu'il roule au sol ou qu’il décolle ou atterrit, il porte alors des sortes de cornes, un air de petit diable.
Le profil du B-21 est également plus frappant que ce que nous avions imaginé, avec ses hublots inclinés qui lui donnent un air déterminé et "en colère". Sa taille plus petite que celle de son prédécesseur, le B-2, est également apparente sous cet angle. Son bord d'attaque, massif au niveau du poste de pilotage, en forme de bec de canard est très visible, un attribut important qui limite la visibilité de la partie supérieure du fuselage à partir d'angles de vue plus bas, entre autres avantages. Étant donné que le B-21 volera probablement plus haut que la plupart des autres aéronefs et que les défenses terrestres constituent peut-être la menace la plus importante à laquelle il doit se soustraire, il s'agit d'une caractéristique essentielle. Il s'agit également d'un attribut qui a une longue histoire avec la conception d'aéronefs à faible visibilité, puisqu'il était particulièrement important sur le démonstrateur "Tacit Blue" de Northrop, l’appareil de mise au point de la technologie furtive au début des années 1980, en quelque sorte le grand-père du B-21 Raider.
L’avion expérimental Northrop "Tacit Blue" en essais de vol au-dessus de la Zone 51 au début des années 1980. © USAF
Nous voyons également les zones noires entre les nacelles des moteurs du B-21 et la partie centrale du fuselage, vers l'arrière de l'avion. On ne sait pas exactement pourquoi cette zone du dessus des ailes est de cette couleur, mais cela pourrait être dû au fait que les moteurs sont montés à proximité.
Dans l'ensemble, le profil du B-21 est remarquablement élancé et les bosses de l'entrée d'air et des moteurs sont beaucoup moins proéminentes que celles du B-2 lorsqu'on les regarde de côté.
Le ventre du B-21 est peut-être la partie la plus intrigante de l'avion que nous avons vue lors du premier vol d'aujourd'hui. Nous voyons maintenant clairement sa baie d'armement primaire (nous reviendrons sur la partie primaire dans un instant). Elle est beaucoup plus petite que celle du B-2, mais nous savions que ce serait le cas, l'avion ayant probablement moins de la moitié de la capacité d'emport d'armes du B-2 (environ dix tonnes contre environ 20 pour le B-2). Au lieu de pouvoir transporter deux bombes GBU-57A/B Massive Ordnance Penetrators (MOP), un seul sera probablement contenu dans un B-21 (NdT – la bombe GBU-57A/B est issu du projet Massive Ordnance Penetrator de l’USAF qui visait à développer une bombe massive anti-bunker guidée avec précision. Livrée à partir de 2011, elle est presque six fois plus lourde que les munitions anti-bunker de la génération précédente. Cette bombe mesure 6 m de long sur un diamètre de près de 1 m et pèse 12 tonnes). Il est possible que la soute soit même trop petite pour un seul GBU-57 et qu'une nouvelle arme à pénétration profonde plus petite prenne sa place, mais cela semble peu probable à l'heure actuelle.
Vue du dessous du B-21 avec ses très nombreuses trappes, le train, de nombreux petits orifices à la fonction inconnue, et la flèche colorée en rouge de la sonde de mesures portée pour les essais en vol. © Andrew Kanei
Gros plan sur le système des portes de la soute d’armement du B-21. © Andrew Kanei
La baie sera probablement plus "intelligente" et plus facilement reconfigurable pour différentes dispositions d'armes que celle de son prédécesseur, en tirant parti notamment des systèmes d'architecture ouverte de l'avion pour faciliter l'intégration de nouvelles armes, de leurres et de même de drones lancés par voie aérienne.
Une question majeure reste en suspens : le B-21 dispose-t-il également de baies d'armes secondaires plus petites ? C'est une question que j'ai déjà posée et qui pourrait (ou du moins devrait) correspondre à une possibilité qui tirerait parti des rôles élargis de l'avion et des nouvelles armes dont il va disposer. Il s'agit notamment de missiles air-air avancés pour l'autodéfense et du futur missile hypersonique SiAW pour se frayer un chemin dans des espaces aériens hautement protégés (NdT – SiAW est l’abréviation de Stand-in Attack Weapon, un programme lancé par le Pentagone en janvier 2020 devant aboutir à un nouveau missile air-sol censé permettre à l’avion de combat de 5ème génération F-35A Lightning II ainsi qu’au futur bombardier B-21 Raider de contrer les capacités d’interdiction et de déni d’accès adverses lors de la pénétration de l’espace aérien ennemi. Le 25 septembre dernier, Northrop Grumann a remporté le concours et a obtenu un contrat de 705 millions de dollars du Pentagone pour le développement du missile SiAW. Le calendrier sera serré puisque Northrop Grumman n’a que trente-six mois pour continuer la mise au point du missile SiAW et mener les essais en vue d’un "prototypage rapide", l’objectif de l’USAF étant de prononcer une capacité opérationnelle initiale d’ici la fin de 2026 !).
L'utilisation d'un grand lanceur rotatif primaire pour ces armes, lanceur rotatif qui occuperait un espace particulièrement large de la soute primaire, semble quelque peu problématique sur le petit bombardier qu’est le B-21, c'est pourquoi des baies auxiliaires plus petites et moins profondes pour les accueillir seraient intéressantes. Il semble que ce soit le cas, avec des trappes définies à côté de la baie d'armement principale, mais il n'est pas clair si elles sont là pour l'accès à la maintenance, y compris l'accès aux réacteurs, ou si elles sont destinées au stockage d’armes annexes comme le missile SiAW. Le B-2 Spirit possède également des panneaux similaires, il est donc difficile de se prononcer, mais ces panneaux intérieurs situés à côté de la baie principale sont tout de même intrigants.
L'éventualité de baies d'armement supplémentaires flanquant la baie principale est renforcée par le fait que l'équipement du B-21, bien qu'utilisant un seul chariot élévateur au lieu de deux comme sur le B-2, semble se ranger de la même manière, en s'articulant vers l'avant sous une seule grande porte qui se referme vers l'intérieur.
Enfin, nous avons l'arrière du B-21. Les échappements d'un avion furtif sont essentiels à ses capacités de faible détectabilité, tant dans le spectre des radiofréquences (RF) que dans celui des infrarouges (IR). Dans le cas présent, ils ressemblent beaucoup aux échappements du B-2, bien qu'ils soient encore plus cachés, avec des réacteurs (2 ou 4 ?) très profondément enfouis, et plus petits que ceux du B-2. Les échappements du B-21 ne présentent pas non plus de chevrons sur le bord de fuite de leurs diffuseurs de chaleur. Une fois de plus, la question se pose de savoir si le B-21 est un avion bimoteur ou quadrimoteur. Nous ne le savons pas, mais s'il utilise quatre moteurs, ceux-ci devraient être relativement petits d'après ce que nous pouvons déduire de la taille des échappements. Le B-2, qui est un quadriréacteur, peut voler avec seulement deux réacteurs. Le B-21 devrait donc pouvoir voler avec un seul réacteur, s'il s'agit bien d'un avion biréacteur.
Le B-21 semble avoir une extension proéminente de la "bosse" de son fuselage au niveau du bord de fuite et n'a pas la "queue de castor" à géométrie variable de son prédécesseur. Cela est logique si l'on considère sa similitude avec la conception initiale du B-2 qui ne répondait pas aux exigences de pénétration à basse altitude qui ont donné naissance au bord de fuite dentelé de l'avion et à la queue de castor qui permet d'atténuer l’effet des rafales de vent à basse altitude.
Vue de l’arrière du prototype du B-21 s’apprêtant à décoller. © Mike Henry
Le prototype du B-21 décolle de Palmdale pour son premier vol. © Mike Henry
Quant à la couleur finale de l’avion, elle n'a pas changé. Elle reste gris clair, ce qui indique que l'avion est destiné à des opérations de jour et de nuit. Cela peut toujours changer, mais c'est logique et c'est quelque chose que nous pensions déjà depuis quelque temps.
En ce qui concerne sa taille, nous avons estimé que l’envergure du B-21 était entre 40 et 47 mètres, contre 52 ½ pour le B-2. Il sera probablement aussi moins long que le B-2, ce qui donne au B-21 une taille proche de celle de deux F-15 juxtaposés. La vidéo ci-dessous du B-21 suivi de son poursuivant, le F-16, montre à quel point il semble petit pour un bombardier stratégique :
Pour finir, nous avons pu donc enfin voir toutes les ouvertures présentes autour de la structure de l'avion. Il n'y a pas grand-chose de nouveau par rapport à notre analyse lors de la première présentation statique du B-21 le 2 décembre dernier. Ce qui manque, ce sont les grands réseaux de radars doubles que l'on trouve sur le B-2. Il est très possible que le B-21 ne s'appuie pas sur de tels réseaux, grâce aux progrès des radars à antenne active (technologie AESA) et à la possibilité éventuelle d'utiliser des systèmes plus récents comme les structures d'antennes porteuses conformes (CLAS) (NdT – La technologie de antennes CLAS offre la possibilité d'intégrer des capacités de communication et de détection dans des cellules porteuses de l’avion, le long du fuselage ou des surfaces des ailes. Ces antennes en structure de microrubans extrêmement fins peuvent donc être facilement intégrées dans les structures typiques de la cellule de l’avion). Des antennes radar AESA plus petites pourraient être aussi placées autour de l'avion pour la détection à 360 degrés, les communications et la guerre électronique sont également très probables.
Le capteur intégré reconfigurable multifonction à balayage électronique (EMRIS) vu ici au centre de la chambre d’essai des signatures radar de Northrop Grumann. Ce système d’antennes de dernière génération est un excellent exemple de réseau multimodal à large bande qui peut offrir des avantages majeurs dans de nombreux types d'installations différentes, qui représentent bien plus que la somme de ses fonctions. Placés autour du B-21, ces systèmes d’antennes pourraient fournir des capacités de détection, de communication en réseau et de guerre électronique inégalées. © Northrop Grumman
Il convient également de noter que le B-21 a été construit autour d'une communication entre une famille de systèmes et de capacités gérées par d'autres avions et transmises au B-21 via des réseaux sécurisés. Cela pourrait très bien inclure (et c'est probablement le cas) un radar furtif comme le RQ-180. Bien entendu, il s'agit ici d'un prototype, mais très représentatif de ce que seront les B-21 de série. Certains systèmes et certaines pièces d'avionique pourraient être (et seront probablement) ajoutés ultérieurement à des cellules de B-21 déjà en cours de construction.
Le B-21 a également été conçu dans l'optique d'un développement dit "en spirale", de sorte que de nouvelles capacités pourront être insérées au fur et à mesure qu'elles apparaîtront ou qu'elles seront jugées nécessaires aux missions du B-21, avec beaucoup plus de facilité que sur le B-2. Et, comme nous le soulignons toujours, l'extérieur ne raconte qu'une partie de l'histoire, c'est à l'intérieur que la vraie magie opère. Voilà donc notre première analyse de ce que nous avons vu en ce jour historique de l'aviation, ainsi que de l'énorme réussite de l'USAF et du travail opiniâtre des employés de Northrop Grumman.
FIN
Merci Henry, ça a été aussi une découverte pour moi !
Bonjour chers amis,
Quand on pense au De Havilland Mosquito, la Merveille en Bois (the Wooden Wonder) britannique, on pense bien entendu à l’avion de combat et à ses missions spéciales de bombardement ultra-rapides. On ne pense pas au premier abord à un avion de ligne servant sous les couleurs de la BOAC.
Pas vraiment … et pourtant ! Des Mosquitos affectés à la BOAC ont effectué pendant toute la durée de la guerre la liaison commerciale Ecosse-Stockholm, transportant des passagers, beaucoup de roulements à bille de grande précision que seule la Suède savait fabriquer à l’époque et quelques passagers prestigieux … comme le savant physicien Niels Bohr pour l’exfiltrer des griffes nazies.
Un aspect assez étonnant de cette histoire est qu’en pleine guerre on pouvait voir sur le tarmac de l’aéroport de Stockholm-Broma, un avion de la BOAC et un autre de la Deutsche Lufthansa, comme à Lisbonne d’ailleurs.
Je vous ai traduit cet article qui, j’espère, vous intéressera. Les illustrations sont celles de l’’article original.
Bonne lecture !
Philippe
UN AVION DE GUERRE QUI EST DEVENU LE PLUS IMPROBABLE DES AVIONS DE LIGNE BRITANNIQUES
Véritable avion multirôle selon les critères de la Seconde Guerre mondiale, le De Havilland Mosquito a entre autres transporté un physicien nucléaire, Niels Bohr, dans sa soute à bombes.
Par Rowland White, The War Zone, 13 octobre 2023
Dans le film de Chistopher Nolan, Oppenheimer, on voit Matt Damon qui incarne le général Leslie Groves, le directeur du projet Manhattan, annoncer à la foule des scientifiques de Los Alamos : "Nous avons un cadeau de Noël pour vous". Kenneth Branagh, qui incarne le physicien Niels Bohr, prend la relève et parle face à des auditeurs comme en adoration. Le très célèbre physicien danois vient d’arriver à Los Alamos. Il s'agit de l'installation secrète créée au Nouveau-Mexique en 1943 pour fabriquer la première bombe atomique et recréée 80 ans plus tard par Christopher Nolan pour tourner son film épique à succès.
"Les pilotes britanniques m'ont placé dans la soute à bombes de l’avion qui m’attendait en Suède", raconte Branagh dans le rôle de Bohr en riant avec son meilleur accent danois, ils "m'ont montré l'oxygène - bien sûr, j'ai tout gâché. Lorsque, à mon arrivée en Ecosse, ils ont ouvert la porte du poste où j’avais fait le vol, j'étais inconscient. J'ai fait alors semblant de faire la sieste".
Cette scène laisse à peine entrevoir les circonstances dramatiques de l'évasion du physicien Danois de l'Europe occupée par les nazis, ainsi que l'histoire remarquable de sa fuite vers la sécurité quelque part au Nouveau-Mexique. En faisant des recherches sur le raid aérien de bombardiers Mosquito de la Royal Air Force britannique contre le quartier général de la Gestapo à Copenhague, j'ai découvert quelque chose de fascinant et de mal connu sur ces sujets.
Commençons par le commencement.
À l'époque où il a rejoint le projet Manhattan, Niels Bohr était peut-être le scientifique le plus célèbre au monde après Albert Einstein. Mais sa patrie danoise était sous occupation allemande depuis avril 1940.
Le jour de l'invasion du Danemark par les nazis, le professeur se trouvait dans le laboratoire qu'il avait installé à Copenhague et tentait de dissoudre une paire de médailles Nobel dans un mélange d'acide nitrique et d'acide chlorhydrique. Bohr essayait alors d'empêcher les nazis de mettre la main sur les deux médailles Nobel en or 23 carats que deux physiciens juifs allemands, fuyant l'antisémitisme de l'Allemagne hitlérienne, lui avaient confiées pour qu'elles soient conservées. Il avait vendu aux enchères sa propre médaille Nobel en 1940 afin de collecter des fonds pour les victimes de la "guerre d'hiver" entre la Finlande et l'Union soviétique. Le fait qu'il ait permis à l'institut de Copenhague qui porte son nom d'offrir un refuge à ces exilés allemands témoigne également de son altruisme. Mais il s'agit aussi d'une affaire personnelle. De par sa mère juive, Niels Bohr était juif par héritage, mais pas par conviction religieuse.
Des troupes allemandes patrouillent dans les rues de Copenhague, pendant l'occupation nazie du Danemark. © Getty Images
Le Special Operations Executive (SOE) britannique, créé en 1940 sur instruction de Winston Churchill pour "mettre le feu à l'Europe" par la sédition et le sabotage, avait d'abord tenté de provoquer le départ de Bohr du Danemark en 1943 en envoyant un agent secret au domicile du scientifique. Le refus poli de Bohr à l'invitation de Londres était caché sous les timbres collés sur trois cartes postales distinctes. La fois suivante, le SOE a envoyé un message écrit, accompagné d'instructions détaillées :
"Un petit trou d'une profondeur de 4 mm a été percé dans les deux clés. Les trous ont été bouchés et dissimulés après l'insertion du message. Le professeur Bohr doit limer doucement les clés à l'endroit indiqué jusqu'à ce que le trou apparaisse. Le message peut alors être extrait à l'aide d'une seringue puis être lu au microscope une fois déposé sur une microdiapositive".
Le message de l'ami de Bohr, le professeur James Chadwick de l'université de Liverpool, avait la taille d'un grain de sable et était contenu dans un trou de la largeur d'une tête d'épingle ; il a dû être déchiffré à l'aide d'un microscope à lentille d'une puissance de 600. Chadwick l'exhorte à quitter le Danemark pour le Royaume-Uni, faisant mystérieusement allusion à "un problème particulier pour lequel votre assistance serait de la plus grande utilité". Chadwick, son collègue lauréat du prix Nobel pour sa découverte du neutron, dirigeait les recherches britanniques sur la bombe atomique.
Le physicien britannique James Chadwick, photographié vers 1945. © Laboratoire national de Los Alamos
Une fois de plus, Bohr refusa poliment, estimant qu'il pouvait faire plus de bien en restant dans le Danemark occupé, mais il n'avait aucun doute sur la nature de ce "problème particulier" auquel son ami Chadwick faisait allusion, c’était d’une bombe atomique dont il était question. Il ne croyait tout simplement pas qu'en l'état actuel des connaissances, une bombe atomique soit réalisable.
Deux mois plus tard, Bohr rapporte à Chadwick que de nouvelles informations l'ont convaincu que l'Allemagne a mis en place les moyens de développer un réacteur nucléaire utilisant de l'uranium et de l'eau lourde. Mais alors que le scientifique britannique se préparait à assumer un nouveau rôle en tant que chef de la mission britannique du projet Manhattan au laboratoire de Los Alamos, au Nouveau-Mexique, cela ne suffisait toujours pas à persuader le "Grand Danois", comme l'appelait le SOE, de quitter Copenhague.
Sous la supervision de l'armée américaine, le réacteur nucléaire expérimental allemand est démantelé à Haigerloch, dans le sud-ouest de l'Allemagne, en avril 1945. © US Army
Ce n'est que lorsqu'une Danoise travaillant pour la Gestapo a vu un ordre d'arrestation de Bohr et en a aussitôt informé le frère de Bohr, Harald, que le physicien a finalement accepté qu'il devait partir. Il lui était alors impossible d'ignorer les preuves de l'action imminente des nazis contre la communauté juive du Danemark et la menace qui pesait sur lui en particulier. Les hauts responsables de la SS avaient afflué à Copenhague. Un grand navire allemand, le Wartheland, juste arrivé d’Allemagne, était à quai prêt à transporter le plus grand nombre possible des 7 000 Juifs du pays.
Bohr et sa femme, Margarethe, quittèrent leur maison de la brasserie Carlsberg dans les heures qui suivirent l'appel d'Harald. Alors qu'ils se glissaient par l'arrière de leur maison, une escouade nazie était déjà en route. Le couple s’est approché d’une plage, ils ont rampé à quatre pattes d'une cabane de plage jusqu'à un bateau qui l'attendait. L'homme le plus célèbre du Danemark n'avait avec lui qu'un seul sac, une bouteille de bière remplie d'eau lourde récupérée dans le laboratoire et un croquis censé représenter la conception de la pile atomique expérimentale des nazis. Il n'avait pas eu le temps de rassembler d'autres biens avant de traverser clandestinement l’Øresund, le détroit large d’une quinzaine de kilomètres qui sépare le Danemark, alors pays occupé par les nazis, de la Suède, alors pays neutre.
Niels et Margarethe Bohr pensaient peut-être qu’une fois à Malmø suffirait à les mettre à l'abri des griffes des nazis, mais ce n'était pas le cas de la Gestapo, ni des services de renseignements de l'armée danoise passée sous le contrôle de l’occupant.
Comme Madrid, Lisbonne ou Casablanca, la capitale de la Suède neutre était un foyer d'intrigues en temps de guerre, avec des espions d'agences de renseignement du monde entier opérant côte à côte et se disputant l'avantage. Secrets, mensonges, trahisons et tromperies étaient monnaie courante à Stockholm, et c'est par le biais d'agents, de planques, d'impasses, de surveillances et de cryptages qu'ils étaient échangés. Et l'arrivée du physicien nucléaire le plus célèbre du monde, donnait un prix qui valait la peine de tout mettre en œuvre pour lui mettre la main dessus.
Au début, les autorités suédoises étaient réticentes à reconnaître que Bohr risquait d'être enlevé ou assassiné, déclarant au capitaine de l'armée danoise chargé de sa protection : "Nous sommes à Stockholm, pas à Chicago".
En matière d'impitoyabilité et de brutalité, l'officier a répondu qu'aucun gangster ne pouvait se comparer aux sbires de la Gestapo et que "s'il arrive quelque chose au professeur, ce sera un déshonneur pour votre pays". Ce capitaine n'a jamais quitté Bohr pendant son séjour en Suède. Mais après cet échange assez intense avec les autorités suédoises, il fut rejoint par trois policiers suédois armés des services secrets. À peine arrivé à Stockholm, Bohr fut aussitôt poussé d'un taxi dans une maison appartenant aux services secrets suédois, conduit à travers les greniers jusqu'à l'autre côté du bâtiment, puis rejoint par un second taxi qui l'emmena au plus grand secret dans une maison sécurisée.
Niels Bohr dans son laboratoire de Copenhague au début des années 1940. © Keystone-France
Trois jours plus tard, les nazis s'attaquent comme prévu aux Juifs du Danemark, mais il est déjà trop tard. Alertés, comme Bohr, du danger imminent, ils ont été accueillis, cachés et, avec le temps, évacués par leurs compatriotes. La Suède, sous l'impulsion de Bohr lui-même, accepte de les accueillir tous. Sur les quelque 7 000 Juifs du Danemark, seuls 284 des plus faibles et des plus vulnérables furent arrêtés par les SS. Ce n'était même pas assez, remarqua un fonctionnaire nazi dépité, "pour justifier l'envoi d'un train vers le camp de concentration".
Pour que Bohr lui-même parvienne à la sécurité ultime, il devait désormais compter sur un transport baptisé l’Express de Stockholm. Malgré son nom, il ne s'agissait pas d'un train, mais d'une petite flotte d'avions bimoteurs de Havilland Mosquito non armés qui, exploités par le précurseur de British Airways, la BOAC (British Overseas Airways Corporation), affrontaient les chasseurs de nuit de la Luftwaffe pour transporter des passagers VIP entre la base RAF de Leuchars en Écosse, et l'aéroport commercial suédois de Stockholm-Bromma. Ces passagers voyageaient dans les limites très étroites de la soute à bombes, certes garnies de feutre sur toutes ses parois, d’un Mosquito.
Ce vol qui devait transporter Niels Bohr de Stockholm en Ecosse, a failli coûter la vie à Bohr come mous allons le voir. Et c'est une des performances inégalées du Mosquito qui en fut la cause. Car ce curieux paquet, un avion de guerre bombardier bimoteur transportant dans son ventre un VIP, était permis par … des roulements à billes.
Les Mosquitos de la BOAC transportaient un seul passager, quand ce n'était pas des roulements à billes, dans la soute à bombes aux parois garnies de feutre. Le passager recevait de l'oxygène, une liseuse, une couverture et une bouteille de café pour les deux heures et demie que durait un vol en moyenne. © UK Crown
Depuis 1907, la société suédoise SKF (SKF pour Svenska KullagerFabriken, littéralement la Fabrique suédoise de roulements à billes) était le leader mondial de la production de roulements à billes de qualité, ouvrant des usines au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et aux États-Unis. Mais avec l'avènement de la Seconde Guerre mondiale, l'usine de Luton, en Angleterre, bien que travaillant jour et nuit, ne pouvait plus, seule, répondre à la demande de toute l’industrie de guerre britannique.
Chaque bombardier lourd quadrimoteur Avro Lancaster destiné à la RAF nécessitait plus de 80 kg de roulements à billes et ces avions sortaient de la chaîne de production au rythme d'environ 25 unités par semaine. Mais il y avait aussi les Spitfire, les Hurricane et bien d'autres encore. La Grande-Bretagne produisait une grande variété de types d'avions, équipés d'une grande variété de moteurs différents, et tous avaient besoin de roulements à billes. Il n'y avait pas que des avions. Les chars, les véhicules blindés, les navires de guerre et les canons antiaériens avaient tous besoin de roulements à billes. En fait, très peu de pièces de machinerie militaire n'en avaient pas besoin. Le Mosquito lui-même, équipé d'un moteur Merlin, faisait aussi partie de ces machines nécessitant des roulements à billes.
Scène d'une usine de roulements à billes SKF en Suède, photographiée peu après la Seconde Guerre mondiale. © Walter Nurnberg
En 1941, les navires brtitanniques transportant des roulements à billes suédois avaient réussi pour la première fois à contourner le blocus allemand du Skagerrak (le premier détroit en venant de la mer du Nord qui relie la mer du Nord à la mer Baltique et qui sépare le Jutland danois occupé de la Norvège occupée). Cependant, dès juin 1942, la BOAC assurait des vols semi-réguliers le long de la route de près de 1300 km entre la base RAF de Leuchars et Stockholm-Bromma. Néanmoins, ce pont aérien inattendu et si important pour les services de renseignement et l'effort de guerre britannique, traversait certains des espaces aériens les plus hostiles et les mieux défendus du monde.
Pour commencer, la compagnie aérienne BOAC avait reçu des Armstrong Whitworth Whitleys hors d'usage. Lents et vulnérables, ces bombardiers obsolètes de la RAF furent assez vite remplacés par de nouveaux types d'appareils acquis aux États-Unis, des petits Lockheed Lodestars et Hudsons et un nouvel appareil bimoteur américain à grande capacité. Un avion qui venait tout juste de sortir des chaînes d’assemblage Curtiss. Cet avion, baptisé le St. Louis, était premier prototype du nouveau transport Curtiss C-46 Commando. Le C-46 était capable de transporter de lourdes charges mais en même temps il était très vulnérable à la Luftwaffe. Il en allait de même pour les Douglas DC-3 qui le remplacèrent au printemps 1943.
Le "St Louis", un Curtiss CW-20A (en fait le prototype du C-46), immatriculé G-AGDI au sein de la compagnie aérienne BOAC, est ravitaillé en carburant à Gibraltar, en 1941 ou 1942. © UK Crown
À Leuchars, la BOAC était fermement convaincue que "le Skagerrak n'est pas un endroit pour un Dakota" - une référence à la vulnérabilité du Dakota, comme le DC-3/C-47 était dénommé dans le service britannique. Mais au printemps 1943, la pression pour poursuivre les vols s'intensifia suite à la réception d’une dépêche officielle britannique par Sir Victor Mallett, l’ambassadeur britannique à Stockholm, dépêche qui disait :
"Puisque nous avons désespérément besoin d'au moins 100 tonnes de roulements, je recommande de prendre des risques comme pour toute autre opération en temps de guerre et de faire voler les avions de fret sans passagers sans tenir compte de la clarté des nuits pendant les mois d'été. Si les Allemands commencent à les abattre, cette décision pourra être reconsidérée et, au pire, nous aurons perdu un ou deux Dakota et leurs équipages".
La BOAC n'était pas du tout d'accord pour ces vols à très haut risque et, après avoir testé la possibilité d’emprunter des routes alternatives vers la Suède. La compagnie aérienne concluait cette étude par un rapport où il était écrit noir sur blanc : "ce qu'il faut, c'est un avion avec de grandes performances - vitesse, plafond plus élevé, et plus d'endurance". Et cet avion ce fut le de Havilland DH.98 Mosquito. Voyons pourquoi.
Des Mosquito B.IV du 105ème escadron de bombardement de la RAF. Cet escadron eut l’honneur d’être le premier de la RAF à mettre en service le Mosquito. Le B.IV fut le premier Mosquito à entrer en service à la BOAC et resta populaire auprès des équipages même après l'introduction du B.VI, car il était plus rapide de quelques kilomètres à l'heure. © UK Crown
Lorsqu'en 1938, alors que la perspective d'une guerre planait sur l'Europe, Geoffrey de Havilland proposa pour la première fois l'idée d'un bombardier bimoteur léger au ministère de l'Air britannique. Il y fut accueilli avec bien peu d'enthousiasme. Sans se décourager, il décida alors que son entreprise le construirait elle-même. Et si la nouvelle machine était construite en bois, il savait qu'il pourrait non seulement la mettre en production beaucoup plus rapidement qu'un modèle en métal, mais qu'il éviterait également de solliciter les réserves vitales d'aluminium nécessaires à la construction de tous les autres aéronefs militaires. Dans le plus grand secret, sur le terrain d'une demeure seigneuriale près de St. Albans, au nord de Londres, son équipe s'attela à la réalisation d'un prototype.
Ils eurent la chance, malgré le scepticisme du ministère de l'Air, de bénéficier du soutien déterminé et clairvoyant du maréchal de l'Air, responsable de la recherche, du développement et de la production de nouveaux avions pour la RAF. Impressionné, lorsqu'il était jeune pilote au sein du Royal Flying Corps (le prédécesseur de la RAF), par les performances d'un bombardier de Havilland de conception antérieure. C’est pourquoi le maréchal Freeman contourna les objections du Bomber Command à l'idée d'un bombardier non armé en commandant malgré tout 50 des nouveaux Mosquitos de la société de Havilland pour répondre à un besoin particulier de la RAF en matière d'avions-espions à haute altitude.
Propulsé par deux moteurs Rolls-Royce Merlin, le Mosquito était capable de faire l'aller-retour entre Berlin et la Suisse avec la même charge de bombes de près de 2 tonnes que celle de la Forteresse volante B-17 de Boeing, mais avec un équipage de deux personnes au lieu de 10.
À la suite d'une démonstration de vol remarquable organisée pour le général Henry Harley Arnold dit "Hap" Arnold, chef d’état-major de l'armée de l'air des États-Unis d’avril 1941 à 1946, celui-ci avait qualifié le Mosquito "d’avion exceptionnel". IL avait même insisté pour emporter un jeu des plans du Mosquito en Amérique. Trois mois plus tard, la même semaine où il entrait en service à la RAF, un Mosquito enregistra une vitesse maximale de près de 700 km/h, alors que le meilleur chasseur de la RAF, le Spitfire Mk V, plafonnait à 600 kilomètres par heure. Et tout d’un coup ce fut la ruée, tout le monde voulait des Mosquitos. Grâce à sa structure unique en bois et en colle, les usines de meubles, les ébénistes et les fabricants d'instruments de musique de toute la Grande-Bretagne purent mettre leur main-d'œuvre qualifiée en menuiserie au travail pour répondre à la demande en Mosquito.
Après être entré en service dans la RAF au sein d'une unité de reconnaissance photographique au cours de l'été 1941, le premier escadron de bombardiers reçut ses Mosquito quelques mois plus tard seulement, Les nouvelles opérations du 105ème escadron restèrent confidentielles pendant près d'un an jusqu'à ce qu'en septembre 1942, après un raid audacieux à basse altitude sur le QG de la Gestapo à Oslo, l'existence du Mosquito soit révélée au grand public. Les rapports de l’époque et les articles de presse indiquaient, dans un style enthousiaste, que le bimoteur Mosquito surpassait même la dernière version du Focke-Wulf 190 et ses "petits" 690 km/h !
C’était exactement l’avion dont la BOAC avait besoin.
Un Focke-Wulf Fw 190 de la Luftwaffe. Au milieu de l'année 1942, c’était le chasseur allemand le plus rapide en service, une menace majeure pour la RAF. © Weltbild
C’est en février 1943 que le premier appareil de la BOAC effectua le transport de roulement à billes depuis la Suède. Malgré leur camouflage vert-brun typique de la RAF peint sur leurs ailes, les Mosquitos de la BOAC néanmoins étaient bien visibles avec leur avec leur immatriculation civile peinte en lettres géantes et le logo emblématique "speedbird" de la compagnie aérienne peint sur le nez. Pour échapper à la vigilance agressive des pilotes de chasse allemands qui jalonnaient la route, les pilotes civils de la BOAC pouvaient heureusement compter sur les qualités du Mosquito.
Un seul Mosquito pouvait transporter une charge de 730 kg de roulements à billes suédois emballés dans des caisses et entreposés dans la soute à bombes de l’avion. La grande vitesse du lui permettait d'effectuer deux voire même trois vols entre Leuchars et Stockholm en une seule nuit. En juin 1943, la flotte de Mosquito de la compagnie aérienne BOAC effectua 30 voyages aller-retour pour aider à réduire le déficit en roulements à billes de la Grande-Bretagne, mais leur plus grand mérite a tenu en un seul vol qui a changé la donne de la guerre à la fin de ce même mois de juin 1943.
Peu de temps auparavant, Henry Waring et Ville Siberg étaient à St. Andrews, sur la côte est de l'Écosse, depuis près d'une semaine à attendre un vol de la BOAC pour Stockholm. Henry Waring, représentait la British Iron and Steel Corps, et son collègue, dirigeait l'usine SKF de Luton, perdaient tous deux un temps précieux. Les roulements à billes en provenance de la Suède neutre étaient fournis aux deux belligérants ennemis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne nazie sur la base du premier arrivé, premier servi ! Et ce n’était pas toujours les Britanniques qui gagnaient.
On savait à Londres que les Allemands, après le bombardement réussi par les Alliés des usines de roulements à billes de Schweinfurt, étaient sur le point de passer des commandes importantes. Par deux fois le même jour, Henry Waring téléphona à Londres pour demander que l'on agisse, mais on lui répondait que les longues et chaudes journées d'été et l'absence totale de couverture nuageuse signifiait que tenter le vol à bord du Lockheed 14 qui l'attendait paisiblement sur le tarmac de la base RAF de Leuchars serait du suicide.
Le 24 juin 1943 Henry Waring, toujours dans l’attente de son vol, prenait un bain de soleil au bord de la piscine de son hôtel lorsqu’un chauffeur de la RAF se présenta à son hôtel. Encore en maillot de bain, Henry Waring fut tout aussitôt conduit à Leuchars et informé que lui et son compagnon Siberg allaient se rendre en Suède cette nuit-là à bord de deux Mosquitos de la BOAC préparés à la hâte.
Cette même nuit, les deux hommes d'affaires atterrirent à Stockholm-Bromma quelques heures avant l'arrivée de l'équipe allemande chargée de négocier l’achat massif de roulements à billes SKF pour l’effort de guerre nazi. Les roulements à billes suédois furent ainsi tous achetés ce jour-là pour l’effort de guerre des Alliés, grâce à la vélocité des Mosquitos. Leur livraison en toute sécurité en Angleterre fut même consignée sur le manifeste de fret sous les noms de "un paquet Waring, un paquet Siberg".
Un Mosquito FB.VI de la BOAC immatriculé G-AGGD se prépare à atterrir. On aperçoit nettement l’immatriculation civile géante soulignée d’une triple bande aux couleurs britanniques peinte sur son fuselage arrière. © UK Crown
Geoffrey de Havilland a écrit un jour que "si la taille est bonne, l'avion devient très polyvalent". Mais le Mosquito avait une sorte de qualité Boucle d'or. Il pouvait tout faire. Selon la doctrine, la puissance aérienne s’exprime par le contrôle de l'air, le renseignement (la surveillance et la reconnaissance), l'attaque, et la mobilité. D'une manière générale, une force aérienne a besoin de chasseurs, d'avions de reconnaissance, de bombardiers et d'avions de transport pour accomplir ces tâches, chacune d'entre elles nécessitant généralement des appareils différents. Avant 1943, le Mosquito s’était déjà imposé comme un exemple exceptionnel d’appareil capable d’opérer les trois premières catégories. À partir de 1943, il montra pouvoir également opérer la quatrième, celle du transport militaire.
Un pilote de Mosquito, commandant de bord à la BOAC comme le montre ses épaulettes, grimpe à bord d'un FB.VI. Notez les quatre orifices de canon de 20 mm du nez de l'appareil scellés et donc non opérationnels de cet appareil "civil". On aperçoit le speedbird typique de la BOAC peint sur la petite porte du cockpit. © UK Crown
En larguant un total de près de 27 000 tonnes de bombes sur l'ennemi pendant la guerre, les Mosquitos ont subi moins de pertes par millier de sorties que n'importe quel autre appareil du Bomber Command de la RAF. Leur précision était telle qu'après la campagne de destruction des sites de lancement des bombes volantes V-1 à l'automne 1942, les archives ont montré que les équipages de Mosquito avaient besoin de moins d'un quart du tonnage de bombes pour détruire chaque cible que le bombardier lourd le plus efficace. Certaines nuits, de part et d'autre du D-Day, les chasseurs-bombardiers Mosquito détruisirent près d'un millier de véhicules motorisés allemands.
En tant que chasseurs équipés de huit canons lourdement armés, et surtout en tant que chasseurs de nuit équipés de radars, les Mosquitos ont abattu plus de 800 avions ennemis. La crainte qu'ils suscitaient au sein des pilotes de la Luftwaffe à la fin de la guerre, lorsqu'ils rôdaient autour des aérodromes allemands après la tombée de la nuit, prêts à bondir sur tout ce qui entrait ou sortait, était telle que le terme Moskitopanik fut inventé.
Au cours de missions de reconnaissance photographique, les Mosquitos ont sillonné l'Europe en toute impunité, recueillant des renseignements photographiques essentiels qui ont notamment permis de retarder la menace des missiles balistiques V-2 d'Hitler. En assumant le rôle d'avion de ligne/transport pour la BOAC entre Leuchars et Stockholm, le Mosquito est peut-être devenu la seule machine de l'histoire à combiner avec succès les quatre rôles essentiels de toute force aérienne.
Un équipage de la BOAC, tous en uniforme civil de la compagnie, avec un officier du contrôle aérien de la RAF, lui en uniforme militaire, sur la base de Leuchars avant le départ pour Stockholm. © UK Crown
Au cours des six mois qui ont suivi le vol de Waring et Viberg, les Mosquitos ont effectué 129 autres allers-retours vers la Suède et ramené plus de 100 tonnes de roulements à billes. Mais ce sont les cargaisons humaines qu'ils transportaient vers et depuis la Scandinavie qui distinguaient vraiment les pilotes civils britanniques et norvégiens et les opérateurs radio employés par la BOAC. En plus de maintenir le flux de renseignements et de personnel à destination et en provenance de la Suède, et par extension du Danemark, ils étaient également chargés de rapatrier les équipages alliés abattus, dont un grand nombre avaient été emmenés hors du Danemark vers la Suède grâce à la résistance danoise.
Le 6 octobre 1943, peu avant 6h30, à l'aéroport de Stockholm-Bromma, l'équipage du Mosquito FB.VI G-AGGG de la BOAC installe Niels Bohr dans la soute à bombes et lui explique comment utiliser l'interphone et le système d'oxygène. Ils lui disent qu'ils le préviendraient lorsqu'il devrait mettre en marche son masque à oxygène. Il reçoit des fusées éclairantes et un parachute au cas où l'avion devrait être abandonné, puis il l’enferme dans l'espace compact et claustrophobique de la petite soute du Mosquito pour les deux heures et demie du vol vers l’Ecosse.
Grimpant vers l'ouest à 15 000 pieds d'altitude en direction de l'air raréfié de ce que les alpinistes appellent la zone de la mort, à près de 25 000 pieds d'altitude, l'équipage de la BOAC est convaincu que, derrière lui, Bohr va suivre leurs instructions. Sans que les pilotes ne le sachent, le casque de vol en cuir qui contenait l’interphone ne s'adaptait pas facilement à la grosse tête du scientifique, de sorte que, le casque étant mal mis, Niels Bohr ne pouvait pas les entendre. Bohr, qui pouvait être remarquablement insensible au monde, ne comprit pas non plus comment utiliser l'oxygène.
Un Mosquito de la BOAC s'aligne pour décoller de la RAF Leuchars en Ecosse. © UK Crown
Lorsque l'opérateur radio lui demande comment il s'en sort, aucune réponse du passager dans la soute à bombes ne lui parvient. Il craint que Bohr ne se soit évanoui par manque d'oxygène. Mais jusqu'à ce que G-AGGG ait passé les puissantes mâchoires de la flak allemande situées au nord et au sud, il doit rester en altitude.
Deux heures et demie après avoir décollé de Bromma, et après avoir effectué la dernière partie du voyage en volant à basse altitude au-dessus de la mer du Nord, le Mosquito avec Niels Bohr à bord atterrit à Leuchars et roule en direction d'une foule anxieuse qui attend près de l'aérogare. Là, à leur grand soulagement, le Grand Danois, affaibli mais bien vivant, est libéré du ventre de l'avion.
Le mois suivant, Bohr s'embarqua pour l'Amérique et arriva à Los Alamos pour rejoindre le projet Manhattan au début de 1944. Comme l'écrit l'historien Alex Wellerstein, la contribution de Bohr à la construction des premiers dispositifs nucléaires fonctionnels a été importante, même si elle a été quelque peu minimisée par la suite.
Le capitaine Gilbert Rae, pilote de Mosquito de la BOAC, aux commandes de son avion. Rae perdit la vie lorsque son Mosquito s'écrasa en mer du Nord en 1944. © Getty Images
En tant que chasseur, bombardier ou avion de reconnaissance, la "Merveille de bois" de de Havilland jouit très rapidement d'une réputation quasi légendaire et devint la bête noire d'Hermann Göring et de la Luftwaffe.
La série de raids audacieux à basse altitude des Mosquitos contre des cibles précises dans toute l'Europe occupée, a captivé l'imagination du public et a inspiré le film "633 Squadron" de 1964 (NdT – Titre en français : Mission 633, où une escadrille de Mosquito attaque une usine de carburant en Norvège occupée). Ce même film sur le Mosquito a, à son tour, inspiré les attaques des X-Wing contre l'Étoile de la mort dans La Guerre des Étoiles.
Mais, aujourd'hui presque oubliée, la petite flotte de coursiers non armés de la BOAC, plus du genre Faucon Millenium qu'X-Wing, a apporté une contribution cruciale en transportant du personnel, du fret et des renseignements vitaux vers et depuis la Suède. Réalisant leur vol de nuit plus de 520 fois avant la fin de la guerre - à une occasion, début 1944, trois fois en une seule nuit - les Mosquitos non armés ont subi des pertes dues au mauvais temps et à la malchance, mais aucun d'entre eux, bien qu'attaqué à plusieurs reprises par les chasseurs de la Luftwaffe, n'a jamais été abattu.
Le prototype du Mosquito sortant, caché le plus possible, des ateliers de Havilland à l'automne 1940 en vue de son premier vol le 25 novembre 1940.
FIN
GéopAéro … Qu’est-ce donc ? Dénicher (et traduire pour vous) dans les revues internationales, surtout américaines, des articles qui montrent bien l’importance de l’élément aéronautique dans les grands problèmes de géopolitique actuels, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Bonjour chers amis,
Ah ? Voilà peut-être la réponse du berger à la bergère ?
Nous savons tous que l’USAF effectue très fréquemment des vols en mer de Chine méridionale qui ont le don de titiller (exaspérer ?) les Chinois. Mais voilà, et c’est très nouveau, que les Chinois essaient d’entrer sur le marché sud-américain des chasseurs de nouvelle génération, en Argentine très précisément. Ils y rencontrent donc de face les intérêts militaires des Etats-Unis qui considèrent cette région du monde comme leur chasse gardée. Et donc voilà les chinois qui viennent à leur tour titiller les Américains dans leur pré carré… Intéressant, non ?
Je vous ai traduit ce court et récent article paru hier dans Breaking Defense. J’ai pensé que cette information pourrait vous intéresser.
Bonne lecture !
Philippe
POUR EQUIPER L’ARMEE DE L’AIR ARGENTINE AVEC DES CHASSEURS DE NOUVELLE GENERATION, WASHINGTON ET PEKIN SE BATTENT POUR L'INFLUENCE REGIONALE
Le commandant du Southern Command de l’USAF (USAF-SOUTHCOM), le général quatre-étoiles Laura Jane Richardson, l'a clairement exprimé en déclarant que les investissements chinois dans la région signifient que Pékin veut se placer "sur la ligne des 20 yards de notre patrie".
Par Reuben Johnson, Breaking Defense, 25 septembre 2023
(NdT – L’expression "on the 20-yard line" est typiquement américaine et vient du football américain. Dans un camp, la ligne des 20 yards (approx. 20 m) marque ce qu’on appelle la "zone rouge" (red zone) qui est séparée de la ligne de marquage du but par seulement 20 yards. Toute action du camp ennemi dans cette zone est considérée comme très dangereuse pour le camp attaqué. Par extension, en jargon US dire que ceci est dans la 20-yard line, signifie qu’il y a un grand danger pour son camp. Madame Laura Jane Richardson est un général quatre étoiles de l'armée américaine qui est le commandant du United States Southern Command depuis le 29 octobre 2021).
Photo prise le 9 novembre 2022 montrant l'avion de combat Chengdu JF-17 Xiaolong ou "Dragon féroce" (Thunder pour l’OTAN), un avion d'entraînement biplace, au salon aéronautique de Zhuhai, dans la province de Guangdong, en Chine. © CFOTO via Getty Images
Ft. LAUDERDALE, Floride - La lutte d'influence mondiale entre les États-Unis et la République populaire de Chine est très discrètement arrivée jusque dans l'arrière-cour des États-Unis. En effet, Washington tente actuellement de repousser Pékin en établissant une relation militaire importante avec l'Argentine.
Comme c'est souvent le cas entre les grandes puissances, la compétition se joue sur une décision industrielle en matière de défense : Il s'agit de savoir si Buenos Aires achètera des F-16 A/B Fighting Falcons danois d'occasion ou des avions Chengdu JF-17 Thunder Block Three, la dernière version construite par la Chine.
La Fuerza Aérea Argentina (armée de l'air argentine ou FAA) avait évalué trois options pour son prochain avion de combat, dont l'une était l'avion de combat léger Tejas (LCA) construit en Inde. Toutefois, les dernières informations récoltées sur place indiquent que le LCA a été éliminé de la compétition. Selon le quotidien national La Nacion, la décision revient de fait à une équipe d'experts argentins de la défense, qui a analysé toutes les alternatives présentées pour la modernisation de leurs forces armées aériennes.
Parallèlement, de nombreux médias argentins affirment que Washington fait pression sur Buenos Aires pour qu'elle choisisse le F-16 afin d'empêcher la Chine d'étendre sa présence sur le continent américain en Amérique latine.
La crainte de voir la Chine accroître sa présence en Amérique latine n'est pas un secret. En août, le chef du commandement sud des États-Unis, le général Laura Richardson, l'a clairement exprimé en déclarant que les investissements chinois dans la région signifiaient que Pékin se trouvait "dans la ligne des 20-yard de notre territoire, ou nous pourrions dire qu'ils se trouvent sur la première et la deuxième chaîne de défense de notre territoire du fait de la proximité de cette région".
"Il n'y a pas encore de base chinoise dans cette partie du monde … pour l’instant. Mais je pense qu'avec tous ces investissements dans des infrastructures essentielles", a ajouté le général Richardson, "il est possible qu'il y en ait une un jour".
Fin juillet, il a été signalé que le DSCA avait adressé au Congrès américain une notification autorisant le transfert à l'Argentine de six F-16 Block 10 et de 32 F-16 danois Block 15, pour une valeur totale estimée à 338 millions de dollars. Bien que ces appareils danois soient des F-16A/B, des versions plus anciennes que ceux actuellement fabriqués par Lockheed Martin, ils ont tous subi une mise à niveau les configurant comme les F-16 C/D sortis en 2005 (NdT – La DSCA ou Defense Security Cooperation Agency, qui fait partie du ministère de la défense des États-Unis, fournit une assistance financière et technique pour le transfert, la formation de matériel militaire américain aux alliés, et contrôle ce que font de ces matériels les alliés une fois qu’ils les ont reçu).
Des fonctionnaires du département d'État américain ont confirmé que le transfert vers l'Argentine avait été autorisé, mais sans préciser de chiffres. Les notifications de la DSCA présentent généralement un "plafond" pour l'acquisition totale du programme sur plusieurs achats et ne représentent pas la quantité totale achetée, ce qui signifie que les chiffres rapportés peuvent ne pas être définitifs.
La Nacion écrivait en juillet, "En conséquence, tout achat d'armes implique un engagement politique avec le pays auquel ces armes sont achetées et, du même coup, avec ceux à qui cet achat tourne le dos". Selon les multiples rapports et diverses sources proches du dossier, le gouvernement argentin et les États-Unis devront résoudre de nombreux points délicats pour régler la question des F-16 à la satisfaction de tous.
Le facteur Chengdu
La motivation évidente pour inciter Buenos Aires à devenir le deuxième client sud-américain du F-16 après le Chili est de "maintenir toute présence militaire de la Chine en dehors du continent américain". Un expert militaire du département de la défense américain spécialiste du continent sud-américain qui a souhaité rester anonyme, nous a déclaré : "La raison pour laquelle l'offre américaine de F-16 fait l'objet d'une promotion si agressive est tout simplement de mettre fin à l’offre chinoise du JF-17 ".
Le JF-17 a été conçu par la Chengdu Aircraft Corporation (CAC) dans la province du Sichuan, où il a d’abord été désigné FC-1. La configuration particulière de l'entrée d'air de l'avion est le fruit d'un projet de longue date visant à créer un dérivé avancé du J-7 de la CAC qui était une copie du MiG-21 obtenue par rétro-ingénierie à l’époque qui fit son premier vol en 1966.
Deux chasseurs Chengdu J-7 des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération. © avionslegendaires.net
Dans le cadre de la coopération historique entre la Chine et le Pakistan, une ligne de production du JF-17, rebaptisé sur place "Joint Fighter", a été mise en place au Pakistan à Kamra. Sa conception finale diffère considérablement des concepts proposés à l'origine par l'utilisation d'une électronique embarquée étrangère et d'un réacteur russe, le NPO Klimov Isotov RD-93MA, au lieu du moteur chinois d’origine, le Guizhou WS-13. Le réacteur Klimov RD-93, à l’origine développée pour les JF-17 pakistanais, est une version plus puissantedérivée du réacteur RD-33 qui équipe les MiG-29. La principale différence entre les deux versions du Klimov est la boîte à engrenages qui, dans le RD-93, est repositionnée le long du bas du carénage du réacteur (NdT - Il semblerait que pour le RD-93, l’augmentation de poussée par rapport au RD-33 de base ait fait chuter la durée de vie opérationnelle du RD-93, passant des 4 000 heures pour le RD-33 à seulement 2 200 heures pour le RD-93. Cette information est contestée par les responsables pakistanais).
L'Argentine se serait vu proposer par les Chinois une vingtaine d’avions de combat Chengdu JF-17. Certains des appareils proposés seraient construits au Pakistan, mais des négociations seraient également en cours concernant le transfert de la technologie et des droits de production ce qui conduirait à ouvrir une ligne d’assemblage de Chengdu JF-17 en Argentine - une offre naturellement alléchante pour le gouvernement local.
Cependant, bien que le JF-17 soit officiellement un avion construit au Pakistan, l'ensemble du dialogue a été dominé par des interactions avec les autorités chinoises. Pas plus tard qu'en mai 2022, une délégation argentine a visité l'usine aéronautique n° 132 de Chengdu, où les premiers prototypes ont été assemblés, plutôt que la chaîne de production à grande échelle au Pakistan.
L’usine Chengdu est connue pour être la plus performante des deux principaux centres de production d'avions de combat de la Chine, l'autre étant l'usine aéronautique de Shenyang dans la région de Dongbei, au nord de la Chine. Le JF-17 "est ce qu'il est", a déclaré un ancien analyste de la défense de l'OTAN, à savoir "un chasseur léger et peu coûteux pour les pays qui n'ont pas les poches pleines".
En soi, le chasseur JF-17 ne constitue pas une menace réelle pour les États-Unis, mais cette première vente chinoise représente le proverbial "museau du chameau sous la tente", a déclaré cet expert (NdT – Le museau du chameau sous la tente, en anglais : "camel’s nose under the tent" est une métaphore en anglais américain qui peut se traduire par "mettre le doigt dans l’engrenage". Le museau du chameau sous la tente signifie une situation d’apparence insignifiante où un petit acte apparemment inoffensif qui est autorisé ouvrira la porte à des actions plus importantes et clairement indésirables plus tard). Cette vente serait un moyen pour la Chine de faire des incursions dans ce que les États-Unis considèrent comme leur pré carré. Naturellement, l'achat d'un avion chinois s'accompagnerait d'infrastructure chinoise à savoir des sous-traitants et des formateurs fournis par la Chine, tout à fait le genre de premier pas dont le général Richardson s'est inquiétée au cours de l'été.
Si le JF-17 équipe les forces aériennes argentines, ajoute l'expert, il est possible que la Chine propose ensuite un accord bon marché pour le chasseur Chengdu J-10, un autre chasseur chinois plus récent pour ces dernières versions que le JF-17 et doté d’un rayon d'action et d’une capacité d'emport bien plus importants que ceux du JF-17. Voire même, potentiellement, pour le Chengdu J-20, un modèle qui incorpore une certaine forme de furtivité et qui peut atteindre des cibles situées à près de 2000 km de sa base sans ravitaillement. Ces deux types d'appareils permettraient à la Chine d’asseoir considérablement son assise militaire dans la région.
Trois F-16 de la 96ème escadre de chasse de l’USAF se préparent au décollage sur la base aérienne de Homestead, le 3 août 2022, lors de l'exercice Golden Gecko Airmen Readiness Exercise 2023. L'exercice, qui s'est déroulé du 1er au 3 août, a permis de tester les capacités de différenets escadres de chasse américaines dans des environnements contestés, dégradés et limités sur le plan opérationnel, y compris des scénarios d'exposition chimique, biologique, radiologique et nucléaire. © Lionel Castellano, USAF
"Le véritable cauchemar pour un certain nombre de planificateurs de la défense à Washington serait qu’un pays dans l'hémisphère sud devienne un client de la Chine ce qui constituerait une base d'opération pour les dernières machines de défense et aérospatiales chinoises dans l'arrière-cour des États-Unis", a déclaré l’expert.
Une autre question à analyser est que les JF-17 acquis par le Nigeria et le Myanmar sont tous équipés du moteur russe RD-93MA, alors que l'avion proposé à l'Argentine serait équipé d'un réacteur Guzhoi WS-13 construit en Chine.
La conception du WS-13 est en cours depuis des années et, à l'instar de nombreux autres programmes de réacteurs chinois, elle a connu plusieurs revers au cours de son développement. Les stratèges américains en matière de défense s'inquiètent du fait que ce moteur équipe également le tout nouveau chasseur chinois Shenyang J-35, un avion de combat capable d’effectuer des missions aéronavales en opérant à partir de porte-avions, et qui ressemble comme deux gouttes d’eau au F-35C de l'US Navy mais dans une version biréacteur.
La première image haute résolution du Shenyang J-35, le premier chasseur naval furtif chinois de 5ème génération, circule sur les réseaux sociaux. Le premier prototype du J-35 a effectué son premier vol en octobre 2022. La photographie a été publiée via Weibo, un réseau social chinois, et montre des techniciens travaillant autour du chasseur furtif, avec un groupe assis à côté du train d'atterrissage droit. Cet appareil est le troisième prototype du J-35 - en fait le deuxième prototype volant - numéroté 350003. © Weibo
Un expert du renseignement américain nous a déclaré sous le couvert de l’anonymat : "Une vente chinoise à l'exportation incluant le réacteur WS-13 signifie exactement ce que la marine américaine ne veut pas voir se produire à ce stade. (…) Une telle vente réussie créerait la base nécessaire à l’utilisation à plus grande échelle de ce réacteur chez l’acheteur. Cela pourrait accélérer par contre coup le développement du réacteur WS-13 et donc accélérer son introduction dans les futurs chasseurs J-35 en service actif au sein des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération. Une telle chose représenterait un véritable défi naval posé par Pékin aux Etats-Unis".
Nouveau contre ancien
Si le resserrement des liens de l’Argentine avec les États-Unis que faciliterait l'acquisition des F-16 présente des avantages indéniables, il n'en reste pas moins que des difficultés subsistent si l'on veut bloquer efficacement l'offre chinoise.
L'un des problèmes est simplement l'âge des F-16 qui sont des appareils vieux de 40 ans qui ont déjà été fortement sollicités et sont donc plus difficiles à vendre par rapport à l'offre chinoise pour des avions plus récents. Un autre problème est que les États-Unis font généralement des avions un paquet et des armes et des équipements nécessaires à leur utilisation un autre, ce qui signifie que l'Argentine devrait conclure au moins deux accords différents, contrairement au JF-17, qui est censé être un paquet complet et donc unique.
La contre-proposition chinoise, suite à l’offre hautement compétitive des États-Unis, porte cette fois sur au moins 15 JF-17, tous neufs, avec la possibilité de négocier un deuxième lot et, à une date ultérieure, un troisième. Il s'agit de nouveaux avions et la Chine propose un ensemble très complet d'armements et d’équipements avec très peu de restrictions. Les conditions négatives seraient plutôt d'ordre politique en raison de la tournure internationale que prendrait une vente d’armes avec la Chine.
La Chine offre le délai de grâce habituel pour les paiements. L'avantage est qu'il n'y a pas d'argent à verser d'emblée et que l'avion pourrait rester en service bien plus longtemps que les F-16 danois qui sont des appareils d’occasion. Toutefois, les critiques pointent du doigt une précédente passation de marché pour la modernisation des systèmes radar argentins, où le matériel proposé, fabriqué en Chine, a été disqualifié "en raison de défauts de qualité", selon les rapports.
Mais outre le fait qu'elle risque de tomber dans l'un des fameux "pièges de la dette" pour lesquels Pékin est connu lorsqu'il traite avec des pays plus pauvres, l'acquisition du JF-17 pourrait donner l'impression que l'Argentine abandonne son alignement traditionnel sur les États-Unis et les pays européens. Cela pourrait créer un obstacle non néliogeable à tout futur achat de matériel américain par les Forces Aériennes Argentines. Peut-être un bon signe pour Washington, l'Argentine vient de conclure un accord pour l'acquisition de quatre avions Lockheed P-3 Orion d'occasion auprès de la Norvège.
Les États-Unis sont en train de trouver un nouvel équilibre. Les forces armées argentines ont été presque exclusivement alignées sur les États-Unis au cours du siècle dernier. Cette "intimité avec le client", comme le décrit le personnel de marketing de l'industrie de la défense américaine, donne à Washington un avantage certain dans toute vente. Mais selon le quotidien La Nacion, la contrepartie tacite à un achat de F-16 serait que Buenos Aires compterait en retour sur le soutien de Washington pour résoudre ses problèmes de remboursement de la dette auprès du Fonds monétaire international (FMI).
Un autre problème potentiellement plus délicat est le fait que le Danemark s'est également engagé à fournir des F-16 pour la défense de l'Ukraine. Au cours des deux derniers mois, le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège ont tous accepté d'envoyer certains de leurs appareils : 19 appareils de la Royal Danish Air Force (RDAF), 42 de la Royal Netherlands Air Force (RNLAF) et peut-être même 10 de la Royal Norwegian Air Force (RNoAF).
Il semble difficile de satisfaire les besoins de l'Argentine et de l'Ukraine, car le nombre total de F-16 notifiés par la DSCA pour l'Argentine, plus les 19 promis à l'Ukraine, dépasserait probablement l'inventaire disponible. Des fonctionnaires au fait des offres faites aux deux armées de l'air affirment que le Danemark allouera des appareils F-16 à la fois pour répondre à la demande de Kiev et pour fournir les F-16 de la tranche initiale faite à Buenos Aires ; on ne sait pas exactement comment tout cela se déroulera à terme.
FIN
Bonjour chers amis,
Une petite histoire comme je les aime.
Un F-35B des US Marines est devenu un avion "zombie" après que son pilote se soit éjecté.
Je vous ai traduit ce très récent et très court texte.
A propos du "Cornfiled bomber", je vous en avais parlé il y a quelque temps ici.
Bonne lecture!
Philippe
UN F-35 INTROUVABLE APRES L'EJECTION DE SON PILOTE
Un F-35B de l'USMC a semble-t-il continuer son vol en "zombie" après que son pilote se soit éjecté, ce qui fait qu'on ne sait toujours pas où l’avion se trouve.
Par Tyler Rogoway, The War Zone, 18 septembre 2023
Un F-35B des U.S. Marine Corps. © Brian Burdett, USMC
Quelque chose d’étrange a eu lieu aujourd’hui 17septembre en Caroline du Sud. Un pilote de F-35B Lightning II s'est éjecté de son avion vers 14 heures, heure locale (NdT – soit 20 h de Paris, hier), dans une zone située au nord de la base militaire de Charleston. Le pilote a atterri sans encombre en parachute dans un quartier de la ville de Charleston. Il a été transporté dans un hôpital local, où il se trouve dans un état stable, a déclaré le major Melanie Salinas, USMC. Le nom du pilote n'a pas été communiqué. Mais l’épave de l’avion furtif dont il s'est éjecté est toujours introuvable.
Le F-35B provenait de la Marine Corps Air Station Beaufort (KNBC), une base principale de F-35B pour le Corps des US Marines formellement appelé Merritt Field en l’honneur du général Lewie G. Merritt du Corps des Marines qui était un pionnier de l’aéronavale américaine.
Le F-35B est la variante à décollage court et atterrissage vertical (STOVL) de l'avion. De taille similaire à la variante A, le B sacrifie environ un tiers du volume de carburant de la variante A pour accueillir le système STOVL, le F-35B n'a pas de crochet d'appontage.
Ce F-35B faisait partie d'un vol à deux, l'autre F-35B étant retourné en toute sécurité à la base de Beaufort. À l’heure actuelle, on ne sait pas ce qui a conduit à l'éjection. D'après les informations données à la presse le sergent-chef Heather Stanton, de la base interarmées de Charleston, des recherches de l’épave sont en cours dans les régions des lacs Moultrie et Marion. Mais voici le clou du spectacle : le ministère de la défense a indiqué un peu plus tard que le F-35B avait été mis en pilote automatique par son pilote juste avant qu’il ne s’éjecte.
La région des deux lacs en question situés au nord de Charleston. © Google Maps
Bien que cela puisse paraître assez étrange, il n'est pas rare, bien que cela reste assez exceptionnel, que des avions de combat desquels le pilote s’est éjecté poursuivent leur route pendant de longues périodes dans ce que les militaires appellent "l’état zombie", et viennent même se poser et s'immobiliser au sol, intacts, longtemps après que leur pilote a quitté le cockpit. L'exemple le plus célèbre d'une telle situation est le très fameux "Cornfield Bomber", un F-106 qui en 1970 s'était posé intact sur le ventre en un seul morceau après que son pilote se soit éjecté. En 1988, un MiG-23 soviétique a volé de la Pologne à la Belgique sans son pilote, celui-ci s'étant éjecté de l'appareil peu après le décollage.
Le "Cornfield Bomber" posé intact dans un champ enneigé du Montana le 2 février 1970. Il s’agissait du Convair F-106 Delta Dart (serial n° 58-0787) du 71ème Escadron de Chasse de l’USAF. Il fut ensuite récupéré, réparé et repris le service actif jusqu’en 1986. © USAF
Un autre exemple qui s'est produit au cours d'opérations sur porte-avions est celui d'équipages qui se sont éjectés lorsque leur avion est entré en phase de décrochage à la suite d'un problème de réacteur alors qu'il était au début de sa mission, et donc lourdement chargé de carburant, de bombes et de roquette. La perte soudaine du poids de l'équipage, des sièges et de la verrière, a causé un brusque déplacement du centre de gravité qui, dans de nombreux cas, s’est traduit par un avion sans pilote qui reprenait une trajectoire parallèle à la mer évitant ainsi un crash imminent.
En ce qui concerne l’incident d’hier, même le F-35B, dont le rayon d'action est assez court (NdT - 850 km pour un F-35B contre env. 2200 km pour un F-35A), a une autonomie tout de même considérable. En pilotage automatique, il aurait pu parcourir des centaines de kilomètres avant de s'écraser, en fonction du carburant qui lui restait lors de l’éjection du pilote. Une situation similaire s'est produite en juin dernier avec un Cessna Citation qui ne répondait plus, bien que l'équipage et les passagers soient restés à bord de l'avion en détresse.
Le fait que ce F-35 "zombie" ait disparu sans qu'aucun accident n'ait été signalé par des personnes au sol indique qu'il s'est vraisemblablement écrasé dans une zone peu peuplée. S'il était tombé en panne de carburant, il n'y aurait probablement pas eu de grand incendie, ni de boule de feu massive que les gens puissent apercevoir, ni de crash et d’explosion bruyants.
S'il s'est écrasé dans l'Atlantique, il pourrait être encore plus difficile de le retrouver. Par ailleurs, la configuration de l'avion et l'opérabilité de son avionique posent problème. Les F-35 portent des réflecteurs radar très particuliers et hautement secrets lors des leurs vols d'entraînement et lors de certaines missions opérationnelles. Les appareils des US Marines emportent également sous leur aile des missiles AIM-9X Sidewinder. Si, enfin, l'avion était dans sa configuration furtive complète et ait eu des problèmes d'avionique, il aurait pu être très difficile de le suivre au radar.
De nombreux F-35B se prépare à effectuer une mission massive sur la base aérienne du corps des US Marines Merritt Field à Beaufort, Caroline du Nord. © Brittney Vella, USMC
FIN
Petite remarque: pour le TU160, j'aurais utilisé le terme "géométrie variable", voilure tournante étant plutôt utilisé pour les hélicoptères.
Merci Henry !
Phrase modifiée !
"Swing wing" m'avait posé un petit souci de traduction (mot à mot ça serait "aile battante" ou, mieux: "aile pivotante") et il faut croire que "géométrie variable" n'était pas dans ma tête à ce moment là ...
Tradutore, traditore ! c'est bien connu.
Philippe
Bonjour chers amis,
Ah ces russes et leur débrouillardise légendaire !
Vous avez peut-être déjà vu dans la presse française spécialisée comment les russes protègent leurs avions stationnés près de l’Ukraine … avec un moyen très étonnant, très "rustine" … euh rustique voulais-je dire.
Je vous ai traduit deux articles récents parus aux USA sur ce même sujet.
Cette fois ce sera deux articles pour le prix d’un !
Bonne lecture !
Philippe
PREMIER ARTICLE
LA RUSSIE UTILISE DES PNEUS POUR PROTEGER SES BOMBARDIERS DES ATTAQUES AERIENNES UKRAINIENNES
L'installation de pneus usagés sur les bombardiers russes est probablement une contre-mesure très artisanale utilisée pour contrecarrer les frappes de missiles à longue portée des ukrainiens.
Par Thomas Newdick, The War Zone, 4 septembre 2023
Image satellite des différents bombardiers russes protégés par des pneus et leur localisation sur la base aérienne Engels-2. © 2023 Planet Labs Inc
Des images satellite très récentes révèlent plus de détails sur les étranges mesures prises par la Russie dans l'espoir de protéger ses bombardiers à long rayon d'action contre les attaques ukrainiennes. Nous avons été les premiers à repérer les étranges revêtements sur deux de ces bombardiers dès la fin du mois d'août, mais on ne savait pas exactement de quoi ils étaient faits à l'époque. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer avec certitude que la Russie place des pneus usagés sur les surfaces supérieures des avions stationnés sur des aéroports proches de l’Ukraine.
Comme nous l'avons expliqué par le passé, le moment choisi pour cette opération, qui suit immédiatement l'annonce de la modification par l'Ukraine de son missile de croisière antinavire Neptune afin qu'il puisse atteindre aussi des cibles terrestres, suggère fortement que les pneus sont destinés à brouiller les systèmes de ciblage des missiles.
Les images satellite en question montrent plusieurs bombardiers sur la base aérienne d'Engels-2, à environ 500 km à l’est de la frontière ukrainienne (NdT – La base aérienne russe Engels-2 est située près des villes de Saratov et d'Engels, toutes deux sur les rives de la Volga dans l'oblast de Saratov, en Russie. Depuis 2020, tous les 16 bombardiers lourds supersoniques Tupolev Tu-160 de l'armée de l’air russe sont localisés sur cette base). Les images satellites obtenues montrent au moins cinq avions Tu-95MS Bear-H à turbopropulseurs et au moins trois avions Tu-160 Blackjack à géométrie variable, tous équipés de pneus disposés sur la partie supérieure de leur fuselage, ceux de certains Tu-95 Bear s'étendant également sur les ailes.
Ces avions, exploités par la branche "aviation à long rayon d'action" des Forces aérospatiales russes, ont joué un rôle important dans la guerre en Ukraine. En lançant des missiles de croisière contre des cibles en Ukraine, le 121ème régiment d'aviation de bombardiers lourds a déjà reçu les honneurs du président Vladimir Poutine au début du conflit, pour ce que le dirigeant russe a décrit comme "l'héroïsme [...] dont le personnel du régiment a fait preuve lors des opérations de combat".
Engels-2 est la seule base permanente de la flotte de Tu-160, qui compte environ 16 appareils. Les forces aérospatiales russes exploitent en tout une cinquantaine de bombardiers Tu-95, dont certains sont également stationnés sur d'autres bases.
Ce Tu-95MS, toujours frappé de l’étoile rouge, transporte quatre missiles de croisière Kh-101 sur cette photo datant de mai 2022. © Fighterbomber, Forces Aérospatiales Russes
Lorsque sont apparues les premières images satellites à faible résolution montrèrent des bombardiers avec un revêtement inhabituels sur leurs surfaces portantes, on ne savait pas du tout de quoi il s'agissait. L'utilisation de pneus, qu'ils proviennent de voitures, de camions ou même d'autres aéronefs, est manifestement une contre-mesure peu coûteuse et rapidement improvisée pour répondre à un problème apparemment très urgent. Cependant, l'efficacité d'une telle tactique, en fonction du système utilisé contre elle, est totalement inconnue.
L'une des premières images satellites, à basse définition, montrant un Tu-95MS sur la base d'Engels-2 avec sur ses surfaces portantes un revêtement inhabituel, très noir sur le fond argenté de l’avion. Ce n'est que plus tard que l'on a compris qu'il s'agissait de pneus. © Planet Labs Inc
Un revêtement de pneus usagés pourrait bien être calculé pour briser la signature infrarouge des avions ainsi recouverts, afin de brouiller les missiles de croisière ennemis qui utilisent la correspondance d'images pour leur ciblage. Cette technique de comparaison par le missile attaquant d’images observées sur la cible avec des images en mémoire est appelée DSMAC (Digital Scene Matching Area Correlator) ou ATR (Automated Target Recognition) lorsqu'elle est utilisée par les missiles de croisière (NdT – DSMAC = corrélateur de zones de cartographie numérique. Le DSMAC est de nos jours fréquemment employé afin de pouvoir effectuer une attaque terminale de grande précision).
Comme nous l'avons vu précédemment, l'utilisation de la technique DSMAC/ATR conférerait aux versions terrestres des missiles Neptune fabriqués en Ukraine un avantage considérable, en les rendant largement insensibles au brouillage électronique des contre-mesures russes. Dans le même temps, leur approche de la cible n'impliquerait aucune émission de radiofréquences, très révélatrice, grâce à la nature passive de ce ciblage basé sur des informations préenregistrées dans la mémoire du missile.
Un responsable de la défense ukrainienne a confirmé que Kiev avait bien modifié les missiles antinavires Neptune pour qu'ils puissent aussi frapper des cibles terrestres. © Ministère de la défense ukrainien
Un responsable ukrainien nous a confirmé que le Neptune dans sa version d’attaque terrestre utilise un système de guidage GPS développé localement pour amener le missile à un endroit prédéterminé. Le missile utilise ensuite un autodirecteur à imagerie infrarouge pour rechercher et verrouiller une cible sur la base d'images préchargées. En règle générale, si les missiles utilisant cette forme de guidage terminal ne parviennent pas à faire correspondre la cible à ce qui se trouve dans leur banque de données, ils interrompent leur attaque. La rupture de la silhouette infrarouge de la cible en disposant des pneus usagés à sa surface est un moyen d'y parvenir.
Les missiles de croisière Storm Shadow et SCALP-EG donnés par l'Ukraine utilisent également ce type de guidage terminal, mais il est interdit à Kiev de les utiliser pour attaquer des cibles à l'intérieur des frontières russes. Un Storm Shadow qui s'est écrasé ou qui a été abattu en Russie dans un état relativement intact a été recueilli et envoyé pour l'exploitation de renseignements, son autodirecteur étant d'un grand intérêt pour les Russes.
Eléments quasi-intacts d'un missile de croisière Storm Shadow, abattu ou ayant dysfonctionné, sa en cours de récupération par les Russes. © X (Twitter)
Il est possible que les pneus usagés posés à la surface des bombardiers russes sur des bases aériennes à distance d’attaques ukrainiennes aient une autre fonction, même si la mise en échec des ciblages DSMAC/ATR des missiles semble la plus probable pour l'instant. Ainsi, la forte modification de la signature infrarouge du bombardier parqué induite par ces pneus est précisément ce qui permettrait de déjouer les dispositifs autodirecteur des missiles attaquants. Il est également possible que des drones ukrainiens à longue portée commencent à utiliser une capacité d'autoguidage DSMAC/ATR similaire, mais rien ne le prouve pour l'instant.
Il est particulièrement frappant de constater que l'apparition de ces pneus coïncide avec la première utilisation d'un missile ukrainien Neptune à capacité d'attaque terrestre contre un objectif militaire russe. Après tout, la base d’Engels-2 avait déjà fait l'objet d'attaques répétées et plus ou moins réussies de drones ukrainiens à longue portée relativement basiques dans le passé, mais à l’époque aucun pneus n’étaient apparus sur les avions parqués.
Il existe également un précédent notable pour ce type de contre-mesure déjà employé par les russes. À peu près au moment où l'Ukraine a commencé à utiliser le Storm Shadow, nous avons observé que les nouvelles peintures appliquées aux navires de guerre de la flotte de la mer Noire étaient très probablement destinées à confondre les systèmes de reconnaissance automatique des cibles de ce missile. En noircissant de grandes parties du navire avec une peinture spécifiquement formulée pour la suppression des infrarouges, la silhouette du navire était brisée et l'algorithme de correspondance d'image embarqué du missile attaquant ne pouvait plus procéder à une identification positive - c'était du moins l'idée. D'autres missiles susceptibles d'être acheminés vers l'Ukraine par l'intermédiaire de l'OTAN utilisent également cette même capacité de ciblage DSMAC/ATR.
Pour l'Ukraine, les bombardiers stationnés à Engels-2 constituent une cible hautement prioritaire pour l'attaque terrestre de missiles ukrainiens Neptune, dont le développement a été stimulé par les restrictions occidentales sur l'utilisation des armes données contre des cibles à l'extérieur des frontières ukrainiennes.
La première utilisation du missile Neptune modifié a toutefois eu lieu contre une cible plus proche de l'Ukraine, avec la frappe réussie du 23 août dernier sur un système de défense aérienne russe S-400 en Crimée occupée par la Russie. Le même responsable de la défense ukrainienne qui avait rendu publique les détails de cette frappe en Crimée occupée également déclaré qu'il était prévu de frapper Moscou et d'autres cibles à l'intérieur de la Russie à l'aide de la version terrestre du Neptune.
Pour atteindre des cibles plus éloignées, il faudra toutefois apporter des modifications supplémentaires, le Neptune d'attaque terrestre initial étant censé avoir une portée d'environ 400 kilomètres. Si ces chiffres sont exacts, la base Engels-2 ne serait à sa portée que moyennant quelques modifications. Il s'agirait de réduire la taille de l'ogive et d'ajouter du carburant, afin d'accroître son rayon d'action. Il s'agit d'une pratique courante pour l'évolution des variantes de missiles de croisière. Et en ce qui concerne la destruction d’avions parqués sur un tarmac, une ogive plus petite n'est pas un problème.
Quoi qu'il en soit, l'apparition de cette nouvelle version du Neptune pose un sérieux problème aux forces armées russes, car de nombreuses cibles potentielles se trouvent à sa portée. Il n’est donc pas si étonnant que l'une des premières réponses visibles face à cette nouvelle menace soit ces pneus usagés disposés sur les bombardiers de la base Engels-. Et il ne serait pas surprenant que la même mesure soit prise sur d'autres bases aériennes à portée des frappes ukrainiennes. Si les drones ukrainiens acquièrent une capacité de ciblage autonome similaire, il s'agira d'une menace supplémentaire à laquelle les Russes devront faire face.
Enfin, il y a les incidences opérationnelles de cette contre-mesure improvisée. Ces pneus doivent être retirés avant le vol et remis en place après, ce qui prend plus de temps qu'il n'y paraît. Ils constituent également une énorme source de carburant pour tout incendie qu'un drone, même de petite taille, déclencherait lors d'une attaque qui, sans ces pneus hautement inflammables, ne détruirait peut-être pas l'aéronef visé.
Sans autre forme de défense que celles déjà en place, les pneus sont probablement considérés comme une nuisance nécessaire, car la flotte de bombardiers stratégiques de la Russie est une ressource précieuse et limitée, essentielle à la dissuasion stratégique de la Russie et à son "opération militaire spéciale" en Ukraine, qui dure maintenant depuis un an et demi.
FIN
SECOND ARTICLE
UN CHASSEUR D'ASSAUT RUSSE SU-34 RECOUVERT DE PNEUS
Une image diffusée sur les médias sociaux montre un chasseur russe Su-34 Fullback recouvert de pneus, comme ce qui a été récemment vu sur des bombardiers.
Par Howrad Altman et Tyler Rogoway, The War Zone, 8 septembre 2023
Le Su-34 Fullback recouvert de pneus photographié probablement le 7 ou le 8 septembre dernier. © Fighterbomber, Forces Aérospatiales Russes
Une nouvelle photo montrant un avion russe recouvert de pneus a été rendu publique hier, cette fois sur un chasseur-bombardier Su-34 Fullback. La photo, qui n'est pas datée, a été postée aujourd’hui vendredi 8 septembre par l'influent canal Fighterbomber des Forces aérospatiales russes sur Telegram. Jusqu'à présent, nous n'avions vu que des bombardiers russes équipés de cette étrange contre-mesure sur des images satellites prises par la société privée américaine Planet Labs Inc.
L'image montre donc un Fullback dont les ailes et le fuselage sont recouvert de pneus jusqu'à la vitre du cockpit. On peut même en voir entourant les extrémités des nacelles de guerre électronique en bout d'aile. Cette image est la première rendue publique à montrer l'un des avions tactiques russes ainsi décoré.
Nous ne connaissons toujours pas la provenance exacte de l'image, qui a depuis été retirée du canal Telegram de Fighterbomber et n’est donc plus accessible. Fighterbomber n'a pas précisé d'où provenait l'image, mais nous avons obtenu de la société Planet Labs une image satellite du 6 septembre dernier montrant un Su-34 Fullback stationné sur la base aérienne de Voronej-Malshevo, dans l’oblast de la ville éponyme dans le sud de la Russie. L'avion porte également la même couleur gris foncé que l’appareil vu sur la photo. La base aérienne de Voronej-Malshevo abrite principalement des Su-34, des Su-30/Su-35 et des Su-24, entre autres (NdT – La base fait partie du district militaire russe de l’ouest et dépend de la 6ème armée aérienne, la fameuse Bannière rouge de l'armée de l'air et de la défense aérienne de Leningrad, basée à Saint-Pétersbourg. Outre Voronej-Malshevo, la base est également connue sous les noms de Voronej-Sud Ouest, et, plus surprenant, de Baltimore). Cette base se trouve à environ 160 km de la frontière ukrainienne et constitue une installation clé pour la composante aérienne des opérations militaires russes en Ukraine.
Image satellite récente de la base aérienne de Voronej Malshevo dans le sud de la Russie. © 2023 Planet Labs Inc
Le Su-34 en question se trouve dans un coin reculé de la base aérienne de Voronej Malshevo. Il semble bien que, lorsque l'image satellite a été prise, d'autres Su-34 stationnés dans le même endroit de la base ayant la même livrée apparaissent beaucoup plus clairs et homogènes sur l’image. Un seul, celui le plus à droite, apparaît comme très sombre. Il semble que les pneus étaient déjà présents sur ce Su-34 lorsque l'image satellite a été prise. © 2023 Planet Labs Inc
Nous avons récemment mis en ligne (NdT - Dans l'article précédent) des images satellite à haute résolution montrant des bombardiers russes Tu-95MS Bear et des bombardiers stratégiques à voilure tournante Tu-160 Blackjack, recouverts de pneus usagés d'une manière identique à ce que l'on peut voir sur la photo publiée hier du Fullback. Nous avons récemment obtenus des photos d'images satellite à haute définition de la même base, prises à la même époque.
Gros plan de l’image satellite haute définition d'un bombardier russe Tu-95 Bear avec des pneus sur les ailes et le haut du fuselage central sur la base aérienne d'Engels-2, pris le 28 août dernier. © 2023 Maxar Technologies
Un autre gros plan d'un bombardier russe Tu-95 Bear équipé de la même façon avec des pneus sur les ailes et le haut du fuselage central à la base aérienne d'Engels-2, pris le même jour. © Maxar Technologies
Selon Fighterbomber, les pneus posés sur le Fullback s'inscrivent dans une tendance croissante, née de l’urgente nécessité de protéger à tout prix les avions russes en l'absence d'abris bétonnés.
"D'une manière générale, une campagne a été lancée dans tout le pays", a déclaré Fighterbomber. "Il est clair que tout cela n'est pas de bonne guerre, et c'est apparemment la seule option pour faire quelque chose rapidement et sans extorsion de fonds de la part du personnel".
La Russie devrait sans doute lancer immédiatement une campagne de construction d'abris légers ou d'auvents pour les avions tactiques prêts au combat sur les bases les plus proches de l'Ukraine.
Fighterbomber n'explique pas la raison d'être des pneus placés sur le Fullback vu dans la photo qu'il a postée, ni même de ceux vus dans les images précédentes. Cependant, son appel à des abris légers ou à des auvents plutôt qu'à des structures renforcées semble ajouter de la crédibilité à notre analyse précédente selon laquelle les pneus ont été placés sur les avions non pas pour assurer une protection cinétique, mais pour brouiller les détecteurs des armes attaquantes.
Une couverture de pneus pourrait bien être calculée pour briser la signature infrarouge de ces avions, afin de confondre les missiles de croisière qui utilisent la correspondance d'image pour le ciblage. Comme nous l'avons vu précédemment, l'utilisation de la technique DSMAC/ATR conférerait aux versions terrestres des missiles Neptune fabriqués en Ukraine un avantage considérable, en les rendant largement insensibles au brouillage de la guerre électronique. Dans le même temps, leur approche de la cible n'impliquerait aucune émission de radiofréquences révélatrice, grâce à la nature passive du ciblage.
On sait également que les pneus dégradent la surveillance par radar à synthèse d'ouverture qui peut voir le terrain survolé à travers les nuages, ce qui permet un ciblage par tous les temps, de jour comme de nuit. Les pneus pourraient également empêcher les armes équipées de détecteurs radar de trouver leurs cibles, bien que nous n'ayons pas connaissance d'une munition ukrainienne à distance qui utilise ce concept de guidage terminal. Cela n'a pas empêché la Russie de déployer des contre-mesures simples pour ce type de système. En fait, c'est exactement ce qu'elle a fait à une échelle relativement large pour protéger le pont de Kertch entre la Russie continentale et la Crimée avec des navires échoués équipés de surfaces réfléchissantes.
L’étude par imagerie SAR (radar à synthèse d’ouverture) de bombardiers présents sur la base d’Engels-2 le 5 septembre dernier. Le système SATI a détecté des changements inhabituels dans les signatures SAR des bombardiers TU-95 et TU-160 à l'aide de l’intelligence artificielle (comme on peut très bien le voir dans l(image en bas à droite). Les caractéristiques des réflexions des signaux enregistrés ne correspondent pas à la géométrie et à la composition matérielle connues de l'avion. © SATIM Inc
S'il est possible que les pneus aient également l'avantage apparent d'offrir une protection contre les attaques de drones, il est très peu probable que ce soit le cas. Non seulement parce qu'ils constituent une couverture littéralement trouée (un pneu est un cercle épais mais n’est pas un disque), mais aussi parce qu'il est peu probable qu'ils arrêtent une attaque purement cinétique, sans compter qu'ils représentent un danger car étant extrêmement inflammable. Même des fusées éclairantes représenteraient un risque pour ces avions avec cette contre-mesure en place.
Un chasseur-bombardier biplace Su-34 à l'atterrissage. © Ministère de la défense russe
Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas sur le chasseur-bombardier Su-34 vu sur la photo trop vite disparue des réseaux sociaux. Il pourrait s'agir d'un appareil ayant servi à tester cette contre-mesure avant son déploiement plus large. Il pourrait même s'agir d'une sorte de gag pour les réseaux sociaux, surfer sur la vague des pneus, mais cela semble peu probable. Sur la photo, on voit bien que l’une des deux tuyères des réacteurs du Su-34 est manquante (celle de droite). Il est donc possible qu'il fasse l'objet d'une maintenance prolongée ou qu'il soit confronté à d'autres problèmes technologiques.
Une certaine confusion a régné quant à la raison pour laquelle certains des bombardiers chargés de pneus figurant sur les images de la base aérienne d'Engels-2 sont dépourvus de moteur, ce qui s'explique en grande partie par le fait que la doctrine russe en matière de maintenance est très différente de celle de l'Occident. Le plus remarquable est l'absence quasi-totale de hangars, l'essentiel de la maintenance s'effectuant directement sur l'aire de trafic.
Fighterbomber a inexplicablement supprimé très vite l'image de ce Su-34 de son flux et l'a remplacée par une image montrant des bombardiers de la base aérienne d'Engels, en Russie, recouverts de pneus.
Dans l'ensemble, les Su-34 Fullbacks russes ont payé un lourd tribut pendant la guerre avec l’Ukraine, principalement dans les airs. Depuis le début de la guerre, la Russie a perdu au moins 20 Fullback, selon le site Oryx. Ce chiffre est probablement plus élevé, car le groupe ne comptabilise que les aéronefs pour lesquels il dispose d'une confirmation visuelle. Les opérations à cadence élevée et les pressions exercées sur la chaîne d'approvisionnement de la Russie en raison des lourdes sanctions ont certainement eu un impact significatif sur l'état de préparation de la flotte. Selon le Royal United Services Institute (RUSI), la Russie comptait 130 Su-34M dans son inventaire avant février 2022.
Nous devrons maintenant attendre de voir si d'autres moyens d'aviation tactique recevront le même traitement. Mais une chose est sûre. Alors que l'Ukraine renforce son arsenal d'armes de frappe à longue portée de fabrication maison, la Russie se trouve dans l'obligation de protéger ses forces aériennes basées sur son propre territoire par tous les moyens, même de simples pneus, et de toute urgence.
FIN
Bonjour tout le monde !
Collision eu sol entre un bimoteur et un hélicoptère.
Un accident qui est resté de côté s’est passé il y a quelques jours sur l’aéroport Rémy de Haenen sur l’île paradisiaque (et très blingbling) de Saint-Barthélémy dans les Antilles.
Voici les faits :
Le mercredi 23 aout 2023 à 11h42 (heure locale, 17h42 heure de Paris), le DHC-6 Twin Otter F-OMYS de la société Air Antilles (vol 3S 722 en provenance de Pointe-à-Pitre) atterrissait sur la piste 28 de l’aéroport de St-Barth lorsque, tout à coup, il a viré sur la gauche, quitté la piste, roulé sur l’herbe et a atteint encore à grande vitesse le tarmac des hélicoptères où il a heurté violemment un hélicoptère AS350 Ecureuil de la compagnie West Indies garé là.
Heureusement, personne ne se trouvait dans l’hélicoptère garé là, et sur les 8 personnes à bord du Twin Otter (2 pilotes et 6 passagers), une passagère a été légèrement blessée lors du choc de la collision.
Les dégâts matériels occasionnés par la collision sont considérables. L’aile gauche de l’avion a été arrachée, le moteur gauche s’est planté dans l’herbe mais est resté positionné sur son aile, et l’hélicoptère a été renversé sur son côté gauche avec des pales cassées et beaucoup de tôles froissées.
Il y a des photos et une vidéo en direct de l’accident prise par la webcam qui enregistre en permanence ce qui se passe sur le tarmac des hélicoptères.
Je vous les livre … Les causes précises de cet accident sont encore pour le moment inconnues. Le pilote du Twin Otter aurait déclaré que son train gauche s’était brusquement bloqué lors du roulage à l’atterrissage, ce qui expliquerait la sortie de piste sur la gauche. En attendant le rapport du BEA …
Du fait de cet accident, Air Antilles n’assurera plus les dessertes habituelles entre l’île et la Guadeloupe. Une mauvaise nouvelle pour les voyageurs, mais aussi pour la compagnie aérienne qui connaît actuellement de sérieuses difficultés. Cette décision a été prise par la collectivité territoriale et les services de la direction de l’aviation civile.
La société mère Compagnie Aérienne Interrégionale Express (CAIRE), qui exploite Air Antilles, rencontre de nombreuses difficultés et a été placée en liquidation judiciaire le 2 août dernier. Sa seule chance de poursuivre son activité est de voir un repreneur se positionner.
Du côté des voyageurs, la fin des vols directs d’Air Antilles entre les deux îles pose un gros problème. Désormais, il leur faudra prendre un vol de la Guadeloupe à Saint-Martin puis rallier Saint-Barthélémy soit par avion, soit par la mer.
À bientôt !
Philippe
Vidéo YouTube – Durée 1 min 10
Le DHC-6 -400 accidenté. © Air Antilles
L'aéroport de Saint-Barthélemy avec son apron réservé aux hélicoptères et la piste 28 où a atterri le Twin-Otter accidenté.
La disposition des aprons et de la piste 28 d'où le Twin-Otter a subitement viré à gauche alors qu'il avait encore de la vitesse.
Des photos des deux appareils accidentés. Le choc a été très violent.
L’Archéologie Aéronautique ? Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... ici dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 100 ans (et plus), pour dénicher des choses intéressantes à raconter. Espérons-le !
Bonjour chers amis,
Le bombardier Valkyrie ! Tout un programme, n’est-ce-pas … quelle beauté que cet avion de près de 60 mètres de long, effilé comme un cayon, de près de 200 tonnes qui a volé à près de 4000 km/h … Mais voilà, conçu à partir d’un programme de l’USAF de 1955 (le General Operational Requirement N° 38 pour un nouveau bombardier lourd combinant la capacité d’emport et le rayon d’action du B-52 avec la vitesse maximale du B-58 Hustler à savoir Mach 2), le prototype du Valkyrie est arrivé trop tard. Entre temps l’armée américaine avait en sa possession les missiles balistiques intercontinentaux Minuteman. Un bombardier lourd supersonique n’était plus à l’ordre du jour et le Valkyrie tomba dans les oubliettes. Deux prototypes furent construits. Le troisième Valkyrie fut ferraillé alors qu’il était encore en cours d’assemblage.
Pour les illustrations, j’ai repris les illustrations originales de l’article mais je les ai détaillées en plus gros plan, module par module, de sorte qu’elles soient plus intelligibles. Cela fait sans doute beaucoup d’illustrations mais c’était plus facile pour la traduction des textes explicatifs accompagnant les illustrations originales. Sans compter que cela permet d’avoir un très bon aperçu sur le style si typique des illustrations de l’industrie aéronautique américaine des années 1960. Un régal.
Je tiens le fichier pdf du document de l’AFMC sur le B-70 à votre disposition. Vous pouvez me le demander si vous souhaitez y jeter un coup d’œil. Attention, il est en anglais.
J’ai pensé que ce texte sur le seul bombardier lourd supersonique capable d’atteindre Mach 3 de l’histoire (avec un autre collègue, soviétique celui-là) pourrait vous intéresser.
Bonne lecture !
Philippe
Les deux prototypes du XB-70 Valkyrie (les deux seuls appareils construits) sur le tarmac de l’aéroport de Palmdale en Californie vers 1965.
L’ AFMC ou Commandement du Matériel de l’Armée de l’Air US est basé à la base aérienne de Wright-Patterson, dans l'Ohio. L’AFMC gère les installations et le soutien aux missions, la découverte et le développement, les essais et l'évaluation, ainsi que les services de gestion du cycle de vie et le soutien pour tous les principaux systèmes d'armement de l'USAF. L'AFMC emploie près de 86 000 militaires et civils et gère un budget annuel de 71 milliards de dollars. (https://www.afmc.af.mil/).
Blason du bureau Histoire d l’AFMC.
VOICI TOUTES LES VARIANTES PROPOSEES DU BOMBARDIER SUPERSONIQUE XB-70 VALKYRIE
Les différentes adaptations envisagées du XB-70 étaient un véritable méli-mélo d’avion de reconnaissance, d’avion ravitailleurs, d’avion de transport commercial (passagers et fret), et même de vaisseaux-mères pour lancer des véhicules hypersoniques et même des engins spatiaux.
Par Joseph Trevithick, The War Zone, 27 novembre 2020
Le bombardier supersonique XB-70 Valkyrie de l'armée de l'air américaine, conçu et construit par North American Aviation, occupe une place de choix dans les histoires sur les avions militaires perfectionnés qui n'ont jamais été mis en service et sur ce qui aurait pu se passer s'il l'avait été. En novembre 2020, l'USAF a publié une étude fascinante sur les variantes qui avaient été envisagées à l‘époque pour le XB-70. On avait un B-70 de reconnaissance supersonique, ou un ravitailleur aérien, un transporteur supersonique et même un vaisseau mère pour le lancement de missiles balistiques Minuteman ou de véhicules d'essai hypersoniques et, enfin, un B-70 transformé pour envoyer des charges utiles dans l'espace … Voyons tout cela.
Le bureau "Histoire" de l'Air Force Material Command de l’USAF (ou AFMC) a publié le 23 novembre 2020 un document intitulé "NAA B-70 Valkyrie Variants : A Future That Never Was..." (NdT – Traduction du titre : "Les variants du NAA B-70 Valkyrie : Un futur qui n’a jamais été…"). Ce bureau publie régulièrement des ouvrages qui donnent un aperçu plus approfondi des développements passés de l'aviation militaire et d'autres sujets historiques.
Couverture du document de 20 pages du bureau Histoire de l’AFMC sur le B-70 Valkyrie, édité par Tony R Landis, archiviste. On voit très bien la manœuvre des extrémités d’aile qui, lors du vol supersonique, se pliaient vers le bas pour enserrer l’onde de choc supersonique générée par l’avion et ainsi l’utiliser pour augmenter la portance. © USAF
"Comme les voitures volantes, les colonies humaines sur Mars et tant d'autres idées futuristes, la vision de l'avenir des années 1950 était remplie d'idées grandioses qui commencent tout juste à se concrétiser", explique la monographie historique de l’AFMC en guise d'introduction. "Comme on pouvait s'y attendre, les ingénieurs aéronautiques de l'époque avaient des visions similaires lorsqu'ils ont commencé à sortir leurs idées de leur esprit, à les coucher sur le papier, puis à demander aux fabricants de plier l'acier et d'autres matériaux exotiques pour créer les avions du futur".
"Les ingénieurs espéraient qu'un véhicule, qu'ils considéraient comme le dernier bombardier habité, pourrait changer l'avenir des bombardements aériens", poursuit l'article. "Pourtant, la politique, l'argent et les progrès technologiques ont mis un terme au B-70 Valkyrie qui était tout de même un superbombardier à capacité nucléaire et volant à Mach 3+ et à 70 000 pieds. Ces différentes considérations écopolitiques ont tué le rêve avant même que le premier appareil de série ne sorte de l'usine d'assemblage de North American Aviation".
Certains des concepts présentés par les historiens de l'armée de l'air dans ce document avaient été mis en avant pour soutenir la mission première du B-70 en tant que plate-forme de frappe à longue portée. L'un d'entre eux est un "Alert Pod" (NdT - conteneur pour alerte) autonome qui se place sous le fuselage arrière et évite d'avoir recours à divers équipements lourds au sol pour faire démarrer l'avion avant une mission. Comme son nom l'indique, ce conteneur ventral aurait été utile pour les avions en état d'alerte à court terme ou si les Valkyries devaient être dispersés sur d'autres sites avec des moyens de soutien au sol plus limités.
Vue du dessous du second prototype du XB-70 en vol à basse vitesse depuis le cockpit d’un avion suiveur. Le dessous du fuselage est lisse et sa surface est suffisamment grande pour recevoir des conteneurs externes profilés. © USAF
L’Alert Pod (conteneur d’alerte) peut être utilisé par les équipes au sol comme une unité autonome de soutien au sol durant les déploiements opérationnels ce qui permet de se passer de l’envoi d’avions cargo de support. Image de gauche : Une nouvelle approche du soutien au sol. Un conteneur aéroporté et intégré qui permet de fournir le B-70 au sol en soutien hydraulique, électrique et pneumatique. Image de droite : Installation facile du conteneur d’alerte sous le B-70. NdT - Dans les deux images, la cartouche d’identification indique : "B-70 WS", WS ici est l’abréviation de Weapon System (système d’arme). A l’origine, le programme qui a abouti au XB-70 s’appelait "programme WS". Le XB-70 dans ses versions initiales sur papier portait ainsi le joli nom de "Appareil WS 110A".
Maquette grandeur nature du XB-70 dans un hangar de North American en attente de son inspection par les services militaires de l’USAF en mars 1959. Une maquette de l’Alert Pod (peint en jaune) est visible derrière le train principal de la maquette. © USAF
Le document de l’AFMC contient une illustration d'un B-70 équipé d'un Alert Pod et armé d'une paire de missiles balistiques Skybolt (NdT -Le programme Skybolt, qui aurait dû aboutir à un missile nucléaire aérobalistique air-sol, a été initié à la fin des années 1950 par Douglas. Ce missile Skybolt, monté sous les ailes de bombardiers lourds plutôt que lancé depuis des silos, devait être un composant important de la force mobile d'ICBM de l'USAF. Le programme fut abandonné au milieu des années 1960 au profit des missiles Minuteman). Une autre illustration montre un Valkyrie transportant pas moins de 14 "General Purpose Missiles", le modèle proposé de ces missiles GPM ressemble à un mini-B-70, il était conçu pour accueillir différents types d'ogives optimisées pour différentes cibles.
Une autre illustration montre un B-70 équipé de racks rotatifs pour son chargement de bombes. Ces racks rotatifs sont, depuis, devenus des dizaines d’années plus tard la norme de tous les bombardiers à long rayon d’action de l’USAF, du B-52 au B-2. Cette même variante du B-70, baptisée RSB-70, RSB signifiant "bombardier de reconnaissance et de frappe", aurait été également équipé de caméras intégrées lui permettant de recueillir des photographies de reconnaissance aérienne et des photographies d’évaluation des dommages causés par les bombes après avoir frappé une cible.
Etude pour des charges externes. Pénalités sur le rayon d’action. Pour un emport de 4 missiles, le rayon d’action devient 1700 km (sans ravitaillement en vol) et 2300 km (avec ravitaillement en vol), au lieu de 6900 km pour l’avion en configuration lisse. Traduction du texte de la légende : Le concept de missile à usage général (GPM ou general purpose missile) proposait d'utiliser un support commun avec différentes têtes adaptées à différentes cibles, à l'instar des armes intelligentes d'aujourd'hui. Avec pas moins de 14 de ces missiles, ce B-70 est prêt à tout.© USAF
Plan 3-vues d'un B-70 équipé d'un module d'alerte et de deux missiles Skybolt. North American avait proposé d'utiliser une finition argentée spéciale pour réduire la signature infrarouge de l'avion, comme le montre l’illustration ci-dessous nommée "Detectability evaluation". © USAF
Evaluation de la détectabilité. Section transversale de la signature radar à gauche, et émission de la signature infrarouge à droite. Les profils des émissions radar ou infrarouge sont superposées sur la silhouette du B-70 vu de dessus. Pour la peinture argentée spéciale, plus son grain (coating) est petit (à moins de 3 microns) et plus le profil infrarouge est indétectable. © USAF
Les modifications nécessaires pour transformer le B-70 en bombardier de reconnaissance et de frappe RSB-70A comprenaient l'échange des baies avioniques (à l’avant du fuselage), l'ajout de caméras de suivi des frappes et l'installation de porte-bombes rotatifs qui n’équiperont pas en standard les bombardiers américains avant au moins une décennie. North American a ainsi bénéficié de toutes les connaissances accumulées avec le XB-70 et s’en est inspirée pour produire le B-1).
Le document contient également une photo d'un modèle de soufflerie d'un B-70 équipé d'une grande voile de parapente rétractable, un dispositif que l'armée de l'air, ainsi que d'autres branches de l'armée américaine, étudiaient dans la première moitié des années 1960 comme moyen d'améliorer les capacités de décollage et d'atterrissage à courte distance de divers aéronefs. Dans le cas illustré, le parapente ressemble à un parachute en forme d'aile déployé au-dessus du B-70, qui aurait fourni une portance supplémentaire aux faibles vitesses.
Faisabilité du ravitaillement en vol supersonique. Rendez-vous. Accrochage. Contrôle. Traduction du texte de la légende. L'existence d'un ravitailleur supersonique pourrait permettre aux chasseurs et aux bombardiers à grande vitesse de ralentir pendant le ravitaillement en vol, mais le fait que deux avions se trouvent si près l'un de l'autre à une vitesse supérieure à la vitesse du son pose des problèmes liés aux ondes de choc émises par chaque avion (NdT – La vue du bas montre les maquettes de deux XB-70 dans le tunnel supersonique au Centre de Langley de la NASA à Hampton en Virginie). © USAF
Un certain nombre de propositions soumises dans les années 1960 prévoyaient l'utilisation d'une voilure de type parapente rétractable de grandes dimensions pour donner aux avions une capacité de décollage et d'atterrissage courts (STOL). Le XB-70 et le F-100 Super Sabre furent les deux avions de North American proposés pour recevoir cette modification.
L'amélioration des capacités des pays hostiles en matière de missiles sol-air antiaériens a rendu obsolète les missions de bombardement rapides et à haute altitude. Les missions de suivi du terrain à basse altitude sont devenues la nouvelle norme.
Le document couvre également un certain nombre de variantes de type non-bombardier. Certaines d'entre elles sont logiques, du moins en principe, comme la version ravitailleur, qui aurait été en mesure de ravitailler d'autres B-70, un avion qui était très gourmands en carburant pendant les missions supersoniques. Un de nos auteurs, vétéran de l'armée de l'air qui a volé sur de nombreuses variantes du C-135, y compris des avions-citernes KC-135, nous a déclaré : "Je ne suis pas sûr, cependant, de vouloir essayer le ravitaillement en vol à Mach 3 (…) N'oubliez pas que Pitch x Mach = Vertical Velocity, et donc qu'un simple éternuement pendant le ravitaillement serait catastrophique".
Des propositions ont également été faites pour le transport de passagers et de fret, y compris une version médicale "configurée pour inclure un poste d'infirmières et des lits pour 48 blessés". Cela n'est guère surprenant compte tenu de l'intérêt que suscitaient à l'époque les avions de ligne supersoniques et autres appareils similaires, qui ont finalement donné lieu à divers projets d’avions supersoniques commerciaux comme le SST de Boeing et, avec plus de succès, le Concorde franco-anglais.
Bref aperçu du B-70 comme transporteur supersonique pour 80 passagers à Mach 3 (3700 km/h). Traduction du texte de la légende. La transformation d'un B-70 en avion de transport supersonique est une solution rapide et logique pour mettre en place un SST opérationnel dans les plus brefs délais (NdT – Je pense que les chiffres du rayon d’action (range) et les autres ont été intervertis). © USAF
Le constructeur North American était tellement convaincu de pouvoir vendre une version de transport de son dernier avion supersonique que la société décida d’ajouter en toute hâte des hublots temporaires (NdT - Peints en trompe-l’œil ?) sur le prototype 1 du XB-70 lors d'une de ses grandes visites. © USAF
Un rapport de l'USAF à l’époque sur le transport supersonique incluait cette illustration d'un "C-70" (et non plus B-70) aux couleurs du MATS (Military Air Transport Service). © USAF
Panneau "Personnel Transport". Les sièges en configuration standard 2-2 puis 2-1 à l’arrière de la cabine du nouveau transport supersonique Valkyrie pourraient accueillir 80 passagers, tandis que l'offre haute densité ajoutait 27 sièges supplémentaires dans un espace devenu quelque peu exigu (NdT – Le fait que le titre de cette illustration soit "Personnel Transport" indique qu’il s’agit ici encore d’une version militaire et pas commerciale). Panneau "Evacuation Mission". En cas d'urgence médicale l'avion de transport Valkyrie peut être configuré pour inclure un poste d'infirmières ainsi que des brancards pour 48 blessés. © USAF
Modification de l’avion. Version B-70 en haut. Version SST (Super Sonic Transport) en bas. Compartiment avionique réduit dans le SST par rapport au B-70. Carburant emporté réduit par rapport au B-70. Le profil du haut du fuselage arrière est modifié par rapport au B-70. Le fuselage avant a un diamètre augmenté par rapport au B-70. Un compartiment de fret équipé avec un sas sous le fuselage équipé d’un système d’ascenseur pour le charger et le décharger est inclus dans le STT. Les modifications apportées dans l'avion de transport C-70 comprenaient un fuselage arrière supérieur modifié, l'élargissement du fuselage, une porte cargo inférieure et l'ajout de sièges au prix d'une réduction de la charge de carburant. © USAF
Les historiens de l'AFMC notent (NdT – En toute logique) qu'il n'est pas certain que la technologie de l'époque aurait permis de rentabiliser la transformation du B-70 en avion de transport. "Dans le but de vendre une variante purement cargo, les ingénieurs ont véritablement embelli leurs résultats en tentant de démontrer que la capacité de chargement de leur transport supersonique était égale, voire supérieure, à celle de transports plus importants tels que le C-133 ou le KC-135", indique le document. "Le chargement du fret par un nez pivotant semblable à celui du Lockheed C-5 ou du Super Guppy, ou l'utilisation de portes d'accès sur le dessous et sur les côtés du fuselage n'étaient que quelques-uns des problèmes à surmonter. L'utilisation d'un conteneur externe détachable (NdT – Analogue à l’Alert Pod militaire vu plus haut mais de bien plus grande dimension) est apparue comme la solution la plus logique."
Chargement du fret. Système de roulement au sol. Plancher (avec roulements) capable d’être descendu au niveau des camions de chargement. © USAF
Comparaison de la charge en palettes du B-70 version fret et de deux avions cargo en usage à l’USAF à l’époque : le quadrimoteur Douglas C-133 Cargomaster et le quadriréacteur Boeing C-135 Stratolifter (NdT – À cette époque, les conteneurs standardisés pour le fret n’existaient pas encore. Cependant, depuis la guerre de Corée, l’armée américaine utilisait un conteneur standard, la boîte Conex. Mais avec ses 2,45 m de haut elle ne pouvait pas être installée à bord d’un C-70 avec ses 1m98 de hauteur au plus large du fuselage …). Le C-133 charge 9 palettes de 2m10 sur 3 m. Le C-135 charge 13 palettes de 1m50 sur 2m10. Le SST Valkyrie est proposé ici comme pouvant accueillir jusqu’à 20 palettes de 2m10 sur 3 m (soit 7 de plus que le C-135). © USAF
Illustration des différents concepts de chargement du Valkyrie version fret : avec un nez basculant sur le côté, par une rampe ventrale située à l’avant ou par une porte latérale. © USAF
Etude pour un chargement amélioré du Valkyrie version fret. Nez basculant vers le haut (NdT - comme sur le C-5 Galaxy). Conteneur cargo externe détachable. © USAF
Le document de l’AFMC indique également que le B-70 a été proposé comme banc d'essai volant de moteurs pour soutenir le développement d'autres transports supersoniques ou d'autres conceptions avancées. Un graphique montre comment différents types de moteurs auraient pu être montés dans la soute à bombes, depuis les statoréacteurs et les pulsoréacteurs jusqu'aux réacteurs solaires, ioniques et même aux réacteurs à propulsion nucléaire.
Traduction du titre : Le B-70, un banc d'essai américain pour la recherche sur les SST. © USAF
Au début des années 1960, la création d'un transport supersonique (SST) est devenue une priorité pour de nombreux pays, dont les États-Unis. L'utilisation du XB-70 comme banc d'essai pour étudier et mettre au point les technologies nécessaires à un tel effort a fait des États-Unis un précurseur dans le développement d'un SST réellement opérationnel. Traduction du texte de l’image du haut. Modification du B-70 pour en faire un banc d’essai de réacteurs. La nacelle d’installation du réacteur à tester, qui prend la place de deux des six réacteurs du B-70 avec un dispositif rétractable pour entrer le réacteur lors des décollages et atterrissages et le sortir sous le B-70 en vol. Traduction du texte de l’image du bas. Essai en vol du moteur SST. Objectifs. Documenter les performances dans l'environnement aérien. Poser et résoudre les problèmes opérationnels (en vol supersonique).
Démontrer la fiabilité et la durabilité (du réacteur testé). Démontrer l’intégrité structurelle du réacteur testé en poussée (lors du en vol supersonique). Effectuer la qualification du réacteur SST en vol supersonique. Dupliquer les profils des missions SST. Démontrer en vol supersonique la capacité du réacteur testé à redémarrer. Programme nécessaire. 100 heures en vol supersonique. Caractéristiques du réacteur testé : 50 000 lbs SLS thrust correspond à environ 22 ½ tonnes de poussée. En revanche, SLS est une abréviation que je ne comprends pas … SLS pour moi, c’est le Space Launch System.
Lorsque les États-Unis abandonnèrent l'idée de produire un SST, les ingénieurs modifièrent leurs plans en proposant d’utiliser un XB-70 comme banc d'essai de propulsion pour tous les types de moteurs et d'entrées d'air. Traduction du texte de l’image du haut. Banc d'essai moteur et utilisation de la baie d'armement du B-70 pour y placer les entrées d’air à tester, pour des entrées d’air à géométrie tridimensionnelle ou à géométrie bidimensionnelle Programme. 100 heures en vol (supersonique). Objectifs. Démontrer la compatibilité entre les entrées d’air testées et les réacteurs. Essai en vol du moteur dans un environnement opérationnel. Démontrer la capacité de redémarrage en vol supersonique. Définir et résoudre les problèmes de fonctionnement, par exemple l'angle d'attaque, etc. Taille du moteur acceptable. Débit d'air 550-600 lbs/sec. Traduction du texte de l’image du bas. Essais de propulsion et simulation spatiale en vol. Réacteur nucléaire. Turboréacteur. Statoréacteur. Réacteur à jet pulsé. Moteur fusée. Moteur solaire. Moteur ionique. Essais en conditions supersoniques et en vol des moteurs expérimentaux.
Le document de l’AFMC couvre également un certain nombre de propositions de variants du B-70 encore plus radicales qui visaient à le transformer en vaisseau mère pour le lancement de différents types de charges utiles à l'intérieur des soutes à bombes modifiées, sous le fuselage derrière des carénages spécialisés, sur le dessus du fuselage ou sous les ailes. L'un de ces concepts ne prévoyait rien de moins que de transformer le bombardier en plate-forme de lancement aéroportée pour le missile balistique intercontinental Minuteman (ICBM).
Outre les silos de lancement renforcés équipés de l'ICBM Minuteman II, le fait de disposer d'une flotte de missiles identiques mais mobiles en état d'alerte à bord d'un avion de lancement à Mach 3 aurait effrayé toute nation envisageant d'attaquer les États-Unis ou leurs alliés. Traduction du texte de l’image du bas. Placer un Minuteman dans le XB-70. Extended BLC exit. Aucune idée. Bolt on fairing. Carénage boulonné. Jettisonable cone. Cône arrière largable. Payload. Charge d’armement du Minuteman. Nose Ldg gear door. Trappe du train avant. © USAF
Il convient de noter que l’USAF a réellement testé cette idée de lancer des missiles balistiques nucléaires Minuteman depuis un avion en vol en 1974, en essayant en réel le largage de Minuteman depuis l'arrière d'un avion de transport C-5 Galaxy. Une fois le missile sorti de la soute du C-5, des parachutes le faisait tomber dans une position quasi verticale. Ses moteurs-fusées se sont alors allumés alors qu’il descendait lentement au bout des parachutes et l'ont envoyé alors à toute vitesse vers une cible fictive dans l'océan Pacifique selon une trajectoire balistique typique.
Le B-70 Valkyrie aurait pu être utilisé pour lancer d’autres types de véhicules hypersoniques, y compris des variantes du X-15 (NdT – Le choix de l’avion fusée X-15 comme appareil hypersonique pour le B-70 n’est pas le fruit du hasard car le X-15 était également construit par North American). À l'époque où le Valkyrie était en cours de développement, l'armée de l'air étudiait déjà des modèles d'avions hypersoniques, tels que le X-20 DynaSoar de Boeing, dont elle espérait qu'ils seraient capables d'effectuer différents types de missions d’attaque hypersonique dans un environnement opérationnel réel (NdT – Le programme DynaSoar de l’USAF a été lancé en octobre 1957 en coloration avec Boeing et a été abandonné en décembre 1963 alors que le premier prototype du X-20 était encore en construction chez Boeing).
L'une de ces propositions de vaisseau-mère a été désignée de manière intéressante comme la plate-forme de lancement expérimentale hypersonique, à savoir le M-70 (et non plus le B-70), une nomenclature similaire à celle du M-21 pour une variante de son fameux avion espion supersonique, le Lockheed SR-71 Blackbird. Lockheed avait développé le M-21 pour lancer le véhicule aérien D-21, un drone espion à grande vitesse.
Blason proposé par North American pour le projet du M-70.
Étonnamment, le Boeing X-20 DynaSoar, relativement petit, pouvait être transporté à l'intérieur du B-70, seuls les boosters supplémentaires nécessitaient un grand carénage ventral. Ce concept fut trouvé suffisamment séduisant pour que des essais en soufflerie soient débutés sur une maquette du M-70. Avec l'annulation du programme DynaSoar à la fin de l'année 1963, l'USAF arrêta toutes les recherches l’impliquant, y compris sur le "M-70" Valkyrie.
Le programme du North American X-15, qui connut un grand succès, déboucha sur une proposition de variante à ailes delta du X-15 qui aurait été capable d'atteindre des vitesses et des altitudes encore plus élevées. Afin de maximiser le potentiel de ce nouveau véhicule, le lancement à partir du Valkyrie Mach-3 semblait être la solution idéale, les deux véhicules étant construits par North American. L'annulation des deux programmes mit rapidement fin à ce concept.
Traduction du texte de l’image. Recherche sur la technologie de lancement vers le haut du XB-70. Recherche sur la séparation ascendante pour les appareils aérospatiaux et les systèmes de lancement réutilisables. Séparation aérodynamique motorisée ou non motorisée. Évaluation des systèmes de commande de vol. Manœuvres de remontée. Vols initiaux avec des véhicules éprouvés. Lancement à Mach 3 à 70 - 80 000 pieds. © USAF
Dans les années 1960, la recherche aérospatiale était axée sur les nouvelles technologies permettant d'aller plus haut, plus vite et plus loin que jamais. On pensait que la technologie du superstatoréacteur dite scramjet serait la percée nécessaire pour atteindre ces objectifs, mais il faudra encore cinq décennies pour y parvenir. Les deux illustrations montrent un même projet, celui d’utiliser le B-70 comme véhicule-mère pour le lancement à Mach 3 d’un avion propulsé par un superstatoréacteur, l’appareil d’essais hypersoniques avec pilote développé par Republic (NdT - Le superstatoréacteur ou statoréacteur à combustion supersonique est une évolution du statoréacteur pouvant atteindre des vitesses de fonctionnement supérieures à Mach 6. L’appareil piloté à superstatoréacteur dont le document parle ici est le modèle RAC730 du constructeur Republic et était en fait un projet, dévoilé par Alexander Kartveli, vice-président de Republic en charge de la recherche, en août 1961. Cet appareil, en fait un avion aérospatial, devait atteindre Mach 20. Le projet n’a jamais abouti.).
Cette illustration montre le B-70 proposé comme plate-forme supersonique de tir d’un missile nucléaire hypersonique, porté sous l’aile droite. Traduction du texte et des abréviations sur les spécifications envisagées de ce missile. Poids 420 kg. Longueur totale 5 m 10. Diamètre 1 m. Charge utile 150 kg. W/H warhead, tête nucléaire. Fuel, carburant. G compartiment gyroscopique. © USAF
Le XB-70 a également été considéré comme un moyen de lancer des charges utiles dans l'espace, un concept également connu sous le nom de "two-stage-to-orbit", un rôle qui a également été proposé pour le prédécesseur du SR-71, l'A-12 Oxcart. La monographie de l'AFMC comprend des illustrations montrant des versions modifiées du Valkyrie lançant des fusées transportant des satellites espions, et même une capsule spatiale Gemini !
Traduction du titre : Le B-70 comme propulseur d’appoint récupérable (pour les lancements spatiaux). © USAF
À l’époque, la proposition de North American d'utiliser le B-70 comme un propulseur d’appoint récupérable a reçu le plus d'attention de la part des ingénieurs militaires et civils. Au lieu d'utiliser des propulseurs d'appoint (booster) coûteux et à usage unique avec de petites capsules, le Valkyrie pourrait lancer de 70 000 pieds et à Mach 3 un avion spatial orbital sur une trajectoire orbitale, tout en permettant de réutiliser l'ensemble du système. Telle était l’idée, reçue avec pas mal d’enthousiasme dans ces années 1960.
Traduction du texte. Titre : Le XB-70A comme plate-forme de lancement pour les recherches sur les corps portant (NdT – Lifting body aircraft : un corps portant, aussi dit fuselage porteur, est un engin spatial ou un aéronef hypersonique pour lequel l'effet de portance n'est pas produit par des ailes mais par le fuselage. C’est en quelque sorte l’opposé aérodynamique des ailes volantes). Les quatre points-bulles sont : Lancement à Mach 3 d’une altitude de 70 000 pieds. Peur lancer un objet jusqu’à 91 tonnes. Des équipages et des équipes de maintenance entrainées. Un centre informatique de données. Le diagramme de droite montre l’avantage d’un lancement de l’avion fusée expérimental X-15 à partir du Valkyrie par rapport à son lancement conventionnel à partir d’un B-52. Certains types de véhicule comme l’appareil suborbital expérimental à fuselage porteur Martin SV-5 représenté sur cette illustration ne nécessitaient que des carénages avant et arrière et pas un carénage complet. © USAF
Lancement de l’avion fusée North American X-15 depuis un B-52. © NASA
Lockheed a construit le lanceur RM-81 Agena à l'origine pour le programme de satellite de reconnaissance WS-117L de l’USAF. Après la scission du programme WS-117L en trois programmes distincts, l'Agena est devenu un étage supérieur de propulsion et de transport de satellites. Le lancement de l'Agena à partir d'un propulseur récupérable, tel que le B-70 comme illustré ci-dessus, aurait permis de réduire considérablement les coûts par rapport aux grandes fusées à propulseurs d’appoint à usage unique de l'époque (NdT – L’Agena (RM-81 pour l'Armée de l'Air américaine) est un étage supérieur d'un lanceur développé dans les années 1950 par le constructeur Lockheed et utilisé avec les lanceurs Atlas, Thor et Titan pour lancer un grand nombre de satellites de reconnaissance militaires mais également plusieurs sondes spatiales et satellites scientifiques. Il a également servi d'étage-cible pour la mise au point de manœuvres de rendez-vous spatial des missions du programme spatial habité Gemini. Au total, 365 étages Agena sont lancés entre 1959 et 1987).
"Certaines propositions fantaisistes allaient jusqu'à proposer de lancer les missions habitées Gemini de la NASA à partir du vaisseau mère Valkyrie", indique le document. "Il semble que les ingénieurs cherchaient désespérément une mission pour l'avion B-70".
Certaines propositions fantaisistes allaient jusqu'à proposer de lancer des missions Gemini de la NASA à partir du vaisseau mère Valkyrie. Il semble que les ingénieurs de North American aient désespéré de trouver une mission pour leur avion et que si un véhicule spatial était suffisamment petit pour être transporté de cette manière, ils rédigeaient aussitôt un rapport pour le lancer à partir du B-70. Traduction du texte. B-70RBSS. L’abréviation RBSS signifie : Recoverable Booster Space System, soit Système spatial d'appoint récupérable.© USAF
Il convient enfin de souligner que des rumeurs persistantes circulent depuis des décennies sur le fait qu'une forme d'avion succédant au B-70 a également été développée pour ce rôle de lanceur d’un vaisseau spatial aéroporté. Le bureau Histoire de l'AFMC note également que le B-70 semble avoir eu au moins une certaine influence sur les divers concepts de transport supersonique dans les années qui ont suivi, ainsi que sur d'autres propositions de véhicules hypersoniques ou de vaisseaux mères de lancement dans l'espace. Le document souligne aussi les très grandes similitudes entre le B-70 des années 1960 et le concept d'un avion hypersonique sans pilote que Boeing a présenté récemment en 2018. À ce propos, on doit rappeler que North American Aviation a cessé ses activités dès 1966, puis a été racheté par Rockwell en 1967 pour former North American Rockwell, qui s'est ensuite transformée en Rockwell International. En 1996, Boeing a racheté divers actifs de Rockwell International, notamment sa division aviation, récupérant ainsi toute la documentation correspondante au B-70.
La silhouette et l’arrangement canard du B-70 a conduit North American et d'autres constructeurs à adopter des caractéristiques similaires pour leurs projets d’avions commerciaux supersoniques, les fameux programme SST (Super Sonic Transporter) américains, destinés à concurrencer le programme franco-anglais Concorde déjà bien avancé dans la seconde moitié des années 1960 (NdT – 1er vol du prototype du Concorde à Toulouse le 2 mars 1969). C’est ainsi que la silhouette du SST proposé par le constructeur North American Aviation présentait une ressemblance frappante avec celle du B-70 Valkyrie. Mais, après tout, ce n’était pas une surprise puisque le B-70 était construit par North American Aviation …
Le B-70 Valkyrie de North American a eu une influence évidente sur les ingénieurs du constructeur Douglas Corporation lorsqu'ils ont créé leur modèle de SST, connu en interne sous le nom de modèle 2229. On voit notamment qu’ils ont repris, pratiquement tel quel, les extrémités d’aile pivotantes vers le bas pour profiter de l’augmentation de portance due à l’enserrement de l’onde de choc supersonique entre les deux extrémités d’ailes sous l’avion, une invention propre au B-70.
Northrop a conçu son SST en utilisant la technique innovante du contrôle de l'écoulement laminaire sur les surfaces des ailes et de l'empennage. Northrop pensait que l'application de cette technologie permettrait de réduire le poids de l’avion d'environ 30 tonnes.
Dans sa dernière version le concept SST 2707 de Boeing, présenté publiquement en 1967, reprend aussi la disposition canard du B-70 (NdT – À ce sujet du SST de Boeing et de ses différentes variantes, je recommande l’excellent blog "L'histoire du SST ou Boeing 2707-300" posté dans le blogpost "maquettes-missiles" de Jean-Marie Malafon).
L'histoire du SST ou Boeing 2707-300
Le constructeur Bell Aircraft Corporation, qui était alors implanté à Buffalo dans l’état de New York, a créé quelques-unes des propositions les plus farfelues à partir de la conception de base du Valkyrie. La proposition la plus créative développée par les ingénieurs de Bell Aircraft est sans aucun doute le SST présenté dans cette illustration. Rien de moins qu’un supersonique de transport de passagers équipé de huit réacteurs à post-combustion et à décollage vertical (VTOL) … rien que ça !
Une autre proposition tout à fait extraordinaire des ingénieurs de Bell Aircraft était celle de cette illustration. Un vaisseau mère supersonique, très semblable au Valkyrie avec notamment un arrangement des surfaces portantes de type canard, portait sur son dos un avion-fusée hypersonique (l’engin coloré en noir sur l’illustration) transportant des passagers (on voit sur l’illustration que la passerelle d’embarquement aboutit à l’arrière de l’avion-fusée). Bell indiquait dans son document que cette technique permettrait des liaisons transatlantiques de seulement un peu plus d’une heure.
La conception de base du B-70 continue d'inspirer les ingénieurs jusqu'à aujourd'hui. Cette illustration présente la proposition de 2018 pour un concept hypersonique sans pilote du département Phantom Works de Boeing (NdT – Boeing Phantom Works est une division de recherche et développement du constructeur Boeing. Elle a été créée par McDonnell Douglas avant sa fusion avec Boeing pour développer des technologies et des modèles militaires avancés. L’appellation Phantom Works fait référence au très fameux département Skunk Works de Lockheed). Cet appareil montre une étonnante ressemblance avec le Valkyrie de North American. A tel point que les médias américains lui ont attribué le surnom de "Valkyrie II".
La conception de base du B-70 continue d'inspirer les ingénieurs jusqu'à aujourd'hui. Cette illustration présente la proposition de 2018 pour un concept hypersonique sans pilote du département Phantom Works de Boeing (NdT – Boeing Phantom Works est une division de recherche et développement du constructeur Boeing. Elle a été créée par McDonnell Douglas avant sa fusion avec Boeing pour développer des technologies et des modèles militaires avancés. L’appellation Phantom Works fait référence au très fameux département Skunk Works de Lockheed). Cet appareil montre une étonnante ressemblance avec le Valkyrie de North American. A tel point que les médias américains lui ont attribué le surnom de "Valkyrie II".
Le programme Valkyrie, comme nous l'avons déjà mentionné, a finalement été annulé à cause de nombreux facteurs, notamment les défis technologiques, l'augmentation des coûts, l'expansion de l'arsenal de missiles sol-air de l'Union soviétique et les changements ultérieurs de la doctrine de l'USAF en matière de bombardiers stratégiques. Seulement deux prototypes de cet avion impressionnant, officiellement dénommés XB-70A, furent construits dont l'un fut tristement perdu lors d'une tragique collision en vol avec un F-104 Starfighter de la NASA. L'avion restant a ensuite été utilisé pour la recherche aérospatiale expérimentale par l'armée de l'air puis par la NASA, avant d'être retiré du service en 1969. Il est aujourd'hui exposé au musée national de l'armée de l'air américaine, à la base aérienne de Wright-Patterson, à Dayton, dans l'Ohio.
Dans l'ensemble, le document du département Histoire de l’AFMC constitue un aperçu fascinant des grands espoirs et des projets ambitieux que l'armée de l'air américaine, jouant sur l’inventivité des ingénieurs nord-américains, avaient autrefois pour ce qui est devenu l'un des avions les plus fascinants de tous les temps, le Valkyrie. Le XB-70 Valkyrie a inspiré l'imagination des ingénieurs et des concepteurs de l'ensemble de l'industrie aérospatiale au cours des années 1960. Enfin, après l’achat de North American par Rockwell en mars 1967, les données et découvertes accumulées par North American avec son Valkyrie passèrent chez Rockweel. Ce qui lui permit de développer, avec succès cette fois, son bombardier supersonique B-1 Lancer qui fit son premier vol le 23 décembre 1974.
FIN
Bonjour chers amis,
Suite à un précédent post sur ce sujet,
ici
Il y a du nouveau à l’est ! C’est le contenu du premier article que je vous ai traduit. Ce sera entre 42 et 61 F-16 qui seront livrés par la Hollande et le Danemark aux forces aériennes ukrainiennes. Et ceci constitue une première livraison. Je vous laisse lire cet article qui traite des suites de la visite surprise dimanche du président ukrainien Zelenski à la base aérienne d’Eindhoven de l’armée de l’air royale néerlandaise.
J’ai trouvé un second document que je vous ai traduit. Il s’agit du compte-rendu de la visioconférence du général USAF James Hecker (commandant de l’USAF en Europe et chef des forces aériennes de l’OTAN) avec des journalistes américains spécialisés. C’est un article de Breaking Defense qui illustre les doutes du général concernant la mise en œuvre rapide des F-16 dans l’armée de l’air ukrainienne. Notamment, à un moment, il décrit ce que sera la formation des pilotes ukrainiens au F-16. Tous les candidats actuels sont très jeunes et ne parlent pas anglais. À un moment vous lirez certainement avec intérêt une info que je n’ai pas trouvée ailleurs dans les médias français : ces futurs pilotes ukrainiens de F-16 seront formés … en France sur Alphajet ! Le saviez vous ? C’est le commandent en chef des forces aériennes de l’OTAN qui le dit au détour d’une phrase …
Les illustrations sont les originales. J’ai pensé que ces infos pourraient vous intéresser
Bonne lecture !
Philippe
PREMIER ARTICLE
DES DIZAINES DE F-16 VIENNENT D'ETRE OFFICIELLEMENT PROMIS A L'UKRAINE
Les F-16 seront fournis par les Pays-Bas et le Danemark, mais il n'y a pas encore de calendrier précis pour leur livraison.
Par Howard Altman, The War Zone, 20 août 2023
© Ministère des Affaires Etrangères du Danemark
Le désir de longue date du président ukrainien Volodymyr Zelensky d’obtenir desF-16 Vipers pour l’armée de l’air ukrainienne a fait un grand pas vers la réalité hier dimanche 20 août. Les Pays-Bas et le Danemark se sont en effet engagés à fournir ces chasseurs de quatrième génération, ce qui constitue la première annonce concrète de ce type après bien des promesses ces derniers mois.
M. Zelensky a déclaré qu'il avait convenu avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte que 42 F-16 seraient "transférés en Ukraine une fois que nos pilotes et nos ingénieurs auront achevé leur formation". Le Danemark a également annoncé qu'il fournirait 19 F-16 à l'Ukraine, soit un total de 61 appareils.
Selon CNN ? M. Rutte aurait déclaré : "À l'heure actuelle, les Pays-Bas possèdent encore 42 F-16. Sur ces 42 appareils, nous avons besoin d'avions pour aider à l'entraînement au Danemark et plus tard en Roumanie", a déclaré M. Rutte. Il a ajouté que les Pays-Bas allaient étudier la possibilité de fournir tous les avions restants, mais a déclaré qu'il ne pouvait pas encore donner un nombre vraiment précis.
Bien que M. Rutte ne s’engage pas sur un chiffre précis, le chiffre de 42 pourrait également être le nombre total de F-16 livrés dans l’immédiat. Dans ce cas les Pays-Bas en fourniraient 23 en plus des 19 promis par le Danemark. Si l'on se base sur le chiffre de 42 évoqué pour les seuls Pays-Bas, le total pourrait être de 61 pour les deux pays.
"Je suis fier que le Danemark et les Pays-Bas fassent don d'avions de combat F-16 à l'Ukraine dans sa lutte pour la liberté contre la Russie et son agression insensée", a déclaré le ministre de la défense danois, M. Jakob Ellemann-Jensen. "Le soutien du Danemark à l'Ukraine est inébranlable et, avec le don de ces F-16, le Danemark montre la voie à suivre".
Le président Zelensky et Mme Mette Frederiksen, première ministre du Danemark, se dirigent vers l'un des 19 F-16 que le Danemark va donner à l'Ukraine. © Ministère des Affaires Etrangères du Danemark
Un officier de l'armée de l'air royale danoise présente le F-16 au président Zelensky. © Ministère des Affaires Etrangères du Danemark
Le président Zelensky et la première ministre Mme Fredriksen installés dans un F-16 biplace qui sera transféré à l'Ukraine. © Ministère des Affaires Etrangères du Danemark
"En mai, les Pays-Bas ont annoncé qu'ils formeraient le personnel militaire ukrainien en vue du déploiement des F-16", a déclaré M. Rutte. "Aujourd'hui, nous pouvons annoncer que les Pays-Bas et le Danemark s'engagent à transférer ces F-16 à l'Ukraine dès que les conditions nécessaires auront été remplies. Nous travaillons en étroite collaboration avec les États-Unis et nos autres partenaires internationaux. Il s'agit d'une nouvelle étape dans notre soutien à l'Ukraine".
Aucun calendrier précis n'a été proposé quant à la date à laquelle les avions seront livrés ou deviendront opérationnels.
Reprenant des sentiments fréquemment exprimés quant à la date à laquelle les F-16 pourraient effectivement voler dans le ciel ukrainien, M. Rutte a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un événement qui se produirait dans un avenir proche.
"Les F-16 ne contribueront pas immédiatement à l'effort de guerre. Il s'agit de toute façon d'un engagement à long terme de la part des Pays-Bas", a déclaré le dirigeant néerlandais. "Nous voulons qu'ils soient actifs et opérationnels dès que possible ... Pas dans le mois qui vient, c'est impossible, mais, espérons-le, très peu de temps après."
Le président ukrainien Volodomyr Zelensky accompagné de son épouse (en blanc) entre dans un hangar pour inspecter un F-16 de l'armée de l'air royale néerlandaise à la base aérienne d'Eindhoven. © Bureau du Président Ukrainien
Le président ukrainien Volodomyr Zelensky et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte (à sa gauche) posent devant un F-16 de l'armée de l'air royale néerlandaise sur la base aérienne d'Eindhoven. A gauche de la photographie, en blanc, on voit Mme Olena Zelenska. © Bureau du Président Ukrainien
Un F-16 de l'armée de l'air royale néerlandaise exposé à la base aérienne d'Eindhoven lors de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky, hier dimanche 20 août. © Bureau du Président Ukrainien
L'annonce faite dimanche par MM. Zelensky et Rutte intervient quelques jours seulement après que la Maison Blanche ait approuvé l'accélération des livraisons de F-16 à l'Ukraine. Elle fait également suite aux déclarations faites samedi par le ministre ukrainien de la défense, M. Oleksii Reznikov, selon lesquelles la formation d'un premier groupe de pilotes, d'ingénieurs et de techniciens ukrainiens sur le F-16 était déjà en cours et durerait au moins six mois.
"La formation sur les F-16 a déjà commencé", a déclaré M. Reznikov. Il a ajouté que les instructeurs suivraient de très près les courbes d'apprentissage des pilotes ukrainiens afin de mieux déterminer quand les F-16 devraient être livrés pour entrer en service opérationnel dans les forces aériennes ukrianiennes. "Cette période de formation sera consacrée à la poursuite du projet afin de comprendre quand nous pourrons recevoir les avions et, surtout, combien", a déclaré M. Reznikov.
Comme nous l'avons signalé par le passé, plusieurs difficultés se posent pour que les pilotes ukrainiens soient non seulement capables de piloter ces F-16, des chasseurs de quatrième génération, mais aussi capables de le faire au combat.
Les inquiétudes concernant les compétences linguistiques des pilotes ukrainiens et le temps qu'il leur faudra pour devenir hautement aptes au combat, alors qu'ils n'ont que les compétences de base pour piloter des appareils occidentaux dans le cadre de missions élémentaires, sont des questions que nous avons déjà abordées.
Vendredi dernier lors d’un briefing virtuel du Defense Writers Group, le général James Hecker, chef des forces aériennes américaines en Europe (USAFE) et du commandement aérien allié de l'OTAN a commenté pour des journalistes journalistes la livraison de F-16 aux forces aériennes ukrainiennes.
Il estime que le chasseurs F-16 constituent une bien meilleure option pour l’armée de l’air ukrainienne que sa flotte actuelle de l'Ukraine composée essentiellement de Su-27 Flanker et de MiG-29 Fulcrum de conception soviétique. Mais, d’après lui, ces F-16 ne voleront pas pour l'Ukraine avant l'année prochaine au plus tôt et il faudra attendre environ 2027 pour que leurs pilotes ukrainiens atteignent une compétence de combat complète à une échelle satisfaisante. Il a indiqué que la formation était déjà en cours au Royaume-Uni pour les jeunes pilotes ukrainiens ayant une expérience limitée. Mais il faudra du temps pour les transformer en pilotes de combat prêts à piloter un F-16.
"Il est possible d'acquérir assez rapidement une bonne maîtrise de certains systèmes d'armes", a déclaré le général Hecker. "Mais il faut un certain temps pour former quelques escadrons de F-16 et pour que leur niveau de préparation et de compétence soit suffisamment élevé. Cela pourrait prendre quatre ou cinq ans".
La formation des pilotes n'est qu'un aspect de la question. L'entretien d'avions de combat occidentaux de la quatrième génération, vieux de plusieurs décennies, dans ce qui est encore une zone de guerre, représente un ensemble de problèmes entièrement différents à surmonter. Comme nous l'avons indiqué, les responsables de la maintenance doivent être formés et atteindre un haut niveau de compétence, ce qui pourrait prendre des années avant d'être pleinement réalisé. L'infrastructure nécessaire à l'entretien de l'avion est également importante et le fait que la Russie la cible en permanence complique encore les choses. Le recours à des contractants dans le pays pour aider à la réalisation de toutes ces tâches comportera des risques importants. Toutefois, ces problèmes peuvent être surmontés et l'Ukraine a fait preuve de beaucoup d'ingéniosité à cet égard.
Samedi, le lieutenant général Mykola Oleshchuk, commandant de l'armée de l'air ukrainienne, a déclaré que l'Ukraine préparait actuellement ses pistes d'atterrissage de nombreuses bases aériennes pour accueillir le F-16. "Nous apportons les modifications nécessaires, nous améliorons la surface, nous améliorons l'infrastructure de nos aérodromes et nous construisons de nouvelles installations de défense", a-t-il déclaré. "Je pense donc que nous serons en mesure d’accueillir efficacement ces avions en Ukraine dès que nous les aurons acquis.
L'annonce de dimanche, bien qu'elle constitue un grand pas en avant pour l'Ukraine, n'aura aucun effet sur la contre-offensive en cours, qui progresse fort lentement. Compte tenu des délais impartis à ce stade, il est impossible de savoir dans quelles conditions les pilotes ukrainiens de F-16 seront aguerris au pilotage du F-16 lorsqu’ils seront enfin prêts à emmener leurs précieuses montures au combat.
FIN
SECOND ARTICLE
ALORS QUE LES ÉTATS-UNIS APPROUVENT LES TRANSFERTS DE F-16, LE CHEF DE L'USAFE PREVIENT QUE L'UKRAINE NE POURRA PAS LES FAIRE VOLER EN 2023
Le général James Hecker, commandant des forces aériennes américaines en Afrique et en Europe, a déclaré qu'il faudrait entre 4 et 5 ans pour que les pilotes ukrainiens atteignent une réelle "compétence" dans le pilotage des F-16.
Par Michael Marrow, Breaking Defense, 18 août 2023
Un F-16 Fighting Falcon de l'armée de l'air américaine affecté au 77ème escadron de chasseurs en vol au-dessus du centre des États-Unis, le 20 mars 2023. © Sgt. Daniel Asselta, USAF
WASHINGTON - Alors que les États-Unis ont donné leur feu vert jeudi dernier au transfert de F-16 Fighting Falcons du Danemark et des Pays-Bas vers l'Ukraine, le plus haut gradé de l'armée de l'air américaine en Europe prévient aujourd'hui que ces avions n'arriveront pas en 2023 et qu'il faudra attendre plusieurs années avant que les forces aériennes ukrainiennes ne puissent démontrer leur "compétence" sur cet appareil.
Selon le général James Hecker, commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique, les pilotes ukrainiens qui s'entraînent (déjà !) sur F-16 sont généralement "jeunes" et n'ont "pratiquement aucune heure de vol sur chasseur à réaction", et de nombreuses étapes les attendent avant qu'ils ne soient prêts à piloter le F-16 Fighting Falcon, fabriqué par Lockheed Martin.
Le général James B. Hecker est un général de l'armée de l'air des États-Unis qui occupe le poste de commandant des forces aériennes des États-Unis en Europe et en Afrique et du commandement aérien de l’OTAN depuis le 27 juin 2022. Il a plus de 3600 heures de vol en missions de combat sur F-15 Eagle, F-22 Raptor, mais aussi aux commandes du drone MQ-1B Predator, de l’hélicoptère HH-60 Pave Hawk, du Cessna C-208 Caravan et du Northrop T-38C Talon. © USAF
Les pilotes ukrainiens doivent d'abord suivre une formation à parler et comprendre l’anglais au Royaume-Uni, a expliqué M. Hecker, puis "ils recevront une formation un peu plus poussée sur des avions à hélices. Ils iront ensuite en France pour se former au pilotage de l'AlphaJet". Tout cela prendra du temps et ne sera probablement pas terminé avant la fin de l'année... c'est pourquoi il faudra attendre au moins jusqu'à l'année prochaine avant de voir des F-16 en Ukraine", a-t-il ajouté.
Le Washington Post a rapporté le 11 août que la formation au F-16 d'un premier groupe de six pilotes ukrainiens ne s'achèverait probablement pas avant l'été 2024, l'armée de l'air ukrainienne confirmant par la suite que les avions ne seraient pas livrés cette année comme on l'espérait.
M. Hecker, qui s'adressait lors d’une visioconférence avec journalistes spécialisés en matière militaire lors d'une discussion organisée par le Defense Writers Group, s'est fait l'écho de commentaires précédents de hauts fonctionnaires selon lesquels le F-16 aiderait quelque peu l'Ukraine à atteindre ses objectifs militaires - en soulignant des éléments tels que son interopérabilité existante avec les armes fournies par l'Occident et sa "capacité supplémentaire" en cas de combat - mais il a également souligné qu'il ne fallait pas s’attendre à ce que le F-16 soit une "solution miracle".
En outre, M. Hecker a déclaré qu'il faudrait beaucoup de temps pour acquérir une "réelle compétence" au pilotage du F-16, disant que plusieurs années pourraient s'écouler avant que l'Ukraine n'atteigne ce stade.
"Il faut un certain temps pour former quelques escadrons de F-16 et pour que leur niveau de préparation et de compétence soit suffisamment élevé. Je veux dire par là que cela pourrait prendre quatre ou cinq ans", a-t-il déclaré.
Par ailleurs, M. Hecker a déclaré que la contre-offensive ukrainienne avait progressé depuis son lancement en juin, mais que les formidables défenses russes avaient fortement entravé ses progrès. "Elle a démarré, comme vous savez, un peu lentement. Nous l'avons vu s'accélérer légèrement depuis", a-t-il observé. "Il s'agit donc d'un progrès certain. Mais les progrès sont vraiment lents".
La contre-offensive ukrainienne a été entravée par les vastes fortifications déployées par la Russie, y compris les réseaux denses de mines qu'il faut désarmer à grand-peine. Le Washington Post a en effet rapporté jeudi dernier que les services de renseignement américains estimaient désormais que les ukrainiens ne pourraient pas atteindre la ville de Melitopol.
Le général Hecker n'a pas commenté la question de savoir si l'Ukraine n'atteindrait pas ses principaux objectifs, mais il a souligné que les forces du pays avançaient. "Bien sûr, nous aimerions tous que la progression soit rapide. Mais dans une situation comme celle-ci – dans ce territoire lourdement défendu et fortifié - c'est très difficile. La lenteur est donc une bonne chose. C'est mieux que toutes autres solutions".
FIN